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Les véritables raisons de la démission de Benoît XVI (Pagina 12)

Les experts du Vatican expliquent que le pape Benoît XVI avait décidé de démissionner dès le mois de mars de l’année dernière, après un retour de voyage au Mexique et à Cuba. A cette période, le pape, qui incarne ce que le spécialiste et universitaire français Philippe Portier appelle une « lourde continuité » avec son prédécesseur Jean Paul II, découvre la première partie d’un rapport élaboré par les cardinaux Julián Herranz, Jozef Tomko et Salvatore De Giorgi. Dans ce document sont résumés les abîmes, en rien spirituels, dans lesquels l’Eglise est tombé : corruption, finances occultes, guerres fratricides pour le pouvoir, vol massif de documents secrets, luttes entre factions et blanchiment d’argent. Le résumé final insistait sur la « résistance au changement de la part de la curie et des nombreux obstacles posés aux actions demandées par le pape pour promouvoir la transparence ».

Le Vatican est un nid de hyènes enragées, un pugilat sans limites ni morale quelconque où la curie assoiffée de pouvoir fomente les dénonciations, les trahisons, les traquenards, le blanchiment d’argent, des opérations secrètes pour préserver ses prérogatives et privilèges face aux institutions religieuses et financières. Très loin du Ciel et très proche des péchés terrestres. Sous le mandat de Benoît XVI, le Vatican a été l’un des Etat les plus opaques du monde. Si Josef Ratzinger a soulevé le voile du silence sur les curés pédophiles, il n’a en rien modernisé l’Eglise, ni tourné la page de l’héritage d’affaires troubles léguées par son prédécesseur Jean Paul II.

Ce premier rapport des trois cardinaux a conduit, en août de l’année dernière, à la nomination du Suisse René Brülhart, un spécialiste en blanchiment d’argent qui a dirigé pendant huit ans la Financial Intelligence Unit (FIU) du Liechtenstein, autrement dit l’agence nationale chargée d’analyser les opérations financières douteuses. Brülhart avait pour mission de mettre la Banque du Vatican en syntonie avec les normes européennes dictées par le GAFI, le groupe d’action financière. Bien entendu, il n’y est pas parvenu.

Benoît XVI fut, comme le souligne Philippe Portier, un continuateur de l’oeuvre de Jean Paul II : « Depuis 1981, il a suivi les pas de son prédécesseur, co-rédigeant plusieurs de ses textes tels que la Condamnation des théologies de la libération dans les années 1984-1986, l’Evangelium Vitae de 1995 sur la doctrine de l’Eglise par rapports aux questions de la vie, ou encore Splendor Veritas, un texte fondamental rédigé à quatre mains avec Wojtyla ». Ces deux derniers textes cités par l’expert français constituent un résumé pratique de la vision réactionnaire de l’Eglise sur les questions politiques, sociales et scientifiques du monde moderne.

La seconde partie du rapport des trois cardinaux fut présentée au pape en décembre dernier. Depuis lors, la démission s’est posée d’une manière irrévocable. En plein marasme et avec une quantité de couloirs qui conduisent à l’enfer, la curie romaine a agi comme n’importe quel autre Etat. Elle a cherché à imposer une vérité officielle avec des méthodes modernes. Elle a contracté pour ce faire les services du journaliste nord-américain Greg Burke, membro de l’Opus Dei et ex membre de l’agence Reuters, de la revue Time et de la chaîne Fox. Burke avait comme mission d’améliorer l’image détériorée de l’Eglise. « Mon idée est d’apporter de la clarté » avait-il déclaré en assumant son poste. Trop tard. Il n’y a plus rien de clair dans le sommet de l’Eglise catholique.

La divulgation des documents secrets du Vatican orchestrée par le majordome du pape, Paolo Gabriele, et bon nombre d’autres mains invisibles, fut une opération savamment montée dont les ressorts restent toujours mystérieux : une opération menée contre le puissant secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone, une conspiration destinée à pousser Benoît XVI à la démission et à placer un Italien à sa place, ou encore une tentative de freiner la purge interne en cours ? En tous les cas l’avalanche de secrets révélés, les « vatileaks », ont submergé la tâche de nettoyage qui incombait à Burke. Un enfer avec des anges peints sur les murs n’est pas facile à redessiner.

Benoît XVI a donc été écrasé par les contradictions qu’il a lui-même suscité. Ces dernières sont telles que, dès que sa démission fut rendue publique, les traditionnalistes de la Fraternité de Saint Pie X fondée par Monseigneur Lefebvre ont salué la figure du pape. Ce qui n’est pas étonnant : l’une des premières tâches menées par Ratzinger a consisté à supprimer les sanctions canoniques adoptées contre les partisans néofascistes et ultra-réactionnaires de Monseigneur Lefebvre et, par conséquent, à légitimer au sein de l’Eglise ce courant rétrograde qui, de Pinochet à Videla, a toujours soutenu presque toutes les dictatures d’extrême droite du monde.

