Sur le socialisme : Eléments d’introduction à débat.

Sur le socialisme : Éléments d’introduction à débat.

Introduction à débat lors d’une réunion régionale portant sur la prochaine Conférence Nationale de la Gauche unitaire des 26 et 27 juin 2010.

NB : Le texte Consolider le Front de Gauche - Reformuler l’alternative socialiste ne sera à disposition des adhérents prochainement. Il contient un chapitre intitulé Oui le socialisme ! différent de cette introduction à débat.

Lorient le 5 juin 2010.

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Faite au pied levé, cette introduction ne pose que des pistes pour le débat du jour et plus largement pour la GU et le Front de Gauche.

I - ELEMENTS DE BASE SUR LE SOCIALISME

Il y a plusieurs façons de concevoir le socialisme car tous ne mettent pas en avant les mêmes critères distinctifs. On pourrait parler de façon ouverte au sein du Front de Gauche de socialismes au pluriel.

Voyons néanmoins quelques traits importants d’une matrice socialiste.

1 - Le socialisme fait prévaloir la valeur d’usage contre la valeur d’échange comme mode de développement alternatif.

A ce premier point s’en ajoutent d’autres pour certains ; notamment celles et ceux ceux qui défendent l’éco-socialisme.

2 - Le socialisme est une société qui n’est plus de façon dominante fondée sur l’appropriation privée des moyens de production et d’échange.

La propriété privée n’a pas disparue ni les rapports sociaux capitalistes qui vont avec mais ceux-ci ne sont plus dominants. Le principe est à compléter mais il fait bien parti des "fondamentaux" du socialisme qu’il faut débattre.

3 - Classiquement le socialisme est la société de transition vers le communisme. Avec le socialisme les classes dominées deviennent dominantes.

C’est ce qui le distingue du communisme ou toute domination de classe a disparue. C’est ce qui le distingue aussi du mode de production capitaliste ou la classe bourgeoise est dominante face au peuple-classe.

Pour certains, cela arrive quand le peuple-classe est hégémonique dans un cadre national et qu’il devient nation. Pour d’autres le peuple-classe parvient au socialisme par la transcroissance des luttes au-delà des frontières nationales dans un cadre à minima continental.

4 - Les références du socialisme.

Le socialisme prend appui sur des références historiques nationales dans les deux perspectives sus-nommées. En France, il s’agit donc de revisiter la Commune de 1871, la dynamique du Front populaire de 1936, le mouvement de la Résistance de 1946 (cf son programme). L’existence de la Sécurité sociale fait figure de modèle.

Une VI ème République en serait le prolongement et une sorte de nouveau programme transitoire.

5 - Parenthèse sur l’instauration du socialisme.

Le modèle de la rupture révolutionnaire, issu de la révolution bolchevik de 1917 n’ est pas transposable tel quel. Il est soit à abandonner totalement -thèse du dépassement - soit à relativiser fortement au profit d’une longue montée d’un processus de socialisation au sein de la société civile toujours clivée par les rapports sociaux entre travail et capital.

* Le dépassement laisse entendre une très longue période de lutte et de changements ou des conquêtes sociales et écologiques peuvent succéder à des reculs.

* La rupture n’est pas nécessairement contraire à la vision gramscienne ci-dessus mais ajoute que tôt ou tard un rapport de force central intervient et qu’en cas de victoire doit être mis en place un dispositif alternatif de réformes radicales opérant "effet cliquet" de par sa constitutionalisation au sein d’un ordre juridico-politique nouveau. La phase de rupture signifie pour reprendre la formule de Lénine que les dominants ne veulent plus du pouvoir et que les dominés y sont candidats.

6 - Avec le socialisme, l’Etat est toujours là mais fonctionne différemment.

Or de par sa nature il ne peut fonctionner durablement au service des classes dominées, du peuple-classe. Il importe dès lors d’enclencher rapidement un processus de démocratisation pour le faire dépérir. Les modalités sont variables selon les écoles de pensée sur ce sujet.

