RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Thème : Cinéma

Los Delincuentes ou : les bobos dans la pampa

Rosa LLORENS
La presse mainstream s’est trouvé un nouveau chouchou : le cinéma argentin et, en l’occurrence, Los Delincuentes de Rodrigo Moreno : elle se délecte de sa sensibilité anarchiste, ou, tout au moins, « anar » et libertaire. Mais que mettent Le Figaro ou Les Inrocks sous le terme d’anarchisme, et qu’ont-ils en fait apprécié dans ce film ? Pour Le Monde, il exprime un « refus de la routine productiviste et de la rente existentielle » (curieuse expression qui semble désigner, avec quel mépris, le travail salarial). Les Inrocks y voient un « trésor libertaire », et Francetvinfo la recherche de « la liberté à tout prix ». Voilà bien le problème de cette pseudo-utopie : il n’y est question que de liberté abstraite. Et Radio-France a beau y déceler une réaction à la politique de Javier Milei, en réalité, le film et le nouveau président argentin se rejoignent sur l’essentiel : l’individualisme ultra-libéral. Personne, à aucun moment, ne semble soupçonner qu’il y a une voie collective vers la liberté, et que celle-ci est (...) Lire la suite »

Révolution et Kübra ou comment lutter contre la tyrannie

Dominique MUSELET
Il y a en ce moment deux séries qui cartonnent sur Netflix. Révolution, une série française, et Kübra une série turque. Les deux séries sont des fables, fantastique pour la première et spirituelle pour la seconde, qui traitent de la meilleure manière d’affronter l’injustice et la violence institutionnalisées des régimes qui donnent à une minorité de privilégiés cupides, arrogants et cyniques tout pouvoir sur un peuple réduit à la misère économique et spirituelle. Révolution, la révolte des opprimés La révolution décrite dans la série a peu de rapport avec notre révolution de 1789, à part le fait que l’histoire se situe à la même époque comme l’attestent les costumes et les décors, magnifiques au demeurant. Comme sont obligées de le faire toutes les séries occidentales pour passer la censure et avoir de bonnes critiques, Révolution commence par démontrer son adhésion au catéchisme moderniste. On a droit, dès les premières images, à un éloge du vaccin par le médecin Joseph Guillotin qui incarne l’humanisme et le (...) Lire la suite »

Critique de “ Bye Bye Africa ”

Maxime-JRCF
Tous les pays d’Afrique souffrent de l’impérialisme, et le Tchad en particulier. Ancienne colonie française, ce pays formellement indépendant depuis 1960 demeure une place forte de l’impérialisme français, qui y déploie ses troupes et contrôle le pays par l'intermédiaire de despotes dociles à son égard et cruels envers le peuple tchadien, qui subit la guerre et la répression depuis des décennies. Les artistes tchadiens - et plus généralement africains - des années 90 vont chercher à restituer, à leur peuple respectif, la dignité qui permettrait à tous de relever la tête pour le bien du pays. Mahamat Saleh Haroun, réalisateur tchadien de Bye Bye Africa (son premier film, sorti en 1998) disait : « [...] je me sens avant tout profondément Africain. Mes films traitent du Tchad mais ils débordent toujours de ce cadre pour parler de toute l’Afrique. Dans les représentations qui sont faites de nous, j’ai parfois l’impression que l’on nous refuse l’humanité... Ce qui m’intéresse, c’est d’inscrire l’Afrique dans (...) Lire la suite »

Retour sur Terre en transe de Glauber Rocha

Maxime-JRCF
« Pays en transe, cinéma en transe. » Glauber Rocha in Esthétique de la faim Terre en transe sort en salle au Brésil en 1967, soit trois ans après le coup d’Etat militaire fasciste supervisé par les États-Unis, qui aboutira en 1968 à l’adoption de l’Acte Institutionnel numéro 5, qui prévoit un renforcement extrême des forces répressives brésiliennes et un accroissement de la militarisation du pays. Le film est alors censuré. Mais il tient aujourd’hui, avec son réalisateur marxiste Glauber Rocha, une grande place dans la culture nationale. Ce dernier fascine, à juste titre, pour l’apport théorique qu’il a fourni au cinéma moderne (on pourrait résumer grossièrement le cinéma moderne comme l’ensemble des films anti-hollywoodiens ayant été réalisés à partir de la fin des années 50, regroupés dans des « Nouvelles Vagues », des mouvements cinématographiques propres à chaque pays - au Brésil elle porte le nom de « Cinema Novo » - et qui portent l’espoir d’une issue révolutionnaire à la déliquescence, notamment dans le « (...) Lire la suite »

Classe contre classe et Front populaire au cinéma

Jacques FRANJU

Au tout début des années 20, se met en place la stratégie classe contre classe au niveau du Komintern (la Troisième Internationale), promouvant, en adéquation avec les partis communistes de certains pays, d’une ligne dur de regroupement de la classe ouvrière et de sa conscience propre contre la social-démocratie et la bourgeoisie en général.

