Système éducatif : mobilisation à Chicago contre la privatisation programmée du service public

EMCEE

Un récent rapport de l’OCDE qui compare les systèmes éducatifs de plus de 30 pays riches montre les carences du système aux Etats-Unis. Pourtant, les USaméricains croient dur comme fer (à cause du matraquage : "on est les champions en tout !") que leur pays est le plus performant au monde en matière d’Education, comme on les a persuadés que les Etats-Unis étaient les meilleurs en matière de santé et dans tous les autres domaines.

Mythes et réalité du système éducatif aux Etats-Unis

Promotion sociale :

Mythe : c’est aux Etats-Unis qu’un enfant a le plus de chances de bénéficier de l’ascenseur social.

Faux : Un enfant dont les parents n’ont pas terminé le cycle d’études secondaires n’a que 29% de chances de faire des études supérieures.
Sur les 28 pays étudiés, les US sont 3° avant la fin.

Enseignants

Mythe : les enseignants (protégés par des syndicats insatiables) travaillent moins et gagnent plus.

La chasse est ouverte contre les agents du service public, surtout les enseignants et leurs syndicats. Ils sont trop payés. Ils ont trop d’avantages sociaux. Ils ont la sécurité de l’emploi alors que le reste de la population vit dans la crainte d’un licenciement. Et ce sont des fainéants qui sont en vacances tout l’été. Si l’éducation est en déclin, cela ne peut être que la faute des enseignants.

Faux : les enseignants aux Etats-Unis effectuent entre 1050 et 1100 heures d’enseignement par an. Sur les 38 pays qui ont été étudiés, il n’y en avait que deux où les horaires des enseignants étaient plus chargés - l’Argentine et le Chili. Et quand il s’agit des enseignants du primaire, ce sont les Etats-Unis qui arrivent en tête de liste.

Quant aux salaires, le rapport indique :

"alors que dans la plupart des pays de l’OCDE, les salaires des enseignants tendent à être inférieurs en moyenne aux salaires des autres travailleurs à qualifications égales, aux Etats-Unis, le fossé est très grand, surtout pour les enseignants les moins diplômés".

Etudes supérieures

Mythe : c’est l’Etat-providence (grâce à l’argent du contribuable, donc) qui finance les études supérieures.

Faux : dans tous les états, les uns après les autres, les élus réduisent actuellement le budget destiné aux études supérieures. Les Etats-Unis investissent de plus en plus d’argent dans les prisons, et, à ce qu’ils prétendent, ils n’ont, donc, plus les moyens de subventionner les facultés et les universités (voir (ang) : "Crazy Country : 6 Reasons America Spends More on Prisons Than On Higher Education").

En réalité, aux Etats-Unis, 38% des dépenses pour les études supérieures proviennent des fonds publics et 62 % du privé. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, 70% des dépenses pour les études supérieures proviennent des fonds publics et 30% sont versés par le secteur privé.

Et c’est ainsi qu’aux Etats-Unis, le secteur des compagnies de prêts pour étudiants pèse mille milliards de dollars et fait constamment pression sur les élus pour s’assurer que les étudiants et leurs parents ne cesseront d’être les seuls responsables de la dette.

Ecoles maternelles

Mythe : les programmes en maternelle sont excellents.

Faux : "en moyenne, dans les pays de l’OCDE, 84 % des élèves des écoles maternelles sont accueillis dans des établissements publics ou des institutions sous contrat avec l’Etat, tandis qu’aux Etats-Unis, 55 % vont dans un établissement public et 45 % dans des écoles indépendantes. Aux Etats-Unis, l’âge pour être admis en maternelle est, en général, de 4 ans, alors que dans 21 autres pays de l’OCDE, c’est 3 ans, voire moins.

D’autre part, les enseignants de maternelle aux Etats-Unis ne sont souvent pas formés et n’ont pas de programme officiel.

Résultat :
Pour les enfants de 3 ans (en maternelle) : les US sont au 25ième rang sur 36 pays.
4 ans (maternelle et primaire) : les US sont au 28ième sur 38.
5-ans à 14 ans (tous niveaux) : ils sont au 29ième sur 39.

Diplômes universitaires

Mythe : c’est aux Etats-Unis qu’il y a le pourcentage le plus élevé de diplômés d’études supérieures.

Faux : les Etats-Unis arrivent au 14° rang dans le monde en pourcentage de diplômés d’études supérieures pour les 25-34 ans (42%).

