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Liliane Blaser, une histoire bolivarienne.




Portrait - Réalisatrice, anthropologue, directrice d’une école de cinéma, Liliane Blaser capte depuis trente ans les convulsions du Venezuela populaire. Un regard engagé et parfois critique sur le processus bolivarien et sur Hugo Chávez.


Le Courrier, samedi 19 novembre 2005.


Sa blondeur trahit des origines exotiques. Un père qui laissa son Helvétie natale en 1948, pour l’Eldorado pétrolier de l’époque. En visionnant ses films, le doute pourtant s’efface. Liliane Blaser respire à pleins poumons la cause du petit peuple vénézuélien. « Mes documentaires se nourrissent des gens, pour ensuite alimenter la réalité. C’est un va-et-vient constant », théorise la cinéaste, gestes à l’appui. Depuis trois décennies, sa caméra saisit les convulsions sociales, les espoirs et les défaites populaires. Sa patte, son oeil de sociologue, psychologue et anthropologue, les transforment en de purs joyaux. Pamphlets didactiques, emplis d’humour et d’humanité.

Arrivée le matin même de Caracas, Liliane Blaser n’a pas fermé l’oeil. « Je ne dors jamais dans un avion », avoue-t-elle un peu honteuse. Un « travers » qui ne l’empêche pas de sillonner l’Amérique, caméra au poing. « Nous revenons à peine des mobilisations pacifistes de Washington et du Contre-Sommet des Amériques à Mar del Plata », relève-t-elle dans un sourire plein de promesses...


Apprentissage mutuel

Le « nous » concerne son amie Lucà­a Lamanna, avec laquelle elle mène les destinées de la Communauté de travail et d’investigation (Cotrain). « Au départ, notre but était ’d’élever’ le niveau de conscience politique par l’expression. C’était une vision très assistancialiste. »
Liliane Blaser en est revenu. Elle assure aujourd’hui que l’apprentissage est avant tout un « processus mutuel ». « Le peuple possède un savoir que, nous, les intellectuels n’avons pas. » La cinéaste prend pour exemple la fameuse journée du 11 avril 2002, lorsqu’un putsch renversa pour quelques heures le président Hugo Chávez. « Notre première réaction, se souvient-elle, a été de nous réunir pour analyser la situation. Nous pensions que tout était terminé. Pendant que nous discutions, le peuple affluait vers Miraflores (le palais présidentiel alors aux mains des putschistes, ndlr). Nous avons fini par les suivre : ce furent des moments extraordinaires. Quelques heures plus tard, Chávez revenait au pouvoir ! » s’enthousiasme Liliane Blaser.


Alternatives médiatiques

Créée il y a moins de vingt ans, l’école de Cotrain a formé et soutenu plusieurs centaines de réalisateurs amateurs ou professionnels. « Grâce à une subvention du Ministère de la culture, l’école est gratuite. Comme nous refusons tout examen d’entrée, on s’est déjà retrouvé avec 80élèves à la rentrée. Pendant un mois, mon rôle est d’en décourager un certain nombre... »

La principale formation dure deux ans. Un peu de théorie au programme, mais l’expérimentation et les jeux d’observation sont les marques de fabrique de Cotrain. « Beaucoup de médias communautaires et alternatifs, comme CatiaTV, sont animés par nos anciens élèves », dit-elle fièrement.

Au fil de la Révolution bolivarienne, la demande se fait toujours plus forte. « Lorsque nous avons débuté l’école de Cotrain, les élèves rêvaient d’Hollywood, voulaient réaliser des fictions. Maintenant, le processus politique en cours est au coeur de leur intérêt et ils ne jurent que par le documentaire », témoigne MmeBlaser.

Les médias locaux en pleine expansion, mais aussi des jeunes chaînes comme la culturelle VIVETV ou la latino-américaine Telesur réclament de nouveaux réalisateurs. Et surtout des programmes originaux non formatés par Hollywood, offrant ainsi des débouchés croissants. En outre, la nouvelle loi sur les médias oblige aussi les diffuseurs privés à proposer un pourcentage élevé de productions nationales. « Les secteurs populaires ne doivent pas abandonner ce terrain à la droite », exhorte Liliane Blaser.


« Attraper » le spectateur

Dans le Venezuela d’Hugo Chávez, le travail d’une documentaliste engagée n’est pas pour autant devenu une sinécure. « Certains gagnent leur vie en travaillant, moi je la perds », plaisante la cinéaste, qui subsiste grâce à une « rente familiale » en voie d’épuisement. Pas de quoi la décourager cependant. « J’ai toujours trouvé dans le travail avec les communautés l’énergie de ramer à contre-courant », confie-t-elle. L’accueil réservé par ce public la nourrit plus que tout. « Les gens des quartiers réagissent beaucoup, crient, pleurent, rient, se révoltent. Ils sont les acteurs de mes films, c’est normal que ceux-ci provoquent de telles réactions. »


Critiquer et soutenir Chávez

Liliane Blaser ne fait pas mystère de son soutien au « processus bolivarien », comme elle dit. Mais la réalisatrice revendique aussi une totale indépendance. « Le doute est essentiel dans mon travail de documentaliste. Je me dois de laisser parler ma matière, la réalité. » Pas dupe, elle admet que la République bolivarienne n’est pas exempte de reproches. « Il subsiste d’importants dysfonctionnements, la corruption notamment n’a pas disparu. Le pouvoir fortement charismatique de Chávez et son discours parfois provocateur peuvent aussi entraîner des dérives. Le risque existe de voir le processus tomber dans l’auto-célébration. Il faut que les organisations sociales jouent leur rôle de contrôle du gouvernement. De même, mon rôle de cinéaste engagée consiste à critiquer le processus de l’intérieur pour tenter de l’influencer, d’opérer une balance », expose MmeBlaser.


