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Lettre ouverte au « petit propagandiste » (Pujadas)

On ne réduit pas la vie et l’Europe à une statistique erronée

Introduction : L’autre soir, lors de la « grande confrontation » sur LCI, le propagandiste en chef nous a livré son graphique sur le temps de travail, qui montrerait le fait que les « français » travaillent le moins en Europe… Au-delà de discuter philosophiquement, si le sens de la vie est le travail (tripalium en latin), il y a dans la présentation du « propagandiste » une ineptie fondamentale, sur le graphique présenté. Précisons, la politique mérite un débat démocratique, c’est-à-dire un débat sur le choix de société qui se présente à nous. Chacun peut avoir le droit de présenter une analyse politique différente, encore faut-il partir de données incontestables ou alors, car toutes sont discutées, notamment chez les experts, de montrer des graphiques différents en soulignant de fait leurs construction différentes. Tel n’est pas le cas chez le JUDAS des Médias, qui impose un graphique et un seul comme porteur de VERITE. Staline n’aurait pas mieux fait…

Temps de travail par habitant une ineptie politique : Voici le graphique présenté par Pujadas sur le « temps de travail annuel par habitant ». Comme l’a alors déclaré Pujadas : « personne ne pouvant remettre en cause ce graphique » qui s’appuient sur « des données incontestables », il en ressort qu’en effet au vu du graphique les « français sont ceux qui travaillent le moins, et en tout cas beaucoup moins que les allemands qui, en Europe, servent souvent de référence.

Le message politique sous-jacent au graphique étant : la mauvaise situation économique de la France est dû au fait que les français travaillent moins et que de ce fait, il s’agit pour être compétitif et « créer des emplois  », travailler plus, d’où évidement la cohérence du discours gouvernemental sur la nécessité de travailler plus… (durée de cotisations pour la retraite). Mais l’équation temps de travail = compétitivité est-elle une équation qui se vérifie partout et est-elle tout simplement vraie ???

Elargissons la focale à l’ensemble des Pays européen : Avant que d’en venir au fond de la question sur l’objectivité du graphique, ne faisons qu’élargir la focale, sur l’ensemble de l’Europe, pour constater que les « habitants grecs » travaillent plus que leurs homologues allemands, et pourtant on ne peut dire que la situation économique grecque soit supérieure à celle de l’Allemagne. Donc « temps de travail par habitant » et « puissance économique d’un Pays », n’ont que peu de relations, car oubliant notamment le niveau de développement (technologies utilisées). Mais il y a plus grave, c’est le type de statistique ici retenu qui pose le plus de problème.

Sur un plan économique cette comparaison fondée sur le seul critère du « temps de travail par habitant » n’a aucun sens, car on met dans le même sac, « ceux qui travaillent » et « ceux qui ne travaillent pas » (chômeurs, retraités, jeunes en situation de formation, femmes en congés maternité etc). La seule comparaison possible est celui du « temps de travail des personnes occupées » et là les choses se rééquilibrent voire s’inversent.

Durée de travail des salariés en Europe : Deux autres graphiques qui donnent des situations contrastées sur la réalité du temps de travail…Si l’on prend le graphique de gauche sur la « durée effective annuelle moyenne des salariés à plein temps », alors là encore la France est très mal placée… Mais si l’on prend la durée moyenne du travail hebdomadaire pour « l’ensemble des actifs », alors on observe que la France avec 38 h est plus proche de l’Espagne, que de l’Allemagne avec ses 35,7 h. Alors, devant ces informations contradictoires, à défaut de vérité absolue, qui n’existe pas en Economie politique, la question est : Quel est le graphique qui est le plus proche de la réalité économique ???

