Pression sur les élèves : un constat de crise du système éducatif français

Le constat dressé par les associations de parents d'élèves en France est alarmant : la crise éducative persistante se manifeste à travers des inégalités croissantes, une détérioration du climat scolaire et des effectifs surchargés. Malgré les alertes répétées, le manque de moyens humains et financiers compromet gravement l'apprentissage des élèves, les laissant souvent livrés à eux-mêmes dans des classes surchargées. Au cœur des revendications se trouvent la nécessité de réduire les effectifs par classe, d'adapter l'enseignement aux besoins individuels et d'investir massivement dans la formation des enseignants pour bâtir un nouveau modèle éducatif public.

Le rapport PISA met en lumière les séquelles durables causées par la pandémie de COVID-19 sur les élèves à l’échelle mondiale. En France, il corrobore les alertes lancées ces dernières années par les associations de parents d’élèves concernant les effets néfastes, au quotidien, du manque de ressources humaines et financières dans le système éducatif.

Le constat est clair : l’école française ne parvient pas à corriger les inégalités sociales existantes et, dans certains cas, contribue même à les accentuer. Les élèves issus de milieux défavorisés se retrouvent davantage fragilisés par ce système. Apprendre devient une tâche de plus en plus ardue, particulièrement pour les élèves provenant de milieux modestes, parmi lesquels un sur dix est touché par la grande pauvreté.

La dégradation du climat scolaire et des problèmes disciplinaires entrave sérieusement les processus d’apprentissage. Ce phénomène est exacerbé par un nombre élevé d’élèves par classe, avec une moyenne de 30 au collège et 35 au lycée, des chiffres parmi les plus élevés de l’OCDE.

Les sureffectifs d’élèves par classe et le manque de remplacement des enseignants constituent le cœur du problème. En 2018, seulement 17 % des directions d’établissement considéraient que l’enseignement était entravé par un manque d’enseignants. En revanche, ce pourcentage a grimpé à 67 % en 2022, selon le rapport. Il souligne également une préoccupation majeure partagée par les associations de parents d’élèves : les remplacements "garderie" sont préjudiciables aux élèves. Il est essentiel de recruter exclusivement des enseignants et du personnel qualifié pour pallier ces absences.

Contrairement à une idée reçue, le redoublement ne garantit pas la réussite, car les élèves ne se sentent pas suffisamment soutenus ou accompagnés, faute de dispositifs d’aide appropriés, tels que le programme "plus de maîtres que de classes".

Au lieu d’observer une réduction significative des effectifs par classe avec la création massive de postes d’enseignants dans toutes les matières, nous assistons à la suppression de 2 500 postes pour la prochaine rentrée. Le rapport PISA pointe la nécessité pour le ministère de l’Éducation nationale de lutter contre les déterminismes sociaux, une exigence attendue avec impatience, avec la continuité du chantier sur la mixité sociale et scolaire amorcé par le ministre précédent.

Le système éducatif semble s’orienter vers une logique de sélection des élèves, transformant écoles, collèges et lycées en sujets de classement de toute nature. Cette approche encourage tous les types de favoritismes et contourne l’objectif premier de l’éducation. Dans de telles conditions, il reviendra aux élèves de se frayer un chemin vers la réussite, malgré des classes surchargées et des enseignants manquant de temps et de ressources pour remédier à leurs difficultés dès les premiers signes d’échec.

Bien que les associations de parents d’élèves reconnaissent la volonté de créer des postes d’enseignants en français et en mathématiques, elles expriment des inquiétudes concernant ces recrutements sans revalorisation du statut enseignant. Il est à craindre que la formation de groupes de niveaux cloisonne les élèves les plus faibles, renforçant ainsi les effets néfastes décrits dans le rapport PISA. Ce dernier recommande des groupes de remédiation ponctuels et limités dans le temps, adaptés aux besoins spécifiques et temporaires des élèves.

Les annonces du ministre de l’Éducation nationale concernant le redoublement comme outil pour restaurer l’autorité des enseignants suscitent des inquiétudes. La vision de certains élus conservateurs qui présentent le redoublement comme une sanction pour les élèves jugés indésirables est alarmante.

Cette logique implique que l’échec scolaire serait uniquement attribuable au manque de travail de l’élève. Cependant, un élève en situation d’échec peut subir d’autres pressions, telles que le harcèlement, des difficultés familiales ou des problèmes de santé, perturbant ainsi son parcours scolaire. Affirmer qu’un élève en difficulté ne travaille pas n’est pas seulement réducteur, c’est également une forme de violence envers les enfants.

La résolution des problèmes de l’école ne viendra pas uniquement d’une approche autoritaire. Il est crucial de faire progresser les élèves en s’engageant à créer un environnement éducatif qui implique davantage les parents dans la scolarité de leurs enfants, au-delà de simples contraintes réglementaires.

Les associations de parents d’élèves rejettent ainsi un traitement superficiel des problèmes de l’éducation sans s’attaquer aux racines profondes. Elles exigent une réduction significative des effectifs par classe, la prise en compte des élèves ayant des besoins éducatifs spécifiques, des formations pour les enseignants afin de mieux gérer les classes hétérogènes, ainsi que la création massive de postes d’enseignants dans toutes les matières sur une période de cinq ans, permettant ainsi la mise en place de groupes de remédiation en fonction des besoins, dans le but de bâtir une nouvelle école publique.

