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Avec la crise, la vérité de l’Etat se fait jour - Introduction au débat sur l’Etat.

Ce texte a été conçu comme une courte introduction à un débat de CA qui n’a pas eu lieu à ce jour. Courte dans la mesure ou ne figure pas certains développements comme la formation des Etats (et notamment des Etats-nation) ni de perspectives comparées. Courte aussi car sans propos sur l’Etat de droit, sans propos non plus sur l’Etat impérial notemment par rapport aux pays ACP s’agissant de la France (et d’autres Etats de la vielle Europe).

La nature de l’Etat était objet de débat entre trois grandes options qui sont, pour le dire ici de façon simplifiée, 1 d’un côté le marxisme-léninisme qui y voit un appareil politico-administratif essentiellement au service des entreprises, du capital et des grands possédants, 2 de l’autre les socio-démocrates qui y voient l’Etat au service de l’intérêt général donc des besoins sociaux de l’ensemble de la population, du moins de ceux qui en sont les citoyens, les nationaux ; 3 alors que pour les libéraux l’Etat est potentiellement dangereux pour les libertés et qu’il devait donc être réduit à son plus simple appareil : justice, police armée le reste devant être peu à peu privatisé et laissé au marché. Qu’en est-il aujourd’hui ?

1 - Crise de l’Etat contre le peuple-classe.

A - Le constat d’un mouvement et ce qui émerge.

La crise systémique, sur lequel je reviendrais, débouche sur la crise de l’Etat . Cette crise se manifeste pour l’heure par des politiques qui chaque jour renforcent les bénéficiaires du néolibéralisme, et de façon générale les grands possédants . L’Etat laisse donc apparaitre plus qu’avant une fonction de classe . Le droit bouge ; la police et le fisc sont à l’offensive au profit de la classe dominante ; les services publics et la fonction publique sont attaquées. Tout cela est connu mais doit être mesuré en terme de dynamique pour faire le point. Une tendance à la redistribution vers les plus riches et à la répression du peuple-classe semble se confirmer malgré les mesurettes bruyamment annoncées pour tromper le peuple.

Avec Gramsci ou Althusser on pourrait nuancer la définition marxiste-léniniste ci-dessus pour montrer une nature plus contradictoire de l’Etat. En fonction du rapport de force l’Etat peut modifier les grands paramètres de ses missions. C’est là l’option de base - non théorisée mais dominante - du syndicalisme de classe des personnels de l’Etat. Ce qu’il importe d’ajouter c’est que l’Etat n’est pas une machine que l’on peut faire tourner comme on veut en prenant le pouvoir politique. Sa pente naturelle, de part sa constitution, est de servir la Nation et donc autant la bourgeoisie que le peuple-classe. L’Etat social post-seconde guerre mondial en France, celui dit des Trentes glorieuses, n’a pas omis de favoriser le capital tout en donnant des droits et des garanties au peuple-classe. Il s’agissait d’une République sociale et non d’une République socialiste. Son fleuron était la Sécurité sociale et des nationalisations mais la tendance historique qui suivit n’a pas poussé les institutions vers la socialisation. Au contraire peu à peu l’Etat a favorisé la dépossession et la privatisation de ce qui était collectivisé.

B - L’Etat de crise

La crise actuelle est multiple. Elle est comme le répète ATTAC financière, économique, sociale, écologique et alimentaire. Elle est aussi, et c’est beaucoup moins mis en avant car cela vient de plus loin, en lien avec la mondialisation, démocratique et geopolitique . La crise récente ajoutée au mouvement de fond de la globalisation du capital percute fortement l’Etat social et l’Etat nation . Ces deux derniers aspects en crise - le démocratique et le géopolitique - engendrent une crise de l’Etat nation à la fois au profit de la gouvernance contre les citoyens et au profit de deux espaces valorisés qui sont l’Europe et les régions.

