RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Georges Ibrahim Abdallah. N° d’écrou 2388/ A 221

Lettre à « Vous ». On fera tout pour te sortir du trou, Georges !

Je viens de recevoir une lettre d’antan, dorée, de celles que l’on écrivait et envoyait jadis avec amour et un joli timbre. L’expéditeur a pris le temps d’en faire une « pépite » (nov-langue). Il doit l’avoir écrite de son bureau coquet et s’être fait un plaisir d’aller la poster lui-même, en respirant l’air revigorant de ce plateau de Lannemezan souvent en rébellion.

Du fond de ma noirceur, j’envie sa liberté. Il nous souhaite, à lui et à moi, « plein de bonnes idées et d’heureuses initiatives ». Il ajoute « bonne année dans le bonheur et la joie de la fraternité et l’enthousiasme de la lutte et des victoires ». Comme si c’était le thème ! Il y a des gens qui ne peuvent s’empêcher de mettre de la politique partout, de tout politiser. Sans doute pour se faire remarquer. Comme si la politique était affaire de bons vœux !

Cet expéditeur téméraire, au nom bizarre et inquiétant, a osé faire figurer son adresse au dos de la lettre. « Expéditeur : Georges Ibrahim Abdallah. N° d’écrou 2388/ A 221. » La prison, c’est chouette, surtout lorsqu’on a déjà plus que purgé sa peine, et qu’on pourrait être dehors ! Heureusement que la France est un pays où fleurissent et sont protégées les libertés individuelles ! En prison, on a tout le temps d’écrire son courrier, de refaire le monde, d’expier ses convictions communistes, de s’enorgueillir d’être parmi les plus anciens prisonniers politiques. Ah ! Il est mieux là où il est... En liberté, sait-on jamais, il aurait pu conseiller les grands démocrates Erdogan et Netanyahou, invités par le jeune et ex-jupitérien président des riches, peu regardant sur la quantité de sang versé par les peuples (on s’en fiche, ils ne sont pas riches). Il paraît que Georges serait même en contact permanent avec le satrape de Caracas. Le « terroriste » embastillé à Lannemezan est né au Nord Liban, un havre de paix touristique à l’époque, le « Club Med » de l’impérialisme ; et il menace tellement « la sécurité de la France » qu’il est régulièrement invité à rester en prison, nourri, logé, blanchi aux frais de la princesse. De quoi se plaint-il ?

Plus sérieusement, mais cela fait du bien de se foutre de la poire des pommes qui nous prennent pour des idiots, le plus grave crime de Georges : être devenu un militant révolutionnaire des causes palestiniennes, libanaises, moyen-orientales...

On peut comprendre l’acharnement politique contre cet homme, lorsque l’on sait que le gouvernement israélien ne pourrait commettre ses crimes sans le soutien des États-Unis, et celui, plus filou, de la France.

Les Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL) tuent à Paris, le 18 janvier 1982, un officier étatsunien, et le 3 avril 1982, le responsable à Paris des redoutables services secrets israéliens, le Mossad. La violence des oppresseurs entraîne parfois, souvent, celle des opprimés.

Le 24 octobre 1984, Georges est arrêté à Lyon, et condamné à quatre ans de détention pour « possession d’armes et d’explosifs ». Plus tard, ce qui charge la barque, on aurait trouvé dans un appartement « loué à son nom », l’arme ayant servi aux attentats évoqués, et qui, selon la DST, lui appartiendrait. Lorsque, bien des années plus tard, Georges Abdallah a demandé une vérification par test ADN, la justice a débouté sa demande, au motif que son ADN ne figurait pas dans ses dossiers officiels. Alors, montage politico-policiaco-judiciaire ? Quel agent, et de quel service, distrait en diable, aurait pu oublier cette arme, si elle n’appartient pas à ce Georges au nom si « arabe » ?

Mais qu’importe ! Georges est le bouc-émissaire idéal. Condamné d’abord à 4 ans, il est ensuite jugé une deuxième fois, après la « découverte » de l’arme, et condamné à perpétuité. Toutes ses demandes de liberté conditionnelle ont été depuis rejetées, parce que « les convictions anti-impérialistes » du prisonnier, « très solides », « sont demeurées intactes ». C’est écrit. Des convictions ? Des qualités rares en nos temps de travestisme et de cynisme politique.

Les gouvernements étasunien, israélien et français, multiplient les pressions et les péripéties judiciaires, cherchant à faire mourir à petit feu un « otage » révolutionnaire indestructible, de haute stature, un homme aux convictions inébranlables, non négociables ; un homme digne, droit, d’idéal éthique pour lequel il a engagé sa vie. Il est des hommes qui portent en eux la dignité de tous les hommes.

Je t’embrasse, Georges, frère d’idéal, de courage... et dont l’humanité résiste à tous les écrous, à tous les trouducs qui prétendent veiller à notre bien tout en nous saignant à la fémorale (c’est plus efficace). Georges, mon frère, mon camarade, on fera tout pour te sortir du trou !

Jean ORTIZ

URL de cet article 32798
  

Même Auteur
Vive le Che !
Jean ORTIZ
Comment expliquer en 2017 le prestige têtu de Che Guevarra, la fascination qu’il exerce encore et toujours ? Le nouvel ouvrage de Jean Ortiz propose une analyse et un point de vue fournis et argumentés, à contre-courant des poncifs et des contre-vérités qui ne manqueront pas de ressurgir en ce cinquantième anniversaire de son assassinat. Il est évident que se joue sur cette figure du combat anticapitaliste comme dans son legs au mouvement pour l’émancipation humaine, une bataille toujours aussi (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Partout où règne la civilisation occidentale toutes attaches humaines ont cessé à l’exception de celles qui avaient pour raison d’être l’intérêt.

Attribuée à Louis Aragon, 1925.

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.