Philippe Portier souligne que le pape « s’est laissé dépasser par l’opacité qui s’est installée sous son règne ». Et la première cause n’est pas doctrinale mais financière. Le Vatican est un gestionnaire d’argent opaque et de nombreuses querelles qui ont été mises en lumière depuis un an ont à voir avec les finances, les comptes maquillés et les opérations illicites. Tel est l’héritage financier légué par Jean Paul II et qui, pour de nombreux spécialistes, explique la crise actuelle. L’Institut pour les Å’uvres de la Religion (IOR), autrement dit la banque du Vatican, fondé en 1942 par Pie XII, fonctionne dans une opacité totale. En janvier, à la demande de l’organisme européen de lutte contre le blanchiment d’argent, Moneyval, la Banque d’Italie a bloqué l’utilisation des cartes de crédit au sein du Vatican à cause du manque de transparence et des failles manifestes dans le contrôle du blanchiment d’argent. En 2011, les cinq millions de touristes qui ont visité le Vatican ont laissé 93,5 millions d’euros dans ses caisses via des paiements par cartes. Ils devront maintenant payer en liquide. L’IOR gère plus de 33.000 comptes par lesquels circulent plus de 6 milliards d’euros. Son opacité est telle qu’il ne figure pas dans la « liste blanche » des Etats qui participent au combat contre les transactions illégales.

En septembre 2009, Ratzinger avait nommé le banquier Ettore Gotti Tedeschi à la tête de la banque du Vatican. Proche de l’Opus Dei, représentant du Banco de Santander en Italie depuis 1992, Gotti Tedeschi a participé à la préparation de l’encyclique sociale et économique Caritas in veritate, publiée par le pape en juillet 2012. L’encyclique demande plus de justice sociale et des règles plus transparentes pour le système financier mondial. Tedeschi avait comme objectif de remettre de l’ordre dans les eaux troubles des finances vaticanes. Les comptes du Saint-Siège sont labyrinthe de corruption et de blanchiment d’argent dont les origines connues remontent à la fin des années 1980, quand la justice italienne émit un ordre d’arrestation contre l’archevêque nord-américain Paul Marcinkus, surnommé « le banquier de Dieu », président de l’Institut pour les Å’uvres de la Religion et principal responsable des investissements du Vatican à l’époque.

Marcinkus était un adepte des paradis fiscaux et était très ami avec les mafias. Jean Paul II utilisa l’argument de la souveraineté territoriale pour éviter sa détention et le sauver de la prison. Ce qui n’est pas étonnant car il lui devait beaucoup : dans les années 1970 et 1980, Marcinkus avait utilisé la Banque du Vatican pour financer secrètement le syndicat polonais Solidarnosc soutenu par Wojtyla. Marcinkus a terminé ses jours en jouant au golf dans l’Arizona en laissant un gigantesque trou noir de pertes (3,5 milliards de dollars), d’investissements mafieux et aussi quelques cadavres.

Le 18 juin 1982 apparu un corps pendu sous le pont de Blackfriars à Londres. Il s’agissait de Roberto Calvi, présidente de la Banque Ambrosiano et principal partenaire de l’IOR. Son suicide apparent révélait une immense trame de corruption qui incluait, outre la Banque Ambrosiano, la loge maçonique Propaganda 2 (plus connue comme P-2), dirigée par Licio Gelli, et la Banque du Vatican dirigée par Marcinkus. Gelli s’est réfugié à temps en Argentine, où il avait déjà opéré aux temps du général Lanusse dans une opération appelée « Gianoglio » afin de faciliter le retour de Perón.

Gotti Tedeschi fut donc investit d’une mission quasi impossible et il n’est resté que trois années à la tête de l’Institut pour les Å’uvres de la Religion. Il fut licencié de manière brutale en 2012 pour « irrégularités dans sa gestion ». Entre autres irrégularités, la justice de Rome a découvert un versement suspect de 30 millions de dollars entre la Banque du Vatican et le Crédit Artigiano. Le transfert s’est fait à partir d’un compte ouvert au Crédit Credito Artigiano mais fut bloqué par la Justice à cause de son manque de transparence. Tedeschi quitta donc la banque quelques heures après l’arrestation du majordome du pape et juste au moment où le Vatican était sous enquête pour violation des normes contre le blanchiment de capitaux. En réalité, son expulsion constitue un autre épisode de la guerre entre factions. Quand il prit ses fonctions, Tedeschi commenca à élaborer un rapport secret où il consigna ses découvertes : comptes chiffrés où l’ont cachait de l’argent sale de « politiciens, d’intermédiaires, de constructeurs immobiliers et de hauts fonctionnaires de l’Etat ». Même Matteo Messina Denaro, le nouveau chef de la Cosa Nostra, avait son argent placé dans l’IOR. C’est là que commenca le malheur de Tedeschi. Ceux qui connaissent bien le Vatican allèguent que ce banquier fut victime d’un complot monté par des conseillers de la banque avec le soutien du secrétaire d’Etat, Monseigneur Bertone, un ennemi personnel de Tedeschi, et responsable de la commission de cardinaux qui surveille le fonctionnement de la banque. La destitution de Tedeschi s’est accompagnée par la diffusion d’un « document » qui le mêle à la fuite des documents volés au pape.

Bien plus que les querelles théologiques, c’est l’argent et les comptes occultes de la Banque du Vatican qui semblent composer la trame de la démission inédite du pape. Un nid de corbeaux pédophiles, de comploteurs réactionnaires et de voleurs assoiffés de pouvoirs et capables de tout afin de défendre leur faction : telle est la terrible image de décomposition morale laissée par la hiérarchie catholique. Rien de bien différent du monde dans lequel nous vivons. Corruption, capitalisme assassin, protection des privilégiés, circuit de pouvoir qui s’auto-alimente et se protège, le Vatican n’est rien d’autre que le reflet de la décadence du système lui-même.

Eduardo Febbro

Publié dans le journal argentin « Pagina 12 » :
http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-213961-2013-02-16.html

Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera http://www.avanti4.be/analyses/article/les-veritables

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