7 - Le socialisme implique une transformation radicale du travail salarié.

Ce changement passe par le refus du travaillisme (travailler plus longtemps et plus vite) et par la réduction importante du temps de travail. Sous le socialisme à la différence du communisme le salariat existe toujours mais il change de nature. L’exploitation de la force de travail tend à disparaitre. Le travail domestique est pris en compte pour être partagé.

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II - ELEMENTS POUR UN SOCIALISME NECESSAIREMENT DIFFERENT DE CELUI DU XX ème siècle.

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Le socialisme du XXI ème siècle est un néosocialisme car éloigné du "socialisme de caserne" du XX ème siècle.

8 - L’enjeu d’un néo-socialisme du XXI siècle porte sur la priorité donnée à l’extension de la démocratie et des libertés civiles, sociales et politiques le tout sans naïveté face à la réaction des forces conservatrices et pro-capitalistes.

9 - Le socialisme c’est aussi la démocratie socialiste bien différente de la démocratie sociale (qui laisse le noyau dur du capital) et à fortiori de la démocratie libérale qui réduit la vie démocratique à une peau de chagrin. Le socialisme va donc de pair avec une démocratisation poussée notamment contre les marchés et au sein des entreprises. L’appropriation publique puis sociale s’accompagne de la planification contre le marché (point de débat) et d’une introduction de l’autogestion contre la division du travail dans l’entreprise (autre point de débat).

10 - Le nouveau socialisme ne saurait s’accommoder d’une haute bureaucratie enrichie sur le dos de la société même si l’Etat n’a pas disparu. Il y a lieu de distinguer entre les fonctionnaires agissant pour la satisfaction des missions d’intérêt général des hauts fonctionnaires couche d’appui du capital (1).

11 - Le nouveau socialisme ne saurait non plus s’accommoder du racisme et du sexisme ainsi que du militarisme . Ces maux n’auront pas totalement disparus mais ils seront beaucoup plus largement réduits que sous le capitalisme.

12 - Enfin, on ne saurait oublier que le socialisme va de pair avec la laïcité. Si l’on ne parle plus d’un socialisme hors sol mais de celui pouvant émerger en France alors il importe de le replacer dans la perspective républicaine revisitée. Le tryptique républicain Liberté, Egalité, Fraternité (Adelphité) ne saurait se rapprocher de celui de la France de Vichy : Travail, Famille, Patrie.

13 - La mondialisation du socialisme comme marche vers le communisme . En ce sens, une autre République historique française est à proscrire : Le socialisme authentique ne saurait s’accommoder de relations impériales ou néocoloniales puisque sa tâche internationaliste est de favoriser la libération des peuples-classes doublement dominés, dominé principalement par l’impérialisme étranger et dominé secondairement par leurs propres bourgeoisies compradores au service du capital.

14 - Le peuple-classe devenu dominant n’est à priori pas non plus contradictoire avec la reconnaissance de droits des minorités nationales opprimées et donc de la reconnaissance des droits spécifiques quand à la langue et à la culture. On ne saurait cependant aller trop loin dans cette voie. L’ethnicisation du peuple-classe n’est pas selon moi à conforter. Mais ce n’est peut-être pas l’avis des bretons qui m’écoutent.

15 - Enfin le peuple-classe dominant aura reconnu des droits de citoyenneté à tous les résidents étrangers tant en France qu’en Europe.

Il me faut conclure.

16 - Le socialisme comme mot d’ordre de notre temps.

De tout cela on voit que le socialisme est une perspective qui émerge naturellement comme une alternative aux processus en cours : financiarisation, marchandisation généralisée, appropriation privée, invalidation de la démocratie au profit de la gouvernance, destruction des services publics, montée du travaillisme, etc..

Christian DELARUE

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La Gauche Unitaire avait déjà évoqué le socialisme dans son Manifeste - ENSEMBLE POUR CHANGER DE GAUCHE ! . Cette introduction ne reprends pas son contenu.