Mais ils sont premiers dans un domaine. Et c’est révélateur. Ils arrivent à la première place pour le nombre de personnes entre 55 et 64 ans qui ont fait des études secondaires jusqu’au diplôme final (les baby boomers ont, en effet, fait des études secondaires) avec un taux de 90%, alors que la moyenne de l’OCDE est de 65 %.

Ces chiffres montrent que les Etats-Unis avaient, après la Seconde Guerre mondiale investi dans leur population.

La "GI Bill of Rights", par ex, permettait à plus 3 millions de GIs de retour du front de poursuivre les études supérieures.

Les super-riches payaient des impôts élevés, ce qui avait permis d’investir dans l’éducation, dans un réseau routier national, et d’alimenter le budget de la défense.

Les syndicats étaient encouragés par l’Etat et avaient imposé des augmentations de salaires un peu partout.

Mais, explique Les Leopold, directeur de l’institut des travailleurs et de l’institut de la santé publique à New York :

"Vous voyez aucun de ces mythes ne concerne les riches.
Leurs enfants ont plein de choix d’écoles maternelles. Leurs enfants ne vont pas étudier dans des écoles délabrées. Leurs enfants ne s’endettent pas pour aller à l’université. En fait, nos classes dirigeantes sont sur orbite pour prospérer dans une économie mondialisée. Ils peuvent s’en prendre aux écoles publiques, aux syndicats d’enseignants, à l’Etat providence sans en subir les conséquences.
Et, franchement, ils se fichent pas mal du rang que les Etats-Unis occupent au niveau mondial".

Réforme actuelle du système éducatif

Si le système éducatif est, on le voit, largement inégalitaire, la "réforme", à savoir la suppression du service public d’Education, que cherchent à mettre en place définitivement les démocrates, soutenus en cela par les républicains, ne fera que creuser davantage cet énorme fossé entre les pauvres et les classes moyennes et les riches.

La Santé, les prisons, la Recherche, l’Université sont entre les mains du secteur privé, l’armée et la police sous-traitent à des sociétés privées, etc. restaient les vestiges de l’Education publique, convoitée par les rapaces de Wall-St.

A la suite de l’effondrement financier de 2008, qui a déclenché la plus grande crise économique mondiale depuis les années 1930, les "réformes" mises en place pour soi-disant stopper l’hémorragie n’ont réussi qu’à amplifier les inégalités socio-économiques dans tout le pays, les pauvres, une fois de plus, payant le prix le plus élevé.

Et ces attaques ont été particulièrement féroces contre les agents du secteur public, les syndicats et les retraites.

Ce n’est, donc, pas une surprise si les enseignants se retrouvent en première ligne, aujourd’hui. Ces attaques contre l’Education publique, qui ont déjà commencé de la façon la plus violente qui soit, en particulier à l’encontre des enseignants, accusés à répétition d’incompétence notoire, se poursuivent inexorablement pour se généraliser dans tout le pays.

Objectif de la réforme

L’objectif de cette réforme est clair : supprimer les écoles publiques pour les remplacer par des "charter schools", écoles gérées par des administrateurs privés et subventionnées par l’Etat (autrement dit, sous-traitées par lui), et pour finir, sans doute, financées par les parents d’élèves en partie.

On constate les effets néfastes de cette politique dans l’Education supérieure, où les frais de scolarité sont énormes et en constante augmentation,ce qui empêche la grande majorité des diplômés du secondaire de poursuivre des études universitaires.

Wall St, évidemment, non seulement voit d’un bon oeil cette politique, mais pousse les élus à accélérer le mouvement.

Or, c’est Wall ST qui finance les candidats aux élections. Ceux-ci ont, donc, tout intérêt à se plier.

Et si Wall St se frotte les mains, c’est que la privatisation des écoles publiques va remplir les poches du secteur privé, qui récoltera in fine les fonds publics destinés à l’éducation, devenue, enfin, une marchandise comme les autres.

Et il y a, c’est certain, énormément d’argent public à siphonner dans les caisses de l’Etat : les fonds réservés à l’éducation s’élèvent à près de 600 milliards de dollars.

D’autre part, si les milieux financiers poussent à une réforme de l’éducation, c’est dans le but de mettre fin au système éducatif pour tous, obtenu grâce aux luttes ouvrières.

