RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Un champion de l’évasion fiscale pour évaluer les acteurs de la coopération non gouvernementale

En photo : Alexander De Croo

En Belgique, sur base d’une évaluation réalisée par la multinationale Deloitte, Alexander De Croo, ministre de la Coopération au développement, a supprimé l’accès aux subventions publiques de vingt acteurs non gouvernementaux. L’entreprise a pourtant été maintes fois inculpée dans le passé.

Le 7 juin, le gouvernement a été interpellé par deux députés fédéraux sur le recrutement de la multinationale Deloitte, pour évaluer les acteurs de la coopération non gouvernementale. Sur base de cette évaluation, portant le nom de « screening » et qui applique des critères venus du management privé, le ministre de la Coopération au développement, Alexander De Croo, a supprimé l’accès aux subventions publiques de vingt acteurs non gouvernementaux (ce qui représente 20 % de la totalité des organisations évaluées).

Connue pour les conseils qu’elle prodigue aux entreprises pour contourner l’impôt notamment en Afrique, Deloitte est mal placée pour évaluer la « bonne gestion » d’ONG qui travaillent dans la coopération au développement. C’est ce qu’a rappelé le député fédéral Benoît Hellings dans sa question parlementaire soulignant que Deloitte « s’organise au niveau mondial pour conseiller les grandes structures et les grandes entreprises dans leur évasion fiscale ». Dans sa réponse, Alexander De Croo affirme que Deloitte n’a fait « l’objet d’aucune condamnation prononcée par une décision judiciaire ». Il poursuit : « Si Deloitte ou un autre cabinet d’audit avaient été condamnés, ils n’auraient pas accès à ce marché ». Et si nous prenions le ministre au mot ?

De nombreuses « casseroles »

Au cœur de l’affaire LuxLeaks, Deloitte est confrontée à de nombreuses inculpations judiciaires, quand elle n’arrive pas à des accords « à l’amiable » moyennant des transactions financières. Ainsi, par exemple, deux employés de la branche Deloitte en Italie ont été poursuivis pour divulgation de fausse information et manipulation sur le marché alors que Deloitte était accusée de complicité quand elle auditait le groupe agroalimentaire italien Parmalat en 2003, empêtré dans le plus grand scandale financier d’après-guerre en Europe. Plus récemment, en janvier 2016, l’ex-président au Québec de la firme Deloitte, Luc Villeneuve, a été visé par une série de constats d’infraction pour du financement illégal qui aurait profité à 11 reprises au Parti libéral du Québec (PLQ). Autre fait : le 4 février 2016, la 18e chambre du tribunal correctionnel du Luxembourg a prononcé des peines de 3 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende à l’encontre de chacun des quatre ex-associés de la firme Deloitte Luxembourg pour avoir signé et antidaté des documents en 2002 pour le compte de clients italiens.


Sur le banc des accusés

En Espagne, l’Institut de Comptabilité et Audit des Comptes (ICAC) dépendant du ministère de l’Économie, a infligé une amende de 12,4 millions d’euros à Deloitte pour avoir avalisé les résultats financiers présentés par Rodrigo Rato, alors président du groupe financier Bankia (actuellement poursuivi pour blanchiment de capitaux et corruption). Deloitte, dans un clair conflit d’intérêts, se rendait juge et partie en étant à la fois la société responsable d’auditer la banque et le consultant chargé d’en certifier les comptes. D’après l’ICAC qui a infligé l’amende, Deloitte est « responsable d’un très grave manquement ayant commis une infraction continue à l’obligation d’indépendance ». Le 20 juin prochain, deux cadres de Deloitte devront s’asseoir sur le banc des accusés et répondre aux avocats de 15MpaRato, l’association citoyenne qui a lancé l’affaire Bankia et qui les accuse de « responsabilité directe » de « fraude massive ». En application de la réponse du Ministre, Deloitte devrait donc logiquement être exclue des appels d’offres lancés par le gouvernement compte tenu de ses condamnations judiciaires.

Gaspillage d’argent public

Alors que les subsides pour les acteurs belges de la coopération devraient chuter de 8,5 % sur les cinq prochaines années, aggravant ainsi les coupes budgétaires successives enregistrées depuis 2010, Deloitte, malgré ses agissements frauduleux, est grassement rémunéré aux frais du contribuable belge pour participer à la sélection des acteurs de la coopération non-gouvernementale aptes à recevoir des subsides de l’État. Le coût de cet audit, selon les données budgétaires des appels d’offres, se situe entre 550.000 et 650.000 euros (pour Deloitte et l’autre cabinet d’audit BDO). Il faut ajouter à cela les coûts indirects dans le secteur des ONG en embauches de personnel supplémentaire indispensable pour répondre aux exigences du « screening ». Plutôt que ce gaspillage d’argent public (alors qu’on demande aux citoyens de se serrer la ceinture), il serait évidemment plus utile de rediriger ces sommes vers l’aide au développement qui, en Belgique, atteint seulement 0,45 % de son Revenu national brut (RNB) alors qu’elle s’est engagée à atteindre 0,7 %.


Flux financiers illicites

Si le gouvernement veut être cohérent, il doit aussi lutter efficacement contre l’évasion fiscale en arrêtant de collaborer avec les entreprises qui la promeuvent, comme Deloitte et Price Water House Coopers, et qui font perdre chaque année plusieurs centaines de milliards d’euros aux États |1|. Dans son rapport, l’Expert indépendant de l’ONU sur la dette, Juan Pablo Bohoslavsky, insiste sur la nécessité de combattre les flux financiers considérés comme illicites qui « concourent à l’accumulation d’une dette insoutenable, puisque l’insuffisance des recettes publiques peut pousser les gouvernements à se tourner vers les emprunts extérieurs ». A l’issue de ce rapport, une résolution portant sur l’évasion fiscale et sur la nécessité de rétrocéder les avoirs détournés aux pays dits « en développement » a été adoptée le 24 mars 2016 par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Mais lors de ce vote, la Belgique s’est abstenue...

Carte Blanche publiée sur le site du quotidien belge Le Soir le 16 juin 2016.

»» http://cadtm.org/Un-champion-de-l-evasion-fiscale

Notes

|1| Les estimations varient de 7.600 milliards de dollars (8 % du patrimoine financier des ménages au niveau mondial) placés dans des paradis fiscaux à la fin de l’année 2013 à une fourchette allant de 24.000 à 36.000 milliards de dollars pour l’année 2015. Pour le seul continent africain, les flux financiers illicites estimés varient entre 50 à 60 milliards d’euros par an.


URL de cet article 30538
  

Point de non-retour
Andre VLTCHEK
LE LIVRE : Karel est correspondant de guerre. Il va là où nous ne sommes pas, pour être nos yeux et nos oreilles. Témoin privilégié des soubresauts de notre époque, à la fois engagé et désinvolte, amateur de femmes et assoiffé d’ivresses, le narrateur nous entraîne des salles de rédaction de New York aux poussières de Gaza, en passant par Lima, Le Caire, Bali et la Pampa. Toujours en équilibre précaire, jusqu’au basculement final. Il devra choisir entre l’ironie de celui qui a tout vu et l’engagement de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il y a bien une grande différence entre les articles publiés dans les médias institutionnels et les articles publiés dans les médias alternatifs (comme Le Grand Soir) : les leurs vieillissent super mal alors que les nôtres ne font que s’améliorer avec le temps.

Viktor Dedaj

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.