Chers camarades insoumis, cher citoyen Jean-Luc Mélenchon,
Nous nous adressons à vous à la suite du résultat des récentes élections européennes pour lesquelles le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF), fidèle à sa stratégie de Frexit progressiste exigeant la sortie de l’Union européenne, de l’euro, de l’OTAN et du capitalisme, a appelé à l’abstention citoyenne et fait campagne dans cette optique en mobilisant l’ensemble de ses militants afin de délégitimer au maximum cette « prison des peuples » qu’est l’UE.
Vous avez décidé de présenter une liste électorale pour cette occasion. Cette divergence stratégique avec nous ne saurait faire oublier que vous avez défendu lors de la dernière élection présidentielle une position allant dans le bon sens à nos yeux en posant la dialectique suivante : « L’UE, on la change ou on la quitte ». C’est pourquoi nous avions décidé de soutenir de manière critique (notamment lorsque la dialectique exprimée paraissait moins ferme sur l’alternative de sortie de l’UE) mais sincère la candidature de la France insoumise que vous avez portée, cher citoyen Jean-Luc Mélenchon, considérant qu’il s’agissait d’une option permettant d’engager le bras de fer avec l’UE sur des bases de rupture reprenant en partie notre ligne politique et pour affronter les forces du grand capital.
Nous ne vous écrivons pas pour commenter les résultats des élections européennes qui parlent d’eux-mêmes. A l’évidence, la dialectique que vous défendiez vis-à-vis de l’UE a été sérieusement édulcorée, pour ne pas dire a disparu au cours de cette campagne, ce que nous regrettons pour notre part, au regard du contexte politique et social secouant le pays depuis plusieurs mois. En effet, outre le fait que les classes populaires, qui avaient rejeté le Traité établissant une constitution pour l’Europe (TECE) à 80% le 29 mai 2005, se sont une nouvelle fois massivement abstenues (au même titre que les jeunes), l’appel à un référendum anti-Macron a incontestablement favorisé, à notre plus grand regret comme certainement au vôtre, le fascisant « Rassemblement national », tout heureux d’être présenté par les médias complaisants comme la fausse et mensongère « alternative » à la « République en Marche », et alors que de plus en plus de Gilets jaunes n’ont cessé de défendre le message de « Frexit » dans les manifestations de ces derniers mois. En ce sens, reprendre le mot d’ordre d’une « autre Europe », d’une « Europe sociale », d’une « Europe des citoyens » ou d’une « Europe des gens », comme l’ont notamment fait Ian Brossat pour le PCF-PGE et hélas, Manon Aubry, ne pouvait que mener à nos yeux à un nouvel échec.
Depuis ce résultat, vous réfléchissez probablement à la stratégie politique générale, et à votre positionnement vis-à-vis de l’UE en particulier. Or se développe justement une fronde en votre sein que nous n’avons nullement à commenter – nous sommes suffisamment attachés à notre souveraineté et notre indépendance organisationnelles pour ne pas nous ingérer dans les affaires politiques internes qui sont les vôtres –, mais qui met de nouveau à l’ordre du jour la question de l’UE. De ce point de vue, l’offensive enclenchée par Clémentine Autain – dont, de fait, la ligne s’est incarnée dans la campagne de Manon Aubry – en faveur d’un « big bang de la gauche radicale » (reprenant au passage une formule de... Michel Rocard en 1993 ! ») et d’un énième rassemblement d’« insoumis, communistes, anticapitalistes, socialistes et écologistes décidés à rompre avec le néolibéralisme », autrement dit autant de forces malheureusement euro-compatibles et eurobéates dont le positionnement va totalement à l’encontre et des intérêts et du positionnement politique de la grande majorité des classes populaires (à commencer par la classe ouvrière et par un nombre croissant de Gilets jaunes), nous paraît dangereux pour l’avenir d’une gauche patriotique et populaire en France.