Ne s’avouant jamais battue, revancharde, l’oligarchie revient toujours à la charge contre les acquis des classes ouvrières.

C’est ainsi que, dans le but de privatiser le secteur de l’Education, les pouvoirs publics ont créé les "charter schools" pour concurrencer les écoles publiques.

Parallèlement, ils ont imposé aux élèves une série de tests nationaux standards pour les évaluer, mais, également, pour classer les écoles et tout le personnel, et plus particulièrement, montrer du doigt les enseignants des écoles les plus défavorisées.

Une méthode sournoise, et certainement pas mise en oeuvre dans le but d’améliorer le système éducatif, puisque, forcément, la réussite ou l’échec scolaire dépendent de bien d’autres facteurs que de la capacité à répondre à des tests ciblés élaborés par des bureaucrates et qui imposent aux enseignants de faire du bachotage toute l’année et aux élèves du "par coeur" - ce qui élimine l’approfondissement des sujets, les innovations pédagogiques et une véritable évaluation du travail de l’enseignant.

Or, ces facteurs déterminants - comme le milieu, familial et scolaire, les dotations dont bénéficient les écoles (plus il y a de pauvres dans un secteur, moins il y a de financement pour les écoles - que ce soient des fonds publics ou privés), les effectifs, etc. - sont totalement ignorés par cette méthode d’évaluation.

Mais les syndicats enseignants sont encore forts

Les syndicats d’enseignants sont les derniers obstacles restants qui se mettent en travers d’une privatisation totale de l’éducation publique. Et Wall Street, qui en a parfaitement conscience, les combat sans relâche depuis toujours.

Et, cela, avec, aujourd’hui, la contribution active des deux partis, complètement redevables aux financiers de Wall Street, et qui poussent actuellement à une réforme radicale de l’école - comme on le voit à Chicago, où un démocrate néolibéral mène l’offensive.

Grande grève à Chicago

Le 10 septembre dernier, les enseignants des écoles publiques, qui accueillent plus de 80% d’élèves à faibles revenus, se sont mis en grève dans toute la ville de Chicago, troisième plus grand district scolaire du pays.

L’appel à la grève du syndicat des enseignants de Chicago, le CTU ("Chicago Teachers Union") a été lancé après que la grève a été votée par 98% des délégués syndicaux.

Malgré les menaces du maire, Rahm Emanuel, ancien chef de cabinet du Président Obama, le CTU et les dirigeants des communautés, décidaient, donc, massivement, de mener une action d’envergure pour s’élever contre des mesures que les parents d’élèves, en lutte également, qualifiaient d’"apartheid éducatif".

Emanuel, par le biais du conseil d’administration des établissements scolaires dont les membres ont été triés sur le volet par ses soins (où siègent très peu de véritables enseignants, mais où pullulent les PDG millionnaires, les experts en privatisations, et les promoteurs immobiliers) a décidé de laisser les opérateurs du secteur privé s’emparer des écoles publiques.

Les institutions de Chicago sont connues pour ce genre de politique. Milton Friedman, père spirituel de la dérèglementation, et économiste à la Chicago School of Economics, avait dit, de triste mémoire :

Seule une crise - réelle ou perçue - crée un véritable changement. Quand une crise se produit, les mesures qui sont prises dépendent des idées qui sont dans l’air. C’est cela, d’après moi, qui est notre fonction fondamentale … jusqu’à ce que ce qui est impossible politiquement devienne inévitable politiquement.

Souscrivant aux idées de Friedman, le maire cherche à profiter de la crise économique pour supprimer les cours de lettres et sciences humaines libéraux, muter des centaines d’enseignants, réduire la couverture maladie et le nombre de titularisations d’enseignants, et privatiser des services essentiels.

Il exige également que les évaluations des enseignants du public - et, donc leur rémunération, assujettie aux primes au mérite - soient liées aux résultats des tests communs des élèves, un projet qui nuit aux élèves pauvres ainsi qu’aux enseignants des écoles surpeuplées des quartiers défavorisés, forcés de resserrer les programmes.

Cette "réforme" implique donc que les enseignants, s’ils veulent conserver leur emploi, effectuent plus d’heures pour un salaire inférieur dans des conditions largement dégradées pour eux et leurs élèves.

Victoire des enseignants ?

Le mercredi 19 septembre, après neuf jours de grève, les enseignants des écoles publiques de Chicago retournaient en classe.

