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«  On ne nous fera pas bouger » (1)

Répression policière, mensonges officiels et pourquoi les «  Occupons Wall Street » ont déjà triomphé. (2) (Information Clearing House)

Êtes-vous prêts à quitter les rives de votre zone de confort et à vous retrouver en prison pour la justice ? Êtes-vous pêts à risquer des blessures graves à votre corps et à votre réputation pour porter témoignage ?

Jusqu’à ce que les récents événements aient prouvé le contraire, la surface hypercommercialisée de l’Amérique des affaires donnait l’impression d’être trop diffuse, trop privée de centre, pour constituer une menace d’excès totalitaires. Ces temps derniers, par la réponse violente qu’ont apportée aux protestataires d’O.W.S. les départements de police d’Oakland, d’Atlanta, de Chicago et d’autres villes des États-Unis, la nature répressive de notre fausse république commence à se révéler.

Derrière le visage paterne de l’establishment politique (acheté par les profits hypertrophiés de la classe pillarde), il y a les flics anti-émeutes, équipés et armés de tout l’attirail de l’oppression, qui sont prêts à appliquer sans états d’âme les diktats des bénéficiaires élitistes du statu quo. Depuis quelque temps, en fait comme en actes, l’état policier, acoquiné avec l’oligarchie économique néo-libérale, laisse voir au monde sa nature archi-autoritaire.

En général, exister dans la structure sociétale actuelle inflige à l’individu un fort sentiment d’atomisation, et les sensations d’aliénation, de vague malaise, d’anxiété flottante et d’anomie qui en découlent. La coercition est implicite et intériorisée.

Par sa nature banale et omniprésente, le système s’appuie, pour se perpétuer, sur le sens d’isolation de l’individu (et même sur son ignorance de l’existence de la structure). Bref, le système exploiteur continue d’exister, parce que ceux qui l’habitent sont privés d’autres modèles auxquels le comparer.

La pratique de la commune propre au mouvement O.W.S. fournit un modèle de comparaison. C’est précisément pourquoi nous commençons à recevoir des informations comme celle-ci :

«  Mardi 25 octobre 2011, l’Oakland Tribune rapporte que la police a fait une descente sur un campement local d’O.W.S. et l’a entièrement saccagé, après l’avoir déclaré "lieu de crime" . »

Ceci est révélateur du caractère des gens qui appliquent l’ordre actuel. Aux yeux de ceux qui détiennent le pouvoir dans un état policier, la liberté de s’assembler et la liberté d’expression sont des délits punissables.

C’est un fait que les personnalités autoritaires se vexent quand des citoyens expriment leur désapprobation des abus de pouvoir officiels et commencent à le faire savoir de manière efficace.

Trop de gens, aux États-Unis, se sont fait vendre la fiction que la nation était, est et restera une république démocratique. En laissant apparaître ses brutes et ses apologistes menteurs au grand jour, l’État est en train de se révéler dans toute sa laideur. C’est par là que tous ceux qui sont concernés pourront constater la vraie nature de l’état policier oligarchique, en place aux États-Unis.

Il est à souhaiter qu’il persiste le moins possible d’illusions sur la nature brutale, impitoyable, des forces contre lesquelles nous nous battons.

En outre, les actions policières qui répriment les protestations publiques sont des tactiques préméditées, dont le but est la suppression des droits de libre assemblée. L’objectif des agents du pouvoir, des politiques et de leurs hommes de main de la police est de prohiber le droit de contestation (théoriquement) garanti par la Constitution au point qu’il ne puisse être pratiqué.

Les dépossédés économiques et les membres des communautés minoritaires savent depuis fort longtemps ce que les O.W.S. endurent aujourd’hui aux mains du pouvoir et de ses sbires.

De leur côté, les policiers savent parfaitement qui sont ceux qu’ils sont chargés de protéger (et ce ne sont pas ceux qui désirent exercer leur droit de s’assembler et leur liberté de s’exprimer). Dans la plupart des cas, un policier ou une policière qui refuserait d’obéir à un ordre d’arrestation anticonstitutionnel commettrait un carrièricide, il/elle pourrait ramasser ses chances d’avancement sur le trottoir et les porter à la morgue sans passer par l’hôpital.

Êtes-vous prêts à quitter les rives de votre zone de confort et à vous retrouver en prison pour la justice ?

Il est très rare que des réformes se produisent sans que les agitateurs des premières lignes soient arrêtés. Aucun pouvoir ne recule sans livrer bataille, sans essayer de réduire l’opposition par des brutalités et des emprisonnements arbitraires. Les puissants exigent que ceux d’entre nous qui attirent l’attention sur leurs excès et leurs crimes soient mis incontinent loin des yeux, loin du coeur.

