RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
26 

Zone à défoncer

NDDL, quatre lettres qui résonnent depuis longtemps comme un emblème. L’emblème d’une résistance à la conception d’un monde cruellement dépassé mais auquel les acteurs dominants de l’économie marchande, de la finance omnipotente et de la classe politico-médiatique sans imagination s’accrochent désormais désespérément. L’un des slogans de cette remarquable Résistante était sans ambiguïté : « Non à l’aéroport et à son monde ! ». La lutte des zadistes, en partie victorieuse depuis l’abandon du projet d’aéroporp, est maintenant également emblématique de la violence d’Etat que M. Macron s’échine à incarner fièrement en maints endroits de la vie sociale. Les défenseurs les plus convaincus d’un système ne capitulent jamais sans dommages : lorsque la partie semble leur échapper leur méchanceté foncière, longtemps enfouie sous le couvercle de la bienséance trompeuse, éclate en pleine lumière.

Le 9 avril dernier, le gouvernement a rompu très brutalement le dialogue engagé après la décision d’abandon du projet d’aéroport surdimensionné. Par une opération de destructions de plusieurs dizaines de lieux de vie et d’activité de la ZAD de Notre-Dame des Landes les forces de « l’ordre » ont fait des centaines de blessés. La prétendue retenue des 2500 gendarmes colportée par la plupart des médias – du reste interdit de zone – n’est qu’une vue de l’esprit. Le choix des armes et projectiles massivement utilisés durant cette « semaine de terreur » aurait pu tuer. Il s’en est fallu de peu que ce ne fut le cas. Cette opération militaire a soulevé un formidable élan de solidarité dans le bocage et un peu partout en France, mobilisant des dizaines de milliers de citoyens. Malgré le refus du gouvernement d’étudier la proposition d’une « convention collective », les zadistes ont fini par accepter de déposer le 20 avril une quarantaine de projets individuels d’installation, souhaitant ainsi obtenir l’arrêt des expulsions que l’Etat entendait bien reprendre le 23 avril. Contrairement à ce que prétendait le gouvernement, là aussi servilement relayé par nombre de médias, il ne s’était pas agi pour les zadistes de refuser de se nommer et de présenter des projets, mais de s’assurer du maintien de la dimension coopérative et des liens entre les divers usages développés au fil des années sur la ZAD. Ils souhaitent toujours enraciner une vision des « communs » et d’une paysannerie solidaire, réellement soucieuse du soin du bocage et de l’environnement. Ils aspirent plus que jamais à un territoire vivant, habité, partagé qui laisse aussi la place à des projets non exclusivement agricoles.

Evidemment, tous ceux qui n’ont toujours pas compris que le temps était venu de revoir « le système » de fond en comble se sont jeter sur ce geste d’apaisement des zadists comme la misère – de leur réflexion – sur ce pauvre monde en lutte pour la survie de l’humanité. Ils se félicitent qu’une partie notable des zadistes rentrent dans le rang, acceptent les standards proposés par l’Administration si conformes à l’immobilisme systémique . Ils ne sont certes pas haineux comme l’ineffable patronne du Front national – « tous les crasseux de Notre-Dame des Landes » - mais sont pétris d’un conformisme confondant. Ill est donc permis de considérer que le problème reste entier. Les zadistes portent un contre-modèle de société reposant sur l’autonomie des acteurs à l’égard des canons (!) du capitalisme régnant en maître absolu . Et c’est bien pour cela qu’il convenait d’en écrabouiller les principaux lieux construits patiemment par des individus armés… d’un rare courage, à commencer bien sûr par la « ferme des cent noms ». Ceux qui ont fait l’effort d’aller à la rencontre de ces hommes et de ces femmes au cours des dix dernières années en sont revenus ébahis. La ZAD n’est pas qu’un lieu de nature, c’est tout autant un lieu de culture, évidemment pas celle des salons parisiens. Par exemple, la bibliothèque développée là est foisonnante. On y trouve des livres devenus introuvables ailleurs depuis que les bibliothèques normalisées – marketing éditorial oblige – nettoient régulièrement leurs rayonnages. Quelques chercheurs en sciences sociales sont venus y consulter certains ouvrages précieux, notamment sur l’histoire des luttes ouvrières. Les journalistes, parisiens souvent, qui ne craignent pas d’affirmer que les zadistes n’ontt pas su faire connaître leur projet auraient pu faire depuis longtemps le déplacement. Heureusement, Jade Lindgaard de Médiapart ou Hervé Kempf de Reporterre ont fait leur boulot pour nous informer de la réalité du combat des zadistes, notamment du foisonnement des idées germant à Notre-Dame des Landes. Chacun avait le loisir de les lire. Il n’est sûrement pas trop tard.

La toile de fond de l’affaire nous impose une double critique. La critique de la répression policière – tout comme celle de l’Etat d’urgence du reste - doit s’accompagner de la nécessaire critique du néolibéralisme économico-financiers aux effets anti-sociaux et anti-écologiques de plus en plus sévères. Ne pas affronter cette double critique revient à accepter un monde devenu banalement violent, tragiquement inégalitaire et définitivement sale. Qui sont alors les vrais crasseux ? Ceux qui acceptent sans sourciller ce monde-là et sont prêts à le défendent rageusement ou bien ceux qui sont impatients de le changer et commencent sans attendre La construction d’un autre avenir pour la planète et ses générations futures ? A suivre…

Yann Fiévet

URL de cet article 33272
  

Même Thème
Histoire de ta bêtise
François Bégaudeau
PREFACE D’abord comme il se doit j’ai pensé à ma gueule. Quand en novembre les Gilets jaunes sont apparus pile au moment où Histoire de ta bêtise venait de partir à l’imprimerie, j’ai d’abord craint pour le livre. J’ai croisé deux fois les doigts : une première fois pour que ce mouvement capote vite et ne change rien à la carte politique que le livre parcourt ; une second fois pour que, tant qu’à durer, il n’aille pas jusqu’à dégager Macron et sa garde macronienne. Pas avant le 23 janvier 2019, date de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »

John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.