Le mardi 18, 800 délégués du syndicat Chicago Teachers Union (CTU) votaient à une majorité écrasante la suspension de la grève pour annoncer l’accord conclu avec la municipalité devant l’ensemble des adhérents.

Cet accord comprend l’embauche de plus de 600 enseignants d’arts plastiques, de musique et d’éducation physique, et une évaluation des enseignants où seuls 30% de la note globale concerneront les tests d’évaluation.

La présidente du CTU, troisième plus important syndicat aux US, qui avait appelé à la grève pour la première fois en 25 ans, parle de "victoire".

Disons que c’est une victoire sur l’énorme régression que prévoyaient les mesures du maire, Rahm Emanuel, et qui concernait tous les enseignants du public.

Que va-t-il se passer, toutefois, quand une nouvelle série de fermetures d’écoles publiques dans les quartiers à majorité noire ou latino de Chicago mettra des milliers d’enseignants au chômage ?

Très probablement, ils seront en partie réembauchés, dans les "charter schools", pour plus de flexibilité et d’heures de travail, une année scolaire prolongée, un salaire nettement inférieur dépendant de primes à la docilité, la baisse des prestations sociales et ... l’assurance qu’ils ne se syndiqueront pas.

D’autre part, cette victoire s’inscrit dans un contexte précis :
En cette période électorale, Obama et ses amis ne peuvent pas se permettre de mécontenter le secteur public et les syndicats où ils puisent une grande partie de leur électorat.

Barack Obama, Rahm Emanuel et les autres

Or, le maire de Chicago, Rahm Emanuel, est non seulement démocrate, mais c’est un proche d’Obama.

Pour mémoire, même s’il a quitté la Maison Blanche, où il était chef de cabinet d’Obama, Emanuel (qui a mis ses enfants dans le privé, est-il besoin de le préciser) est resté très proche d’Obama.

Jusqu’à la semaine dernière, il était vice-président national de l’équipe de campagne présidentielle et il est actuellement président du "Super PAC" d’Obama ( qui se charge de collecter des fonds auprès des entreprises pour payer sa campagne, NDA).

Un conflit dans la ville d’origine d’Obama (Chicago) entre un démocrate dont il est très proche et les travailleurs syndiqués pourrait compromettre la réélection d’Obama.

Ce qui explique, sans doute, qu’Emanuel ait lâché du lest assez vite, probablement même après une intervention d’Obama lui-même, qui en tirerait un profit politique, lui qui, en tant que candidat, avait dit, aux syndicats qu’ils "le trouveraient à leurs côtés sur les piquets de grève" (la fourberie d’Obama est incommensurable).

Mais, d’un autre côté, le maire étant maintenant un des plus importants collecteurs de fonds auprès des grands groupes financiers, il lui faut également ménager Wall St (qui a, à ce jour, déjà versé jusqu’à 40 millions de dollars aux démocrates pour les élections prochaines - contre les 3 petits millions de dollars de contribution des syndicats).

C’est, donc, Wall St qu’il faut rassurer, pas les syndicats. Or, la réforme scolaire néolibérale d’Emanuel est un projet qui a les faveurs de Wall Street depuis longtemps.

Et, de ce fait, les candidats étant largement dépendants des fonds privés, ils n’ont pas intérêt à fâcher les gros contributeurs à la campagne.

Mais Wall St est patient : il attendra la réélection du président.

Car, jusqu’à présent, ni Emanuel, ni a fortiori, Obama, n’ont démérité.

Même si le candidat Obama avait fait une multitude de promesses à son électorat populaire en matière d’éducation, de santé, d’immigration, de justice sociale, de justice tout court, de retrait des troupes, de budget de la défense, de défense des femmes, des orphelins, des personnes âgées, que sais-je encore, c’est, au final, Wall St qui a raflé la mise partout.

D’ailleurs, pour ce qui concerne l’Education, c’est Arne Duncan, ancien président des écoles publiques de Chicago et architecte du programme de privatisations qu’il a baptisé "Renaissance 2010", qui est le secrétaire de l’éducation - nommé par le président Obama. Sa politique suit la ligne de la réforme d’Obama appelée "race to the Top" (course au sommet), un programme anti-syndicats qui impose aux états de faire des réformes s’ils veulent recevoir des subventions fédérales.