1) D’où la nécessité, à mon sens, de lutter pour une fonction publique resserrée sur la grille des qualifications et contre une République bananière qui enrichie par le pantoufflage une mince couche de hauts fonctionnaires au service du capital. Mais je sors ici d’un simple présentation pour le débat.

COMMENTAIRES  

16/06/2010 00:42 par Christian Delarue

L’Etat levier selon Marx et Engels

De la reflexion sur la nature de l’Etat en temps de crise déjà développée sous le titre "Avec la crise, la vérité de l’Etat se fait jour - Introduction au débat sur l’Etat." on peut passer au débat sur l’Etat de transition au socialisme.

http://www.legrandsoir.info/article8418.html

La référence à Antonio Gramsci tend à effacer celle de Lénine de l’Etat et la Révolution dans la compréhension de la transition vers le socialisme. C’est une évolution importante au sein du mouvement ouvrier international. L’un (la conquête de la société civile ) efface-t-il l’autre (la conquête de l’Etat) totalement ou y a-t-il complémentarité de l’un et de l’autre et à quel moment ? La question est complexe et n’est pas tranché. Pour nous, la " rupture franche " est nécessaire. Et là le retour à Marx nous parait utile à cette compréhension, qui cependant ne tranche pas le débat pour autant.

1) Les bribes de Marx et Engels sur l’ Etat .

Rémy Herrera dans sa brève introduction à la théorie de l’Etat chez Marx et Engels signale que les analyses que Marx et Engels consacrent à l’Etat sont nombreuses et étalées sur l’ensemble de leurs textes des premiers aux derniers mais qu’il n’y a pas de théorie constituée comme telle de l’Etat, et notamment pas de théorie de l’Etat capitaliste, ni de l’Etat précapitaliste, ni de l’Etat socialiste. Rémy Herrera s’oppose ici notamment à Althusser qui parle d’une "théorie marxiste de l’Etat". Pour Althusser, "la distinction du pouvoir d’État et de l’appareil d’État fait partie de la " théorie marxiste " de l’État, de manière explicite depuis le 18 Brumaire et Les Luttes de classes en France de Marx. C’est là pour nous un débat qui n’est pas sans intérêt mais de portée secondaire car notre recherche est plus militante que doctrinale, scientifique ou épistémologique.

2) Une compréhension progressive de la nature de l’Etat

Après avoir rapporté l’Etat à la société civile à la suite de Hégel mais avec une conception fort différente Marx pose l’Etat comme organisation de la classe dominante. L’Etat défend la propriété privée des moyens de production et derrière cela la bourgeoisie. L’Etat capitaliste peut recevoir plusieurs formes (1) mais même sous la forme démocratique-représentative il reste bourgeois. "Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière" écrit Marx dans le Manifeste Communiste. Il détaille tout cela concrètement dans le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte. Marx y est féroce pour décrire la machine d’Etat ou l’appareil d’ Etat. C’est avec la Guerre civile en France au moment de la Commune de 1871 que Marx pose l’appareil d’ Etat comme fondamentalement répressif. Et à l’armée et la police s’ajoutent à l’Eglise et l’école (2).

3) La conception d’Etat levier de la Révolution.

Un des points les plus important à souligner c’est sa conception d’Etat levier de la Révolution. La conquête démocratique doit dépasser son but strictement politique pour accéder à un objectif économique. C’est lorsque ce niveau de démocratisation sera atteint (et maintenu) que l’émancipation sociale du prolétaire sera réalisé. Cela supposait pour lui l’abolition de la propriété bourgeoise et du rapport de classe qui va avec.

Christian Delarue

1. Nicolas Bénies a développé cet aspect en 1986 dans un ouvrage critique du libéralisme paru aux éditions La Brèche.

2 Althusser a particulièrement développé cette distinction entre appareils répressifs (ARE )et appareils idéologique ( AIE) d’Etat.

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