Qu’en est-il de la classe ouvrière française ?

Durant deux siècles, la classe ouvrière des pays capitalistes « développés » a été à l’avant-garde des combats pour de nouvelles conquêtes sociales et démocratiques. En France, pour plusieurs générations de militants - du parti socialiste de Jaurès et de Guesdes au parti communiste de Thorez et de Duclos -, elle a incarné l’espérance d’une révolution radicale qui abolirait le capitalisme pour édifier le socialisme, une nouvelle société libérée de la domination des maîtres de l’industrie et de la finance.

Durant toutes ces années, elle a ausi occupé une place privilégiée dans l’espace social et politique tant pour ses luttes héroïques (de la révolte des canuts en 1830 aux grandes grèves de 1936 et de 1968) que pour l’image impressionnante qu’elle donnait d’elle-même, celle de la force de milliers de travailleurs concentrés dans les usines et dans les mines.

Or, depuis les années 1970, des débats récurrents pronostiquent la fin de la classe ouvrière. Ce qui est pour le moins exagéré comme le montrent les données de l’INSEE.

Il est vrai cependant que, de 1962 à aujourd’hui, la moitié des ouvriers sont disparus des statistiques, ce phénomène touchant essentiellement les ouvriers non-qualifiés. Mais, si les ouvriers, au sens strict du terme, ne sont plus qu’environ 5,5 millions (dont la moitié dans l’industrie), ils représentent quand même le cinquième des actifs avec emploi.

Dans le même temps, le nombre de salariés - de tous ceux qui n’ont comme richesse que leur force de travail manuelle et intellectuelle - n’a cessé d’augmenter. Ils sont, aujourd’hui, 23,561 millions et représentent 91,4% des actifs avec emploi. Parmi ces salariés, on trouve :

- 23,1% d’ouvriers,

- 30,9% d’employés,

- 26,7% de professions dites intermédiaires (cadres moyens, techniciens, travailleurs de l’enseignement, de la santé et du secteur social),

- 19,3% de cadres supérieurs.

Bien qu’ils aient des intérêts de classe communs à défendre, la grande majorité des salariés non-ouvriers et, surtout, parmi eux, les professions intermédiaires et les cadres supérieurs, ne sont plus porteurs de la tradition d’organisation et de lutte qui caractérisait la masse de la classe ouvrière d’il y a quelques décennies. Nul doute que cette situation ait, en partie, contribué au recul de la conscience de classe dans la société et nuit à sa transmission aux jeunes générations. Provisoirement ?

Jean-Pierre Dubois

http://lepetitblanquiste.hautetfort.com/archive/2012/12/15/qu-en-est-il-de-la-classe-ouvriere-francaise.html

Sources statistiques : INSEE - Population en emploi selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle en 2011 - http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon03173

COMMENTAIRES  

08/01/2013 13:09 par Dwaabala

Très bon.
Encore faut-il distinguer chez les ouvriers ceux de la grande industrie qui étaient traditionnellement à la pointe de la conscience de classe, et les autres qui par leur isolement relatif et leur mode de vie se revendiquent rarement de leur appartenance de classe.
D’après l’INSEE 2010, dans la population active :
- Ouvriers qualifiés de type industriel, sans préciser l’importance de l’entreprise : 2,6 %
- Autres types (agricole, chauffeurs, manutention, etc.) : 20%
Ce qui me rassure dans mes calculs, c’est que le chiffre global correspond à peu près à celui de l’article.
Noter aussi que si l’on prend les chiffres des ouvriers de la grande industrie par rapport à la population active dans la Russie d’avant 1917...mais une avant-garde n’a jamais été majoritaire.
En tout cas, merci à l’auteur.
Encore un mot, pour vous dire que j’ai ressorti un livre que m’a dédicacé et offert Michel Verret, qui fut mon prof de philo (marxiste), puis qui fit une carrière de sociologue.
Si vous ne l’avez déjà lu, il devrait vous intéresser :
CHEVILLES OUVRIERES Collection Mouvement social Les Editions de l’Atelier.
Bien à vous.

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