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La brutalité d’Israël contre Gaza a créé un sentiment populaire d’unité nationale

Solidarité mondiale avec les Palestiniens : du soutien psychologique au changement politique

Alors que les centaines de milliers de personnes dans le monde qui manifestaient contre les massacres à Gaza se sont repliées dans l’inertie, hypnotisées par les nouvelles sur le cessez-le-feu et la conférence pour la reconstruction de Gaza, un processus plus insidieux de confiscations de la terre par Israël, d’expansion coloniale et de contrôle sur les lieux saints de Jérusalem continue d’éroder la vie palestinienne.

Les lyncheurs chez les jeunes Israéliens juifs continuent de s’organiser en préparation d’une nouvelle agression contre les Palestiniens, et l’armée israélienne bénéficie de l’impunité pour ses crimes de guerre à Gaza. Pour les Palestiniens, le cessez-le-feu signifie un retour dans l’angle mort de la conscience du monde – une agression moins spectaculaire contre les libertés de la vie, avec des humiliations et une oppression quotidiennes.

Le psittacisme, par les dirigeants du monde, du « droit d’Israël à l’autodéfense » ajoute aux blessures des Palestiniens, étant donné l’hostilité et la violence qui nous sont infligées. Il n’est pas étonnant que les Palestiniens ressentent le monde extérieur comme partial, égoïste et complice du mal qui nous est fait. En effet, tout comme la victime d’un viol se sent doublement traumatisée par l’indifférence du passant, les Palestiniens se sentent trahis par le silence du monde. Comme la victime d’un viol, les Palestiniens ont besoin et sont dignes non seulement de la sympathie de l’individu, mais aussi de l’exercice de la justice.

Mais, grâce à toutes celles et ceux qui manifestent en notre nom, nous reconnaissant et validant notre vécu, nous faisant savoir que nous sommes vus et entendus, notre confiance en l’équité et en la bonté des autres n’est pas complètement détruite.

La solidarité nationale avec les Palestiniens contribue à apaiser la douleur psychologique et l’aliénation causées par la déshumanisation implacable d’Israël, et l’apathie, la dénégation et la dénonciation du monde. Les initiatives locales et internationales qui aident les Palestiniens à survivre, recouvrer, atteindre leur liberté et qui soutiennent leur lutte encouragent le dialogue et redonnent un sentiment de santé à la société palestinienne et la protègent contre le désespoir et l’extrémisme. Les Palestiniens, en fait, aiment les internationaux ; ce n’est jamais en Palestine que des internationaux sont enlevés et décapités !

Si les manifestations apportent aux Palestiniens un soutien psychologique important, et une occasion pour les manifestants de laisser s’exprimer leurs objections et leurs frustrations, elles ne sont pas parvenues jusqu’ici à changer notre réalité politique ou à prévenir un prochain massacre contre nous. Israël ne réagit pas à une condamnation morale, et le soutien de Washington à Israël ne se limite pas à des déclarations politiques pour le financement de l’agression militaire israélienne avec l’argent des contribuables américains.

Face à la surdité de nos dirigeants politiques, les militants de la solidarité doivent travailler à prendre de la vitesse et adopter des stratégies et des outils innovateurs. Cela requerra un engagement populaire mondial aussi bien que régional pour le bien-être du peuple palestinien, impliquant une mobilisation, active et à long terme, de la solidarité idéologique, judiciaire, politique et économique.

Il est impératif de construire sur des sentiments instinctifs, immédiats, réfléchis d’empathie et de solidarité pour parvenir à plus long terme à un mouvement mondialisé réaliste et stratégique de solidarité pouvant agir en tant qu’entité unifiée régie par une coopération mutuelle. Une telle entité peut créer des alliances et des coalitions parmi les différents groupes, et orchestrer, multiplier et augmenter l’impact du mouvement de solidarité. Non seulement elle peut servir de couverture à beaucoup de sympathisants individuels – Arabes, Israéliens, Allemands – qui, sous la pression dans leur propre société, ne sont pas en mesure d’y créer des organisations de solidarité, mais elle peut aussi les protéger et faciliter la communication entre eux et leur propre gouvernement.

La solidarité mondiale requiert un réseau d’associations horizontal (prêchant les non convertis) ainsi que vertical (ouvrant l’accès à une influence). Pendant que le premier recherche un meilleur niveau d’informations concernant la Palestine en présence d’une opinion publique internationale intoxiquée par la propagande israélienne, le second exige une formation formelle sur les stratégies de plaidoyer (par exemple, campagnes médiatiques, interventions publiques, groupes de pression et médias sociaux) pour un groupe plus petit se concentrant sur la législation et les autres décisions institutionnelles.