Tenir compte de la réalité du marché du travail : En fait aucun graphique n’est faux en soi. Un graphique, précisons-le, ne fait que traduire en courbes des données statistiques observées. Tout dépend donc des données statistiques que l’on prend en compte. Soulignons ici que le premier graphique qui est montré est celui du nombre d’heures travaillées effectivement dans l’année divisé par le nombre de salariés travaillant en « temps complet ». Or le « temps complet » n’est plus la seule référence pour les contrats de travail. Avec le développement de la flexibilité, beaucoup de salariés, notamment les femmes, les contrats de travail sont à « temps partiels. » La question posée est donc : Ce calcul décrit-il encore le fonctionnement effectif du marché du travail actuel ?

  • Un marché du travail unifié : Il y a 30 ans, quand le marché du travail était unifié autour d’un seul type de contrat, le CDI à temps complet (de plus majoritairement masculin), alors ce calcul représentait une grande partie de la réalité du marché du travail. Ainsi, encore au début des années 80, les offres d’emplois en CDI représentaient encore 85 % des emplois proposés. Aujourd’hui tel n’est plus le cas…c’est l’inverse. 85 % des emplois proposés sont hors CDI et de fait très souvent en « temps partiel », et non plus en « temps complet ». De fait, plus le temps passe, moins ce graphique est représentatif du marché du travail tel qu’il est…
  • Le marché du travail éclaté : En fait d’unité et d’entreprise intégré, le Capitalisme [1], pour faire plus de profit a désintégré l’entreprise (matrice du BCG / https://fr.wikipedia.org/wiki/Matrice_BCG) pour imposer un capitalisme de flux (financiers, marchandises, et production). En mettant la finance d’abord, les entreprises et l’emploi sont devenus les variables d’ajustement du « tout profit  », expliquant l’entreprise et le marché du travail éclaté, expliquant la précarisation massive du marché du travail (85 % des offres d’emplois).

La réalité du temps partiel : Comme le montre ce graphique, le marché du travail s’est transformé et le temps partiel qui représentait 8 % à la fin des années 70, représente désormais plus de 18 % des emplois ce qui modifie de manière importante le marché du travail. Par ailleurs, le travail à temps partiel est essentiellement féminin. Aujourd’hui, Les emplois à temps partiel sont pour l’essentiel occupés par des femmes (82,5%) et de fait, plus de 30 % des femmes travaillent à temps partiel, expliquant ainsi en retour les inégalités de salaire et de retraite…Pour en savoir plus sur le temps partiel, je vous renvoie à cette excellente synthèse : http://ses.ens-lyon.fr/articles/le-temps-partiel-282736

Quel doit donc être le chiffre retenu ? Une fois que l’on a compris la problématique posée, il s’agit de chercher à réintégrer les « temps partiels » au « temps complet » en regardant leur poids relatif dans la société. Et là on tombe sur deux chiffres tout à fait voisins pour ce qui concerne l’Allemagne et la France.

Pour l’Allemagne, la durée effective de travail annuelle par actif occupé en 2013 est de 1 580 h à comparer aux 1 536 h de la France…

Si l’on gardait la mesure des seuls « emplois à temps complet », alors la différence s’agrandit : 1 847 h pour l’Allemagne contre 1 661 h pour la France.

Dans le premier cas, plus proche du marché du travail réel, moins de 50 h de différence annuelle, dans le second cas, près de 200 h…

Une évolution générale de la baisse du temps de travail : Si l’on observe l’évolution du temps de travail sur une longue période, on observe que celle-ci a tendance quel que soit le Pays, à baisser et le depuis 1950, le pays qui a régulièrement baissé le temps de travail annuel se trouve être l’Allemagne, au point de se retrouver, comme le visualise le graphique, de se retrouver comme la Pays ayant le plus baisser son temps de travail effectif annuel, et ce sans que cela ne nuise à son efficacité économique, y compris en situation de concurrence (Allemagne premier exportateur Européen).

On comprend les raisons du Patronat (MEDEF) et de Pujadas que de présenter un graphique qui soit le plus défavorable à la France, permettant ainsi de justifier le discours politique de Macron sur la nécessité de travailler plus (reculer l’âge de la retraite effective).