COMMENTAIRES  

12/12/2023 05:46 par Francine lo

Ce que dit Yves Guéchi dans cet article est tout à fait juste. Cependant je ne mettraits pas tant le balancier du côté des parents d’élèves :

"La résolution des problèmes de l’école ne viendra pas uniquement d’une approche autoritaire. Il est crucial de faire progresser les élèves en s’engageant à créer un environnement éducatif qui implique davantage les parents dans la scolarité de leurs enfants, au-delà de simples contraintes réglementaires."

Chacun son rôle et sa spécialisation. Si les parents sont évidemment les premiers concernés par le parcours éducatif de leur(s) enfant(s), ce ne sont pas forcément des professionnels de l’enseignement.

Contester "l’approche autoritaire", c’est aussi pour certains parents, pour beaucoup malheureusement dès le primaire, aller dans le sens d’une culpabilisation du, de la prof, d’un inversement des rôles. En cas de problème l’élève n’y est jamais pour rien (ne pas freiner ses "chances de réussite", ne pas le brimer psychologiquement pauvre chou), c’est de la faute du mauvais prof, pas davantage soutenu par sa hiérarchie.

Tant qu’on imposera à des jeunes profs souvent mal formés, aujourd’hui engagés pour boucher vite et mal le manque d’effectifs, de faire du social en plus de l’enseignement parce que des parents ne savent plus, ne peuvent plus élever correctement leur progéniture, on ne fera qu’amplifier le problème au lieu de le régler.

Pas d’argent magique pour l’Éducation Nationale, ni pour revaloriser le salaire, principalment celui des moins bien traités, vacataires et contractuels, ni pour former, épauler correctement les jeunes profs souvent très motivés puis désespérés au bout de quelques années d’enseignement. Mais du budget pour le tout informatique et plateformes virtuelles deshumanisées, oui ! On s’étonne ensuite de la perte actuelle de repères des enfants comme des adultes !!

12/12/2023 05:58 par Xiao Pignouf

Les problèmes existent et sont profonds. Les mettre exclusivement sur le compte du Covid est une première erreur. Tous les pays n’ont pas subi les mêmes mesures ni les mêmes conséquences.

Prendre le classement PISA comme base d’analyse en est une deuxième. Celui-ci est largement dominé par la Chine. Dont je connais plutôt bien le système scolaire.

Notamment un établissement scolaire public chinois que j’ai bien connu, très bien noté dans le Jiangsu, province qui domine largement en Chine du point de vue scolaire (et économique). En primaire et secondaire, les élèves y étaient ... 50 par classe. On pouvait entendre une mouche voler, certes. Mais ceux qui étaient en échec étaient laissés sur le bord de la route. On devine pourquoi. En primaire, les enfants n’apprennent que 4 matières : chinois, maths, anglais et arts plastiques. L’apprentissage du chinois ne peut en aucun cas être comparable et comparé au français. Les élèves apprennent par coeur un certain nombre croissant de caractères chaque jour. Les compétences employées sont différentes.

Dès l’âge de 6 ans, les enfants ont entre deux et trois heures de devoirs à fournir à la maison.

Une chose est sûre : le niveau de maths enseigné dès le primaire est très vite incomparablement plus complexe qu’en France. Je dirais grosso modo qu’un niveau de CM1 CM2 chinois équivaut à une troisième voire plus en France, où on fait encore des additions et des soustractions au collège...

En dépit de cela, je ne crois pas que la Chine, en matière d’éducation, soit un modèle à suivre. Principalement parce que c’est trop rigide et cela laisse peu de place à l’imagination et à l’initiative. J’ai eu de jeunes adultes en classe, ils étaient disciplinés et respectueux, mais peu créatifs, en règle générale.

Les problématiques en France n’ont rien à voir avec celles de la Chine. Et les problèmes de l’EN sont antérieurs au Covid (qui les a aggravés) et exclusivement dus à des décisions politiques catastrophiques, à une dégradation du statut du professeur, ce qui pour le coup est à l’opposé de l’esprit chinois où ce dernier est placé pratiquement au même niveau que les parents.

12/12/2023 16:15 par Auguste Vannier

Chercheur en "Sciences de l’Education", j’ai observé depuis des années qu’il ne s’agit pas d’améliorer le service public d’enseignement mais de le faire s’effondrer (implosion lente) pour justifier la mise en place d’un "marché de l’éducation"(contrôlé par des experts technocrates). Dans la doctrine néo-libérale, le marché organisé par des experts est la solution à tout dysfonctionnement.
Parmi les tactiques les plus visibles : multiplication des réformes (1 par Ministre ), réduction des moyens, aggravation des conditions (nombre d’élèves/classe, programmes démentiels, ...), et surtout le "refus", de fait ,de construire une véritable "formation professionnelle" des enseignants. Cf le rapport de la Cour des Comptes : https://www.vie-publique.fr/eclairage/38790-des-instituteurs-aux-professeurs-des-ecoles-la-formation-des-maitres.

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