On voit bien vers qui se portent les regards …

Source initiale du billet : "des bassines et du zèle"

(Sources tirées de l’article : "Shocking Report Explodes 5 Myths About American Education").

Voir aussi : "Mort programmée du système éducatif public aux Etats-Unis : le processus est désormais bien engagé" (29 mai 2012).

COMMENTAIRES  

01/10/2012 22:52 par Lionel

Il serait vain de dire que nous récoltons ce que nous les avons laissé semer !
Citation :
"Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement. Cela se fait au coup par coup dans une école et non dans un établissement voisin, de telle sorte qu’on évite un mécontentement général de la population. "
Extrait de : Cahiers de politique économique N° 13 de l’OCDE, 1996, p. 30.

Voilà 16 ans que nous en étions informés !
Ce texte m’est parvenu en 2002 à la période où certains d’entre nous se sont préparés pour lutter contre les accords de l’AGCS...
Entre temps nous avons appris la fin programmée des écoles maternelles en France, les droits d’inscription en université sont parfois prohibitifs - en cela nous ne tarderons pas à être fidèles au mythe... - et que faisons nous ?

Où en est le mouvement initié alors des Communes "Hors Agcs" et quel impact a-t-il eu ?
Qui parle encore pour dénoncer les accords de l’OMC ?
Nous ne pensons pas plus loin que la pointe de nos chaussures alors forcément, quand il y en a en travers du chemin, nous marchons dedans...

Merci pour ce texte qui ne sera qu’un avertissement de plus !!!

01/10/2012 23:02 par Clyde Barrow

Tuer le système éducatif, c’est tuer le pays.