Hugo, Juan et Evita

Reste que le personnage d’Hugo Chávez a visiblement séduit une intellectuelle d’abord méfiante. « Je n’aime pas trop les militaires : j’ai beaucoup hésité à voter pour lui en 1998 », admet-elle. Avant d’ajouter : « Heureusement, je l’ai fait ! Sinon je m’en voudrais aujourd’hui... »
Calmement, elle énonce : « Chávez est un très grand pédagogue. Ses émissions quotidiennes sont un modèle de divulgation. En tant que cinéaste, j’essaie de traduire le sens des événements par le son et l’image. Lui y parvient par la parole. » « Sa relation au peuple est incroyable, poursuit-elle. Les gens pleurent durant ses discours. Le phénomène est profond, ce n’est pas qu’une question idéologique. » La psycho-anthropologue use d’une image osée : « Hugo Chávez, c’est un peu Juan Domingo Péron et Evita (mythique couple présidentiel argentin, ndlr) en un seul personnage. Il a la figure autoritaire, paternelle, du général et la douceur, la sensibilité d’Evita. Dans un bastion du machisme comme le Venezuela, Chávez est le seul leader à être acclamé par des supporters masculins criant : ’On t’aime’ ! » s’amuse Liliane Blaser.


Mémoire historique

Passionnée, la cinéaste a depuis longtemps oublié sa nuit blanche au-dessus de l’Atlantique. Intarissable, elle s’avise soudain d’aborder un projet qui lui tient à coeur. En trente an d’activisme audiovisuel, Liliane Blaser et ses camarades ont accumulé des kilomètres de bandes. « Nous aimerions beaucoup mettre cette immense banque de données à disposition », souligne-t-elle. Reste à trouver un financement et surtout à assurer la sécurité d’un tel projet. Dévalisée en 2003, Cotrain ne doit la survie de ses archives qu’à la prudence des militants. « Après le coup d’Etat, nous avions caché nos archives. Un coup de chance, sinon c’est une partie de la mémoire historique du Venezuela qui aurait disparu. Maintenant, il faut qu’elle retourne au peuple. »


L’an 9 avant Hugo Chávez

Préhistoire du processus vénézuélien », la tétralogie diffusée ces jours en Suisse romande ne pouvait mieux s’intituler. Constituée de trois courts métrages réalisés par Cotrain quelques années avant la prise de pouvoir d’Hugo Chávez et d’un petit film sur le premier mandat du président, « Préhistoire... » débute par le soulèvement populaire de 1989 et se poursuit avec le coup d’Etat manqué du jeune lieutenant Chávez. Les images au coeur du mouvement populaire révèlent la lame de fond qui emporta un système pseudo démocratique, corrompu et d’une violence extrême. Avant de donner naissance par référendum à la République bolivarienne, en 1999. Une continuité historique peu connue à l’étranger, car camouflée sous l’omniprésence du phénomène Chávez, à découvrir mardi soir à Genève, en marge du festival « Filmar en América latina » [1].

Benito Perez


- Source : Le Courrier de Genève www.lecourrier.ch


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Venezuela : médias contre médias

«  Vous ne pouvez impulser un changement social si la parole est monopolisée par l’autre [1]. » Dans le contexte de révolution démocratique que connaît le Venezuela, la question des rapports entre médias et société se pose avec une acuité toute particulière. Les médias traditionnels privés [2], et notamment les cinq grandes chaînes de télévision du pays - Venevisión, RCTV, Globovisión, Televen et CMT -, donnent de la société une image qui surprend tout visiteur acceptant de sortir des quartiers chics de l’est de Caracas. A l’écran, les peaux sont blanches, les maquillages très « tendance », les coupes de cheveux irréprochables. Bercé par la ronde des biens de consommation, on y témoigne des affres de l’amour déçu, trahi ou fécond que connaissent des conducteurs de 4 x 4 et de coupés sport. Bref, alors que plus de 60 % de la population vit dans la pauvreté, on s’y sent plus proche de Miami que des quartiers populaires de Petare ou Catia, trop pauvres, il est vrai, pour intéresser les annonceurs. Par Renaud Lambert, 28 septembre 2005.
Lire la suite sur RISAL<BR>
http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1483


Venezuela : démocratie participative ou gouvernement comme un autre ? par Gregory Wilpert.

Discours du Président Hugo Chavez au IVe Sommet des peuples de l’Amérique à Mar del Plata.

Le Vénézuéla avance à grands pas : la misère recule, par Romain Migus.


[119h, Centre culturel Tierra Incógnita (Charles-Humbert6, Plainpalais), en présence des réalisatrices Liliane Blaser et Lucà­a Lamanna.


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