En effet, les Gilets jaunes, au même titre que des centaines de milliers de travailleurs, se trouvent de plus en plus confrontés à la désindustrialisation et aux délocalisations qui se démultiplient dans le cadre de la « construction européenne » – en fait, une vaste entreprise de pulvérisation de toutes les conquêtes sociales et démocratiques ainsi que de l’indépendance voire de l’existence même de la République et de la France – et de la mondialisation néolibérale capitalistes. Comment interpréter autrement le démantèlement de la SNCF, la fermeture de l’usine Whirpool à Amiens, la mise à mort du site Alstom à Belfort ou encore la destruction programmée d’emplois chez Renault, pour ne prendre que les exemples les plus récents (et cela sans même évoquer la privatisation programmée des Aéroports de Paris et de la Française des Jeux) ? Autant d’éléments nécessitant, de notre point de vue, une rupture totale et définitive avec l’UE capitaliste, vassalisée à l’impérialisme étasunien et qui accélère la fascisation rampante du continent, afin de mettre en œuvre notamment et de manière urgente un vaste programme de nationalisations dans de nombreux domaines (banques et assurances, énergies, transports, usines et entreprises saccagées par le grand capital...). Cette remarque vaut également pour une cause qui vous tient autant à cœur qu’à nous, à savoir la sauvegarde et la protection de la Terre et de ses ressources condamnées par le capitalisme et ses déclinaisons continentales comme l’UE.
A nos yeux, la France insoumise est à la croisée des chemins politiques. Ou bien la ligne faussement euro-critique et franchement eurobéate et euro-compatible persiste comme elle s’est manifestée lors des dernières élections européennes, avec le résultat que l’on sait et le risque de toujours plus servir la soupe aux éternelles forces appelant à des messages incantatoires et utopiques sur la « réforme » et la « réorientation » de l’UE – ouvrant dès lors un véritable boulevard au « Rassemblement national » pourtant lui aussi parfaitement compatible avec l’UE, l’euro, l’OTAN et le capitalisme. Ou bien s’affirme une France FRANCHEMENT insoumise (FFI), remettant clairement au goût du jour la dialectique développée en 2017 et qui a permis de rassembler plus de 19,5% des électeurs, à savoir l’option de quitter l’UE, l’euro et l’OTAN en cas d’impossibilité de renégocier les traités européens – chose courue d’avance pour nous puisqu’il faut l’accord de l’UNANIMITE des chefs d’Etat et de gouvernement puis des Parlements nationaux. Seule cette orientation est en mesure de placer le camp des travailleurs au cœur d’une vraie alternative politique face à la fausse opposition « progressistes » – « nationalistes » (le RN et LREM représentant de fait les deux faces d’une même pièce européiste et capitaliste), à savoir ce que nous appelons un Fr.A.P.P.E., un Front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste en mesure de rassembler toutes les forces progressistes, patriotiques et populaires tout en plaçant les travailleurs au cœur des nombreux combats à venir. Et cela sans contourner la question urgente des nationalisations démocratiques, indispensables si nous voulons sauver ce qui reste de notre industrie et articuler par la suite, de manière démocratiquement planifiée, la transition écologique et la réindustrialisation vitale de notre pays.
Chers camarades insoumis, cher citoyen Jean-Luc Mélenchon, le PRCF, franchement communiste, est disposé à discuter de manière fraternelle et constructive sur des bases franchement insoumises pour mener à bien un projet qui, de notre point de vue, est le seul en mesure de vaincre Macron, Merkel, Le Pen, les faux « Républicains » et « Patriotes », et bien entendu la mortifère UE appuyée par une fausse gauche eurobéate et en réalité social-libérale, et ainsi de conduire la République sociale, démocratique, laïque, une et indivisible, la France et tous les travailleurs vers de nouveaux « Jours heureux » !
Salutations citoyennes et communistes,
Pour le PRCF,
Léon Landini, président, ancien FTP-MOI,
Georges Gastaud, secrétaire national
Fadi Kassem, secrétaire national adjoint
Gilliatt de Staërck, responsable des Jeunes pour la Renaissance communiste en France (JRCF)