Les dividendes des actionnaires dans le monde sont en hausse en 2016. Donnant 372 milliards d’euros pour le deuxième trimestre de cette année (1). Un montant que nous pouvons extrapoler pour trouver une somme annualisée de 1 488 milliards d’euros, pas moins. La société de gestion d’actifs à l’origine de ce calcul trimestriel, Henderson Global Investors, annonce cependant pour toute l’année 2016 une hausse de dividendes de 3,9%, prévoyant seulement 1 180 milliards de dollars usd pour cette année. Retenons le calcul le plus haut pour de comparaisons pédagogiques.
Le montant annualisé des dividendes est plus important que le PIB individuel annuel de chacun de tous les pays du monde (PIB nominal de 2015), outre les dix premiers (2). Donc de tout ce " reste du monde ", soit un total de 187 pays et 20 territoires (3). Ce n’est pas rien. Plus important que le PIB de tous les pays de l’Amérique latine en individuel, outre le Brésil, avec ses 1 772 milliards de dollars (2015). Plus donc que le PIB des deux autres géants de cet ensemble géopolitique qui sont le Mexique, avec 1 144 milliards de dollars, et l’Argentine, avec 585 milliards de dollars.
Mais aussi plus que la somme des trois plus importants PIB de l’Afrique (2015) : le Nigeria avec 490 milliards de dollars, l’Égypte avec 331 milliards de dollars, et l’Afrique du sud avec 313 milliards de dollars, soit 1 134 milliards de dollars usd pour ces trois premières économies africaines. Bien supérieure aussi au PIB annuel de la CEDEAO, ces 15 pays de l’Afrique de l’ouest – avec le Nigeria, ce géant – qui eurent un PIB de 674 milliards de dollars (2015). Et d’ailleurs presque 50 fois le PIB de la Côte d’Ivoire, avec ses 31,2 milliards (2015), le plus "lourd" de tous les PIB de la zone franc CFA (pour rappel, "colonies françaises d’Afrique").
Et ce n’est que la pointe visible de l’iceberg. Entre sous-estimations, cachoteries, camouflages et escamotages. Cela ne tient pas compte de dividendes non versés, des réinvestissements. Ni des capitalisations, boursières. Ni des gains très substantiels d’actionnaires occupant de postes dirigeants dans les sociétés, disposant aussi des biens sociaux, des gains en nature. Ni des "dividendes" occultes, des "actionnaires" tapis dans l’ombre, de la corruption publique et privée, de ceux de l’économie grise et de l’économie noire, criminelle, des mafias diverses, ni de la finance off-shore, de tous ces dividendes invisibilisés et finissant en vastissimes fraudes fiscales – ce crime universel des personnes physiques et "morales" – le sport préféré des riches de notre monde, etc. etc.
Enfin, le bonheur des uns – en dividendes et paillettes, mais suivis parfois de charitable "philanthropie" pour la bonne conscience, de magazines mondains et soirées de gala – fait les malheurs de beaucoup, beaucoup d’autres, les malheurs de la précarité, des bas-salaires, du travail au noir, des accidents du travail, des maladies professionnelles, des dépressions, des burn-outs, des suicides, du chômage, des malnutritions, de la paupérisation, des guerres hybrides, des guerres civiles, de guerres classiques, des disettes, des famines, de la dévastation de la nature, du sous-développement organisé, du piétinement des peuples, de l’écrasement des souverainetés nationales, ... et cetera.
Vae victis ! soit Honte, misère et malheur aux vaincus, aux perdants...! A savoir, dans notre planète de vaincus et de perdants, dont le Sud à la vocation de les abriter depuis des siècles mais aussi dans le Nord riche et protégé – suite à la fin des trente glorieuses, l’éclatement de la première crise pétrolière en 1973 et le début des embats néolibéraux et du démantèlement par pièces de l’État social – soit un "petit" 99% de personnes touchant de non-dividendes ou d’anti-dividendes pour les plus exploités et marginalisés (4). Dans les rubriques "pertes et profits", les actionnaires ici régalés ont les profits, les auspices et les augures, les bons, et nous ici en bas de la pyramide – le "reste du monde" –qui sommes les perdants, nous sommes parqués dans les rubriques pertes.
Ces actionnaires et patrons heureux sont l’oligarchie planétaire, la nomenklatura capitaliste, la classe dominante bénéficiant de plus de quarante ans de néolibéralisme rampant, conquérant – hé oui, le premier pays gouverné par les économistes néolibéraux fut, fut, fut ... le Chili du général Pinochet dès 1973 ! – et triomphant. Les politiques économiques néolibérales sont faites en leur nom, pour garantir leurs intérêts stratégiques et de juteux dividendes.. Les marchés commandent les économies du monde mais les actionnaires commandent les marchés. Et ils ne veulent pas se voir ni comme oligarchie ni comme nomenklatura. A travers ses propagandistes, ses leaders d’opinion, les élites technocratiques agissantes à leur solde, ses médias tout-puissants et ses griots de toute sorte, ils veulent aussi empêcher l’humanité qu’on les voit ainsi, nus et devenir ensuite détestables.
Hé non, non, non... détrompez-vous ! Ce n’est pas win-win ! Dans ce bas-monde il y a de gagnants... parce que il y a de perdants !
Rassurés, enrichis ou protégés par salariés, fonctionnaires de tout type et bénévoles intéressés – parfois aussi par de serfs et esclaves modernes, comptables, managers, avocats fiscalistes, pénalistes, journalistes, théories et théoriciens, idéologues, propagandistes, religieux qui consolent, justifient ou absolvent doutes et mauvaises consciences, politiciens, pas mal de politiciens, artistes, sportifs et saltimbanques, cireurs-de-pompe amateurs et professionnels, gardes du corps, matons, policiers, militaires et mercenaires... ... les actionnaires, les patrons, tout compte fait, n’ont pas trop à se plaindre (5).
Donc, sourires, champagne et bonnes consciences... Merci, merci patrons et actionnaires, et encore plus de prospérité, amours, gloire et beautés pour vous !
Luis F. Basurto