En complément, il faut rajouter à ces données que le salarié français est plus productif. Quand un salarié français produit 100, le salarié allemand produit 80 http://cheminspublics.canalblog.com/archives/2010/10/14/19327536.html :

ce qui de fait, en combinant temps de travail effectif (temps complet + temps partiel) et la productivité du travail, on obtient de fait une efficacité économique relative supérieur à bien des Pays [2].

L’origine de nos faiblesses ne tiennent donc pas dans le temps de travail, le coût du travail ou les services publics, mais dans le choix délibéré du Capital Français, de prioriser le profit de court terme au détriment de la société, d’où les réformes du Macronisme (code du travail, privatisations, retraites, fiscalité etc…).

Alerte sur les perspectives Européennes : Au-delà du temps de travail, la principale question européenne est celle des politiques à suivre, car continuer dans le même sens, celle du marché libre et non faussé conduit au désastre social avec une perspective de 120 millions de personnes en risque de pauvreté. Rompre avec les traités du « marché libre et non faussé », apparait donc bien comme la seule issue progressiste à la crise européenne actuelle.

Ouverture : J’ai fait cet article rapidement en vue de donner des éléments de compréhension en rapport à la propagande de Jupiter-Pujadas, et il faudrait rajouter d’autres éléments sur le travail. Il reste que chacun, ici doit se rendre compte de la présentation mensongère de Pujadas, qui tient de la propagande politique et en aucun cas, du débat démocratique.

Observez que moi le « communiste-Insoumis », je n’ai pas présenté les choses en noir et blanc, j’ai cherché à présenter les choses de manière relative, en fonction des éléments de connaissance qui sous-tendent les graphiques, tous les graphiques et en expliquant les différences par le fait qu’il s’agit de contenus différents.

Pujadas aurait pu présenter plusieurs graphiques en expliquant leurs relativités, ce qu’il ne fait jamais. Dans son monde, il n’y a qu’une vérité, celle « du marché libre et non faussé  », pour lequel il est en permanence en service commandé…

On ne peut pas réduire la vie et le vote du 26 Mai, sur une statistique erronée, construite pour justifier une politique. En ce sens, Pujadas, vient de manquer à son devoir déontologique de journaliste, et s’est mue en simple propagandiste du marché.

L’Economie et la société sont infiniment plus complexes qu’un graphique présenté de manière irréfutable, comme auparavant la bible expliquait et justifiait tout.

Le 28 Avril 2018, Fabrice-Economiste humain.

P.S du 2 mai 2019 : lors d’une émission précédente de LCI il avait déjà été indiqué que le nombre de jours fériés en France était supérieur à l’Allemagne comme le montre la « carte LCI » : Les français apparaissant une fois de plus comme ceux qui bénéficient de plus de jours de congés. Les médias ourdissant la possibilité que le gouvernement prenne la décision de supprimer un jour férié, il fallait anticiper cette décision et commencer d’abreuver les citoyens de chiffres expliquant notre paresse, notamment en rapport à l’Allemagne. Mais ce jour-là le député France insoumise Adrien Quatennens a immédiatement rectifiée la journaliste expliquant : « Il n’y a pas 9 jours férié en Allemagne, mais 9 jours fériés d’Etat, auxquels s’ajoutent les jours fériés des landers soit entre 9 (Berlin) et 13 (Bavière). LCI oublie de plus l’Italie et ses 14 jours fériés ou la Suède et ses 17 jours fériés. »

De plus, comme le graphique de droite le montre, les congés payés légaux ou conventionnels sont plus importants en Allemagne qu’en France, qui se situe dans la moyenne européenne (25 jours).

Mais pour les propagandistes du marché (appelé journalistes à l’antenne) qu’importe la vérité seul compte le marché…

N’écoutez plus LCI (« Lancement de Chiffres Inexacts »), lisez LGS

Fabrice AUBERT

[1Le Capitalisme, n’est pas un « gros mot », il est le système économique dominant fondé sur la propriété privée des moyens de production (terres-usines-banques)

[2C’est d’ailleurs ce qui permets de financer notre modèle social


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