La crise de l’Etat nation ne signifie pas sa disparition. Il perd de son pouvoir face à d’autres pouvoirs comme celui des USA. Il poursuit sa mutation dans d’autres domaines comme la décentralisation. La crise de l’Etat manifeste clairement l’inversion de la démocratisation mais aussi de la socialisation. Inversion qui marque une dépossession du peuple-classe par la gouvernance. L’Union européenne procède plus de la gouvernance (avec des élus, des experts et des membres de la société civile donc des lobbies, des syndicalistes, des patrons, des religieux), que de la démocratie élective malgré l’existence du Parlement européen et d’un dispositif électoral. La dimension citoyenne déjà appauvrie au plan national est des plus réduites au plan européen . A partir de là deux réponses : La première dit agissons pour démocratiser et socialiser l’Etat-nation mais aussi les autres espaces en formation-recomposition : régions, europe, monde. L’autre réponse dit : on ne saurait lâcher la proie - l’Etat social et démocratique limité actuel - pour l’ombre, celle les régions et l’Union européenne. Nous en sommes là à gauche.

S’ajoute le débat sur la forme décentralisée. L’Etat ne disparait pas avec la décentralisation. Il s’adapte aaux plus près des besoins des entreprises et du patronat mais non pas des citoyens. Il y a un mythe de l’Etat décentralisé proche des citoyens. Avec les décentralisations successives de Rocard 1983 à Raffarin 2003 en passant par les lois Chevènement (1999) et Voynet (1999) et la LOLF de 2001 il n’y a pas plus de citoyenneté directe, il n’y a pas plus de service public. Bien au contraire sont apparues des espaces territoriaux sans mécanisme d’élection directe remplacé par des instances de gouvernance composé d’élus indirect, d’experts, du patronat, de délégués syndicaux, voire des religieux. Le nouveau capitalisme a besoin de nouvelles régulations situées à d’autres échelons que l’Etat central. D’ou les régulations supra-étatiques au plan continental (UE) et mondial (OMC, OTAN, etc) et de nouvelles structurations infra-étatiques matérialisée par le tryptique régions-pays-intercommunalités qui vient se greffer sur les anciennes structures départements-cantons-communes.
*

II - Inverser le processus est nécessaire et possible.

A) Le possible sous conditions

La démocratisation-socialisation du monde est une utopie ; il ne reste donc que le devoir de résistance contre les "directoires du monde" : G20, OTAN, OMC, FMI et contre leurs politiques. Par contre le rapport de force pour le changement est concevable pour changer les espaces déjà constitués qui sont de nature para-étatique et proto-démocratique. L’Europe sociale est certainement de l’ordre du possible tout comme la démocratisation de l’Union européenne mais il faut être très clair : il faut un puissant mouvement social et syndical , il faut aussi politiquement, chasser la droite du pouvoir et sans doute ne pas y mettre des sociaux-libéraux à la place ni tous ceux qui ont dit oui le 29 mai 2005 et qui acceptent le Traité de Lisbonne. Mon propos peut fâcher mais je le laisse au débat.

B ) Les objectifs concevables

L’appropriation publique reste l’affaire de l’Etat nation et la socialisation celle des municipalités, des quartiers et des entreprises de type coopératives. Tout ce qui ne nécessite pas péréquation tarifaire et distribution du service public en compensation du développement inégal et combiné (Trotsky) peut aller aux sociétés coopératives ou être décentralisé. Il ne s’agit pas d’imposer le "tout jacobin" ou "le tout fragmenté" ou l’égalité contre la démocratisation. Il faut mener les deux combats de front.

Si la France était divisée en 4 grandes régions pas plus on aurait alors un espace pertinent d’alter-développement contre le développement inégal et combiné du capital. On pourrait envisager d’y monter des dispositifs de planification démocratique, des services publics régionaux à la place de services publics nationaux. Plus de fragmentation serait nuisible. Cette vision étant totalement non discutée, il ne reste que la fragmentation en multiples régions. Fragmentation qui ne respecte même pas les cadres historiques là ou des minorités nationales vaincues par l’Etat nation révendique encore le respect des frontières historiques et la possibilité de développer leur culture propre. Je pense là à la Bretagne même (si je pense à la différence de ce que je disais avec la LCR et l’UDB aux élections de 1986) qu’il ne s’agit plus de minorité nationale proprement dite.

Christian Delarue

Membre du CA d’ATTAC France

(posté le 19 avril 2009 sur LGS)

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