Où comment ce qui s’annonçait comme un « Parti Révolutionnaire en Septembre »
pourrait devenir une énième officine sociale-chauvine en Octobre... !
Lorsque le groupe URCF a officialisé sa rupture (*) avec le PRC, qu’il avait pourtant contribué à fonder, une de ses préoccupations majeures était de soutenir la campagne électorale du parti communiste britannique pour le Brexit...
Une fois le fait accompli, il y voyait une grande victoire progressiste, sinon sociale :
« Les communistes britanniques ont mené la campagne contre le Brexit en montrant que la solution, c’est d’associer cette sortie avec la lutte pour le pouvoir de la classe ouvrière et l’expropriation des capitalistes. Mais la victoire du Brexit est une victoire de la classe ouvrière de toute l’Europe ; elle porte un coup, même partiel – il n’est pas sûr qu’au dernier moment des arrangements ne permettent pas de piétiner le vote populaire – au dispositif de domination du capital monopoliste sur l’Europe ; elle divise la classe dominante du Royaume-Uni, elle accentue les contradictions, et par conséquent affaiblit notre adversaire commun. »
Aujourd’hui, alors que l’URCF s’apprête à se transformer en un nouveau « parti communiste », il est plus que jamais temps de se poser la question :
En quoi le Brexit a t-il été...
« une victoire de la classe ouvrière de toute l’Europe » ...qui « porte un coup, même partiel – ...– au dispositif de domination du capital monopoliste sur l’Europe » ?
En effet, en quoi le capitalisme monopoliste et l’impérialisme ont-ils été affaiblis par ce Brexit ?
En quoi les contradictions internes entre puissances impérialistes, manifestées à cette occasion ont-elles, le moins du monde, affaibli le système capitaliste ?
En quoi cette prétendue « victoire ouvrière » représenterait le moindre coin enfoncé dans le dispositif de domination du capital ?
On assiste clairement à un réajustement entre les blocs occidentaux, où le bloc britannique réaffirme plus que jamais son caractère impérialiste et se trouve, en fait, en mesure de tenir tête aux autres factions financières (**), sans que cela n’altère en rien sa capacité d’extraction de la plus-value sur les sujets prolétariens de sa « gracieuse majesté », bien au contraire. Encouragé par les chants des sirènes nationalistes et sociales-chauvine, la bourgeoisie britannique ne peut que se réjouir de cette occasion de négocier avec ses partenaires, en position de force, en réalité.
Négocier, tel et le maitre mot pour ce qui se joue encore dans les querelles internes de l’occident, tandis qu’au Proche-Orient et ailleurs résonne déjà le bruit des canons, et coule à flot, le sang des prolos...
Et la bourgeoisie française y a sa part, comme pourvoyeuse d’armes et intervenant directe, tant au Proche-Orient que sur sa « chasse gardée » de « Françafrique ».
Le fait de tenter de s’agripper aux restes de son « empire » n’est aucunement lié à son intégration ou non dans l’OTAN. Cela ne change que l’orientation de ses alliances au sein des flux de capitaux financier, mais n’en change pas le moins du monde sa nature de classe, ni même sa nature impérialiste.
Il en va de même pour sa « cartellisation » ou non, au sein de l’UE. En sortir ou non ne peut se faire que sur une base négociée, comme dans le cas du Brexit.
Et que nous propose l’URCF, à l’occasion du redémarrage des luttes anti-loi El Khomri ? :
« Dans ce cadre, il n’y a pas d’alternative : les discours sur les réformes, sur les aménagements possibles, sont des leurres dont la fonction est de camoufler une politique, quelles que soient ses nuances, de gestion des affaires du Capital monopoliste.
C’est la raison pour laquelle tous, Marine Le Pen comprise, s’inscrivent dans la pérennité de l’UE.
Pour en sortir, il faut œuvrer à une politique de rupture frontale avec la politique du capital, rompre avec l’UE en mobilisant les travailleurs pour construire le pouvoir des travailleurs et des masses populaires, pour socialiser la propriété des moyens de production et d’échange et planifier l’économie. »
Mais comme on l’a vu précédemment, Marine Le Pen n’a donc rien inventé, ni même rien à se reprocher, sous ce rapport, de son point de vue nationaliste ultra-réac. N’importe quel gouvernement remettant en cause les échanges internationaux doit évidemment négocier, sous peine de disparaitre dans sa propre faillite économique et sociale.
Ce fait là, même s’il s’opère très différemment selon les circonstances, est relativement indépendant de la nature de classe des états et cartels en conflits.
Les bolchéviques ont rapidement entamé divers cycles de négociations, une fois la poussière des combats de la guerre « civile » internationalisée retombée, et le sang à peine séché.
A moins d’être particulièrement stupide, on ne saurait le leur reprocher.
Mais utiliser les contradictions internes de l’adversaire n’est véritablement utile que si l’on est capable de construire une alternative au capitalisme.