De là vient qu’à Oakland, les medias commerciaux ont, à leur grande honte, détourné leurs caméras dès qu’ont débuté les violentes attaques policières et les arrestations de masse.

Êtes-vous pêts à risquer des blessures graves à votre corps et à votre réputation pour porter témoignage ? Le mouvement des O.W.S. survivra selon qu’il y aura ou non des corps par terre et des yeux fixés sur les voyous en uniforme.

Fidèles à eux-mêmes, les médias serviles proclameront à quel point les contestataires sont laids, en inféreront que les gens sensés, par simple bon goût et bienséance, doivent ignorer les appels des manifestants, qu’il faut que ces mécontents et ces excités se voient interdire l’accès au royaume du discours légitime, que ces intrus débraillés se cassent le nez sur des murs de silence.

Exister dans le monde, c’est se mesurer à des murs. La manière dont on répond à ces barrières s’appelle caractère et art.

Beaucoup d’âmes courageuses ont affronté ce genre de murs.

Souvent, en jetant les yeux sur le mur bleu d’obtuse répression qui encercle le Parc Zuccotti, et en pensant aux autres sites O.W.S. du pays, je songe avec tristesse et nostalgie à tous les réprimés de la terre, à ceux qui, au cours du temps, ont dû faire face à des murs de haine aveugle, d’exploitation économique, de répression institutionnelle...

Je sympathise de tout mon être avec ceux qui ont dû affronter tant de murs d’indifférence suffisante, de honte intériorisée et de mensonges officiels, avec ceux qui se sont tenus, impuissants, devant l’âpre réalité de circonstances apparemment implacables. Je repense aux vies et aux oeuvres des musiciens de blues itinérants du Sud Profond des États-Unis et à la manière dont ils se sont colletés avec ces murailles à la fois de répression officielle et d’aveuglement collectif, de peur ignare et de haine, et comment ils ont fait, de ces murs de prison, l’architecture numineuse du Blues... comment ils ont, par leur alchimie, transmué les barrières qu’on leur opposait en technique de la guitare.

Les instruments de musique, tout comme le mot rencontrant le mètre chez un poète, sont à la fois une barrière et une sauvegarde, les limites du moi sont mises à l’épreuve, explorées, et, à travers efforts, échecs et moments d’allégresse, deviennent oeuvre d’ar, par leur confrontation et leur union avec l’instrument, les circonstances personnelles et le public.

Comme ceux qui sont en première ligne dans les campements d’O.W.S., des millions de gens dans l’histoire se sont trouvés face à des barrières apparemment infranchissables, à des murs de brutalité humaine, comme, par exemple, les lois Jim Crow (3), les brigades de tarés casseurs de syndicalistes, le mur d’apartheid sioniste, diverses polices secrètes et brutes publiques, mais il n’a jamais été, pour eux, question de laisser les salauds «  leur faire faire demi-tour... »

Si vous choisissez de résister à un pouvoir établi, lorsque vous vous retrouverez en face d’une autorité obtuse, votre coeur reconnaîtra du premier coup l’exercice, il vous guidera : sa trajectoire naturelle le porte vers la liberté. Soyez sans crainte, vous saurez quoi faire quand le moment arrivera, et vous acquerrez le savoir que tout vos prédécesseurs ont acquis avant vous dans leur lutte pour la justice... ce savoir qui a fait monter dans leurs gorges, du plus profond de leur être, le cri «  On ne nous fera pas bouger ».

Ceux qui pratiquaient le Delta Blues se sont heurtés à des murs d’oppression... à des murs de haine rageuse, et ils y ont répondu en passant au travers... pour habiter un paysage plus vivant, plus sonore, plus doté d’âme que leurs oppresseurs ne pourront jamais le croire possible. Ils ont occupé leurs propres coeurs et nous entraînent dans l’instantanéité du monde par leur victoire sur les circonstances pourries de leurs vies, en s’appropriant les barrières mêmes placées sur leur chemin par leurs tyrans et en transformant les critères de ces tyrans en architecture de l’âme.

Ceux qui savent cela ont déjà gagné... ils ont déjà triomphé.

Lorca a décrit la situation (qui se reproduit dans le mouvement O.W.S.) par sa théorie du «  duende » (4). Son concept de duende révèle pourquoi les gens, confrontés à l’ordre ossifié d’un système inhumain, sont pris de la nécessité - on peut même dire mis au défi - de refaire le monde sur de nouvelles bases, tandis que d’autres n’éprouvent que mortification, indifférence, résignation et hostilité.

Dans quelle direction vous entraîne votre âme ? «  L’arrivée du duende suppose toujours un changement radical des formes sur de vieux schémas, elle apporte des sensations de fraîcheur totalement inédites, comme la qualité d’une rose soudain créée, par miracle, produit d’un enthousiasme presque religieux. » (Les Conférences de La Havane, Federico Garcia Lorca.)