La solidarité avec les Palestiniens exige de s’unir et de se lier ensemble, pas sur la base de la famille, de la religion, de l’ethnie ou de la classe, mais sur des valeurs partagées et un objectif commun : libérer la Palestine de l’occupation, restaurer la justice et les droits humains pour les Palestiniens, et tenir Israël responsable au regard du droit international. La solidarité exige d’apprendre à travailler malgré et à travers nos divisions, ainsi que l’engagement de celles et ceux qui ne partagent pas nos conditions de douleur ou de vie mais qui refusent d’être des collaborateurs passifs ou actifs dans notre oppression – des gens qui considèrent la libération de la Palestine comme partie intégrante de leur propre auto-libération.

J’ai rencontré beaucoup de ces gens passionnés, sincères, et je suis convaincue que d’apprendre comment réaliser un changement politique en protègera beaucoup de l’épuisement. Il n’y a pas une recette unique pour la solidarité – comme disent les Français, « Chacun fait sa cuisine interne, », ou chacun se crée sa propre vision du monde - aussi tout comme je demande à celles et ceux de la solidarité de laisser les Palestiniens choisir leurs moyens de résistance, il est important de respecter les choix des moyens de solidarité des citoyens de chaque pays : ils savent mieux ce qui fonctionne pour eux. Il est important, néanmoins, d’être souple et ouvert à la consultation et à la collaboration avec les autres.

Il est fondamental pour la création d’un mouvement mondial de solidarité d’encourager le partenariat et le travail en équipe avec les professionnels, universitaires, militants et éducateurs palestiniens, de sorte que les actions de solidarité soient sensibles aux besoins et à la culture de la société civile palestinienne, et aident les Palestiniens à diffuser leurs récits, aspirations et points de vue à un monde plus vaste.

La crise comme occasion

La cohésion nationale palestinienne est le préalable d’une solidarité mondiale. Le morcellement des partis politiques de Palestine qui s’est produit à la suite des élections de 2006, et qui a été exacerbé par l’aide politique et financière extérieure apportée à certains Palestiniens et pas à d’autres, a causé d’importants dommages à la morale et aux valeurs palestiniennes, et a fragmenté pareillement les efforts de solidarité avec les Palestiniens.

Mais la brutalité de la récente attaque d’Israël contre Gaza a créé un sentiment spontané, passionné et populaire d’unité nationale, auquel la direction palestinienne n’a pas eu d’autre choix que de s’y associer. C’est, par conséquent, une occasion pour les Palestiniens de bâtir sur leur refus de la polarisation, de l’incitation et de l’intimidation, et d’investir dans la vigueur, la vitalité et la mobilisation des énergies et des succès dans les différents domaines de la vie. La ténacité de nos compatriotes de Gaza a élevé le moral du peuple et amélioré les niveaux de la cohésion sociale et de la confiance. La confiance à son tour génère le travail d’équipe et la coopération mutuelle, et elle accroît le niveau de l’identité nationale et le désir de participer à la vie publique.

Au cours de l’agression d’Israël contre Gaza les Palestiniens ne se sont pas reconnus dans les positions de nos dirigeants élus (il y a longtemps), mais dans la résistance. Par suite, une majorité de Palestiniens maintenant remettent en cause l’Autorité palestinienne, rejettent sa coordination de la sécurité avec Israël, et lui demandent de porter notre dossier devant la Cour de justice internationale. Pour que cette réaction énergique perdure, qu’elle soit plus qu’une réaction temporaire. Il est crucial de soutenir le développement d’institutions démocratiques pleinement responsables au sein de la Palestine qui coordonneront des structures économiques de gouvernance et d’autosuffisance d’une manière sage, efficace et dynamique. L’adhésion aux principes de méritocratie, transparence et responsabilité est un prérequis à l’instauration d’une réforme institutionnelle et d’une citoyenneté participative ; l’élaboration d’une charte nationale palestinienne, avec la participation de tous les partis politiques, qui devra être soumise aux votes dans un référendum, est aussi une étape obligatoire vers la consolidation d’une unité nationale.

Aider les Palestiniens et de même les Israéliens

Outre qu’elle favorisera la guérison, et la création d’un changement politique, notamment en faisant obstacle à de futures attaques et en faisant avancer la libération palestinienne, la solidarité avec les Palestiniens servira aussi à atténuer la soif de vengeance et à ouvrir la voie à une future réconciliation. Parce qu’elle facilite à la fois le renouveau personnel et la réforme sociale, elle finira par aider les Palestiniens, de même que les Israéliens, dans une période d’après-guerre que nous espérons proche. La sécurité dans laquelle elle nous enveloppe promeut la confiance et autorise une reconnaissance et une compassion mutuelles, ouvrant ainsi la voie au pardon et à la justice – le fondement de la paix.

Samah Jabr

Samah Jabr est Jérusalémite, psychiatre et psychothérapeute, dévouée au bien-être de sa communauté, au-delà des questions de la maladie mentale.

Traduction : JPP pour les Amis de Jayyous

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