Ce que montre l’histoire du Brexit est que l’inverse n’est pas vrai :
Ce n’est pas en jouant d’abord sur ces contradictions du camp adverse que l’on peut commencer à construire ne serait-ce que l’ébauche d’une alternative.
Au mieux, on ne fait que du social-chauvinisme, mais généralement on participe plutôt du renforcement du populisme et du social-fascisme. En fait, consciemment ou non, on combine les deux.
C’est pourquoi le double langage qui associe, dans les conditions actuelles, la sortie de l’UE, de l’Euro, de l’OTAN, au projet d’alternative anticapitaliste, est non seulement contre-productif, mais, en dernière analyse, franchement... réactionnaire, et non-communiste !
Car en réalité, vu le rapport de forces actuel, il équivaut à faire de ces « sorties » une base politique sur laquelle construire ce projet alternatif, alors qu’elles ne seront que les conséquence inévitables, et inévitablement négociées, d’un début de construction du socialisme réellement prolétarien.
La base de la construction du parti ouvrier révolutionnaire, ce n’est absolument pas la sortie de l’OTAN, ni la sortie de l’UE, ni même la sortie de l’Euro.
C’est l’organisation patiente de la résistance prolétarienne, préparant la contre-offensive en éclairant le mouvement de masse sur ses propres perspectives :
« Loi El Khomri, précarité à vie,
cette société là, on n’en veut pas ! »
Le noyau révolutionnaire doit pouvoir montrer que le travail est seul créateur de valeur,et que cette valeur-travail doit être partagée, pour satisfaire les besoins vitaux, entre tous ceux qui la créent effectivement de leurs mains, et ceux qui en dépendent directement pour survivre, familles, enfants en bas âges et scolarisés, étudiants, travailleurs retraités.
C’est le sens fondamental du communisme qu’il faut aujourd’hui rappeler :
« Ouvriers, Paysans, nous sommes
Le grand parti des travailleurs.
La terre n’appartient qu’aux hommes.
L’oisif ira loger ailleurs. »
Libérer un coin de Terre, c’est la libérer du capitalisme.
Ce « coin » libéré est comme celui, d’acier trempé, qui peut fendre la buche desséchée du vieux monde.
Jusqu’à ce que « ça craque » complètement, jusqu’à l’éruption de la fin, il rentre en tension avec le vieux monde dans lequel il est encore enfoncé.
Sa survie dépendra évidemment de son étendue, de ses ressources, et, concrètement, du rapport de force qui se développera ou non. Quoi qu’il en soit, en fonction de ce rapport de force, il y aura nécessairement des phases de négociations dans ce processus de coexistence temporaire, qui peut être long.
A cet égard, les leçons que l’on peut tirer de l’histoire de l’URSS sont plus fondamentales que jamais.
https://tribunemlreypa.wordpress.com/2016/09/08/1949-1960-chine-urss-marx-au-banc-dessai-de-lhistoire-contre-la-wertkritik-3eme-partie/
Lorsque les valeurs du socialisme cessent d’avoir cours ou sont galvaudées, le rapport de force commence à s’inverser, même à l’échelle internationale. Le social-chauvinisme peut encore remporter quelques succès ici et là contre l’ultra-réaction et l’agressivité impérialiste, mais ce sont des victoires sans lendemain, qui se retournent, tôt ou tard, contre le prolétariat et le peuple, comme en Chine, au Cambodge ou au Vietnam.
C’est pourquoi il importe d’abord de redéfinir et de faire vivre les valeurs alternatives anticapitalistes dans le contexte actuel, et notamment dans ce qui peut prolonger la lutte anti-loi El Khomri, plutôt que de surfer sur la vaguelette sociale-chauvine « anti-UE », qui n’est que l’écume de la lame de fond sociale-fasciste, mise profondément en mouvement par le capital.
Luniterre
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(* https://tribunemlreypa.wordpress.com/2016/07/11/un-parti-revolutionnaire-en-septembre/ )
(** En matière de capitalisation boursière, les EU restent largement devant, avec 25 935 milliards de dollars (NYSE + Nasdaq, Nov 2015), c’est désormais la Chine qui arrive nettement en second, avec 11 050 milliards de dollars, ( Shanghai + Shenzhen + Hong Kong, Nov 2015 ), loin devant la première place européenne, Londres, qui, peu avant le Brexit et la dévaluation de fait de la Livre, pesait encore 6187 milliards de dollars, incluant Milan, rachetée en 2007. (A noter que le rachat prévu de Francfort (1738 milliards de dollars en Nov 2015) se trouve désormais remis en cause.).
Derrière, Tokyo, avec 4910 milliards de dollars (Nov 2015), devance encore Euronext (Paris + Amsterdam + Bruxelles + Lisbonne, 3379 milliards de dollars, Nov 2015)
(Pour mémoire, depuis les sanctions, la Russie tourne autour de 300 milliards de dollars...!)
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Source de l’article :
https://tribunemlreypa.wordpress.com/2016/09/19/revolutionnaires-en-septembre-sociaux-chauvins-en-octobre/
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