02/10/2012 19:24 par emcee

@ Clyde
"Tuer le système éducatif, c’est tuer le pays."
Ou, du moins, ce qui restait de démocratie.
Car il est des pays où la majorité de la population n’a pas accès aux études et qui se portent fort bien par ailleurs - enfin, où les dominants se portent très bien, et investissent même massivement à l’étranger. Forcément, quand on n’a pas à débourser pour les services publics, qu’on n’a pratiquement pas à payer la main-d’oeuvre et que les femmes n’ont pratiquement pas accès au monde du travail, ça aide.
Et c’est le modèle qui semble nous pendre au nez inexorablement.
@lionel
"Un avertissement de plus". Très juste. Comme le reste du com.
Les plans étaient connus depuis très longtemps. Hélas, ceux qui les dénonçaient se sont heurtés à un océan de scepticisme ("too big to believe"), voire à de l’indifférence ou du mépris.
Pour ce qui est des enseignants, il y a les lanceurs d’alerte - très minoritaires - qui mettent en garde et qui voient les implications, et les autres, qui ne bougent pas, parce qu’on ne peut pas tout le temps descendre dans la rue, et qui, donc, s’adaptent, bon gré, mal gré, au fur et à mesure des "réformes" distillées progressivement, secteur par secteur, pour ne pas mettre tout le monde sur le pavé :
-  Pas le temps, j’ai des copies, MOI, et des élèves, MOI, et d’ailleurs, ce n’est pas encore fait - vous, les radicaux, vous voyez toujours le mal partout, de toute façon ;
-  Les maternelles ? Pas mon problème, là tout de suite, mais c’est vrai que c’est moche, où c’est qu’on signe ? ;
-  Les suppressions de postes ? La précarité ? Moche, ouais, on mettra ça dans la prochaine plateforme ;
-  La gauche ne laissera pas faire ça (mouarf) ;
-  Si on proteste, cela veut dire qu’on fait sauter le gouvernement de gauche - c’est la droite que tu veux ? (re-mouarf)
Sans compter que si on leur agite un foulard sous le nez, ils en oublient tout le reste.
Attac est toujours en selle, mais les querelles internes ont décrédibilisé le mouvement, et ses actions sont devenues quasi-confidentielles et ne prêchent plus que pour les convaincus.
La propagande et les coups de boutoir des médias ont fait tout le sale boulot. D’abord, auprès des populations largement désinformées, et, ensuite auprès d’une minorité censée être contestataire mais qui reste fidèle à l’ordre établi et canalise les colères, ou les redirige.
La douche prise après le référendum, qui a mobilisé la population, a, également, anesthésié les velléités ("à quoi bon, si c’est pour qu’’ils’ décident de faire le contraire quand même ?").
Quant aux parents d’élèves, même les plus politisés, ils sont tous dans le trip : "on est d’accord avec vous, on vous entend bien, mais, s’il vous plaît, retournez en classe, sinon nos enfants vont perdre leur année".
Le côté provisoire de la fonction de parent d’élève (avec les spécificités selon les niveaux) empêche la vision à long terme, et, donc, l’implication pour les suivants et le soutien contre des réformes qui ne concernent pas leur propre enfant, celui du moment.
Mais, combien d’heures et de disciplines ont été ainsi sacrifiées depuis, parce qu’il fallait "retourner en cours" ?
Elles ont été supprimées en catimini. Une demi-heure en moins par-ci, un regroupement par là . Des suppressions massives d’options qui n’intéressaient que peu de personnes, etc.
La population, qui râle sur tout, mais ne se tient au courant de rien, est-elle consciente que les langues vivantes sont réduites en lycée à 2 cours par semaine, à raison de 35 élèves par cours, et que les épreuves finales sont une mascarade et ne sanctionnent certainement pas des connaissances effectives ?
Sait-elle seulement que seuls l’anglais et l’espagnol finiront par conserver des heures (ou plutôt, quelques maigres créneaux), par démagogie, et parce que ce sont les langues les plus choisies et que les autres, minoritaires, seront sacrifiées parce qu’il faut "économiser des heures", que "c’est pas normal qu’il n’y ait QU’UNE vingtaine d’élèves concernés, parce que ça coûte cher à la collectivité" (pas comme les ordinateurs, évidemment, outils présentés comme indispensables et devenus omniprésents) et, cela, avec l’aval de tout le monde - enseignants, parents et population suiveuse profane, qui ne comprend rien, mais cautionne tout, surtout s’il faut taper sur les profs ?
Ca sert à quoi de s’insurger contre la suprématie de l’anglais si on ne se bouge pas quand l’enseignement des langues est menacé et réservé à une "élite" qui a les moyens de payer des cours privés et des séjours à l’étranger ?
Cela vaut aussi, par exemple, pour l’enseignement des lettres et de l’histoire-géo, où les programmes et les horaires ont été de plus en plus réduits (voire mis en option, comme en section scientifique pour l’HG), et où, finalement, il ne s’agit plus que de faire du bachotage sur des programmes établis par des autorités soucieuses de perpétuer le système et non pas de faire réfléchir, et, donc, d’instruire les élèves.
Quant à l’informatique, qui remplace de grands pans des programmes scolaires, elle permet à Microtruc de fourguer des ordinateurs dans les foyers les plus reculés - parce que sans ordinateur à huit ans, c’est que t’as raté ta vie.
Savoir lire des instructions, écrire un CV et taper sur un clavier pour ne pas avoir à réfléchir : voilà ce dont a besoin le vivier d’aspirants à travailler, taillables, corvéables et jetables à l’envi.
Et tout cet argent qu’on économise, il sera bien mieux dans les poches de sociétés privées, NON ?
D’ailleurs, n’assurent-elles pas déjà (entre autres) des cours de soutien, déductibles des impôts, et donc inaccessibles aux populations pauvres ?
Quelqu’un est au courant ?
Et, qui a vu "Le cartable de Big Brother", reportage de 1999 qui montre comment faire intégrer à chacun le processus d’individualisation qui permettra de le soumettre à la bonne pensée ? Cela, par l’aliénation : véritable soumission morale et physique aux nouvelles technologies, engendrant dans les faits un lien marchand.

02/10/2012 20:29 par Clyde Barrow
11/10/2012 14:05 par Sheynat

Merci pour cet article clairement présenté pour casser les mythes. Je voulais remercier avant, mais pffft... ça m’était sorti de la tête, alors qu’un compte rendu de cette pertinence permet de faire le point, si je compare avec ce que j’ai pu lire ici et là sur le net à propos du même sujet. Comme par exemple, que les efforts d’Obama pour la santé des enfants amoindrissaient les inégalités pour l’éducation (moins d’absentéisme). Une sorte de blabla qui esquive le problème souligné ici :

Même si le candidat Obama avait fait une multitude de promesses à son électorat populaire en matière d’éducation, de santé, d’immigration, de justice sociale, de justice tout court, de retrait des troupes, de budget de la défense, de défense des femmes, des orphelins, des personnes âgées, que sais-je encore, c’est, au final, Wall St qui a raflé la mise partout.

(Commentaires désactivés)