Quand je vois la police harasser, arrêter et brutaliser ceux qui exercent leur droit de s’assembler, je suis pris d’un accès de rage... La rage monte en moi avec une fureur animale, me pousse à me battre avec bec et ongles, à saisir à la gorge ces intrus vicieux, venus violer le territoire du discours public authentique.

Ces temps derniers, au lieu de refouler la fureur qui montait en moi ou d’agir, porté par elle, je l’ai laissée inonder mon être. Le résultat est qu’alors ce flux de rage se transforme en une force puissante et pénétrante - une force qui enveloppe et démarque la géographie de mes convictions... jusqu’à me faire accepter, définir et défendre les contours de mon véritable moi.

Nous pouvons considérer la rage comme un ange de l’auto-définition, comme le protecteur de notre vraie nature et comme la source d’un pouvoir personnel : «  je ne vais laisser personne me faire faire demi-tour... » (5).

Notre colère est vitale à notre existence ; c’est un cadeau précieux, c’est pourquoi il ne faut pas la gaspiller... pas la peine de la gâcher sur des tarés.

Quand la rage vous viendra, invitez-la à entrer, sa présence emplira votre chambre d’alacrité, et la hausse soudaine de vitalité qu’elle vous apportera vous permettra de pénétrer plus loin et plus profondément dans les régions inexplorées de votre âme.

A l’opposé, le monde des oligarques néolibéraux, de la classe politique biface et des flics, a été remis en question. Ces gens sont habitués à n’en faire qu’à leur guise sur des masses complaisantes et complices. En cela, ils ne sont pas une exception, ce qu’ils sont et ce qu’ils font est universel. Le monde que nous connaissons (ou que nous croyons connaître) et que nous nous ingénions à maintenir, peut, de temps en temps, révéler un aspect de lui-même surprenant et difficile à contrôler, comme par exemple la contestation qui enfle à travers le pays, peut-être trop vaste et trop puissante pour être encerclée, parquée, gazée, menottée et emprisonnée en entier. L’altérité du monde semble tout à coup trop grande... elle est devenue une armée d’anges mécontents.

Un jour, j’ai vu un grand danois, sur la Seconde Avenue, qui tentait d’entrer en communion canine avec ses congénères. Pour montrer que ses intentions étaient bienveillantes, amicales, il s’aplatissait sur le trottoir, s’efforçant de rendre sa massive carcasse aussi petite que possible, allant même jusqu’à poser sa tête sur le béton... faisant tout ce qu’il pouvait pour donner l’impression de la soumission, même au plus petit des chiens qui l’approchait. En d’autres termes, pour agrandir son monde, il produisait l’illusion de la petitesse. Il ne réduisait pas son essence, il créait l’artifice de la petitesse, afin de pouvoir devenir plus grand que lui-même en élargissant son univers par son union avec l’altérité du monde.

Nous ne demandons pas que les flics s’aplatissent devant nous. Ce serait déjà bien qu’ils ne se hérissent pas autant. Pour grandir en présence les uns des autres, il nous faut nous rencontrer à hauteur d’yeux, même si l’un de nous doit descendre un peu de sa position habituelle de puissance et d’autorité.

Policiers, vos flingues, vos balles en caoutchouc, vos matraques, vos jets de poivre ... le menaçant mur bleu d’intimidation que vous dressez devant nous ne crée que l’illusion de la force. Si vous voulez vraiment devenir forts, rencontrez-nous sur ces trottoirs, sans étalage de pouvoir vide.

Phil Rockstroh

Phil Rockstroh est un poète, parolier et barde philosophe qui vit à New York City. On peut le contacter à l’adresse phil@philrockstroh.com. Voir aussi son blog : http://philrockstroh.com/ .

Source : http://www.informationclearinghouse.info/article29539.htm

Traduit par C.L. http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be

1. Allusion, évidemment, au célèbre We shall overcome («  Nous triompherons »).

2. We shall not be moved, est un ancien negro spiritual repris par le mouvement syndical américain des années 30 : chant de piquet de grève.

3. Lois racistes du Sud des États-Unis, appliquées de 1876 à 1964.

4. Un « duende », en espagnol, est un lutin, mais aussi un enfant malicieux, farceur, méchant ou capricieux. Rapporté au flamenco, « el duende » est cet état de transe, de génie, où l’inspiration vient facilement et où tout réussit avec virtuosité à l’interprète musicien, chanteur ou danseur ...

5. Ain’t Gonna Let Nobody Turn Me Around, air traditionnel, chanté notamment par Joan Baez


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