Une stratégie qui ne différencie pas les différents courants bourgeois et qui, par exemple, ne faisait pas de distinguo clair entre la social démocratie et le fascisme, l’un étant simplement la continuité de l’autre. Avec cette stratégie, l’alliance de partis était très peu recommandée. Dans les années 30, les organisations communistes commencent à abandonner cette stratégie pour celle du « front uni antifasciste » sous l’égide notamment des communistes français et du bulgare Georgi Dimitrov. Cette nouvelle stratégie fait prévaloir la défense de la démocratie formelle (bourgeoise) face au fascisme, en passant par une alliance large au sein de la société, notamment avec les petits-bourgeois. Pour les communistes il s’agit de mener cette alliance et de pouvoir critiquer de l’intérieur tout atermoiement de la social-démocratie, en montrant que pour aller jusqu’au bout de la logique de front et de la défense de la démocratie, il faut passer par des réformes sociales dures et même à terme par une révolution. En (...) Lire la suite »

Le gang des Bois du Temple : ma cité contre l’Arabie Saoudite

Rosa Llorens
Il était facile d’opposer Le gang des Bois du Temple à la dernière Palme d’or : pour L’Humanité, c’est « une anatomie d’une chute « sans cinoche » » . Rabah Ameur-Zaïmeche nous propose en effet l’« anatomie » d’une bande de lascars dans une cité : cela nous ouvre plus au monde réel et aux problèmes de la société actuelle que les avanies d’un couple d’intellos conçues pour le Festival de Cannes. La presse est le plus souvent élogieuse (une des seules exceptions : Le Figaro) à l’égard du film de RAZ ; il est certes surprenant, à la fois humain, poétique, mais aussi hétérogène, et on peut s’interroger sur certains aspects, religieux et politiques. Ce n’est pas un film d’action qu’a voulu faire RAZ : le braquage lui-même, l’enquête par un détective privé, et le dénouement sanglant sont rapidement expédiés, presque résumés, en opposition à des séquences, qu’on pourrait considérer comme des temps morts, ou de flottement, qui sont, elles, filmées avec lenteur, et développées. RAZ prend plaisir à faire sentir l’atmosphère (...) Lire la suite »

Ariaferma : de l’air frais dans les prisons, mais aussi dans le cinéma

Rosa LLORENS
Après les années de confinement, le cinéma revivrait-il ? Après les bons, voire grands films de l’automne, suédois et catalan, voici un film italien, ou plutôt sardo-napolitain, Ariaferma, qui réunit, dans les montagnes sardes, trois Napolitains, le réalisateur, Leonardo di Costanzo, et deux monstres sacrés de la scène et de l’écran italiens, Toni Servillo (qu’on ne présente plus) et Silvio Orlando (le subtil cardinal-secrétaire d’État du Jeune Pape). Le titre n ‘a heureusement pas été traduit (on risquait d’obtenir quelque chose d’aussi grotesque que Tourment sur les îles pour Pacifiction) : Ariaferma suggère un air confiné, à la fois air raréfié et air carcéral. C’est en effet un film de prison, mais sans les péripéties violentes (bagarres, révoltes et répressions) qu’évoque ce terme. Ce n’est pas non plus un film politique de dénonciation, malgré le décor, qui est une épure d’installation panoptique : quelques cellules rangées en cercle autour d’un espace central d’où les gardiens peuvent tout contrôler. C’est (...) Lire la suite »

Réflexions sur le mouvement ouvrier et le cinéma d’horreur

Jacques FRANJU

Un seul coup d’œil dans les programmations des cinémas (ou des plateformes) fera remarquer aux plus attentifs l’omniprésence du cinéma d’horreur. Il est vrai que le genre s’est particulièrement démocratisé. Les listes recensant sur les sites de cinéphiles les meilleures œuvres horrifiques sont devenues courantes. De même les vidéastes spécialement dédiés à l’horreur et les plateformes du type Shadowz. Hérédité (2018) d’Ari Aster a rapporté 80 millions de dollars. Get out (2017) de Jordan Peele en a lui rapporté 255 millions avec une critique unanime pour souligner les qualités et l’originalité du film. Le film Titane (2021) de Julia Ducournau a reçu la palme d’or l’année de sa sortie.

En toute honnêteté pour le lecteur, l’auteur de cet article est un amateur de films d’horreur. Depuis l’adolescence, j’ai visionné un grand nombre d’œuvres d’épouvante [1]. La terreur, le suspense, le travail sur l’image et l’ambiance, sont des choses qui me plaisent particulièrement. Un temps je ne regardais que ça, aussi bien des vieux films expressionnistes comme Nosferatu de Murnau ou plus récent comme Ogre d’Arnaud Malherbe, avant de m’ouvrir à des œuvres aux thèmes plus divers. J’ai encore une grande pile chez moi de numéro de Mad Movies, la revue française de référence en matière de cinéma de genre, et qui me permettait d’agrandir ma liste de films bis. Mes premiers pas vers la cinéphilie se sont faits via ce biais-là. Si je cherche à comprendre pourquoi j’apprécie tant le cinéma d’horreur (alors que mon entourage familial n’en était pas forcément fan), je dirais que c’est pour trois raisons : un intérêt pour les choses étranges, dérangeantes, hors du commun ; le fait que ces histoires sont très faciles (...) Lire la suite »

Festival du film russe à Paris ou URSS bashing ?

Rosa LLORENS

Comme nous sommes privés de films russes (autant que submergés de films étasuniens, notamment sur l’URSS, comme le prochainement en salles L’Ombre de Staline), le Festival du film russe (du 2 au 9 mars) semble une aubaine, une chance unique de savoir quels films on fait en Russie, pour les Russes.

Mais parler de Russes ne suffit pas : quels Russes, faudrait-il se demander, sont aux commandes de ce festival ? Il suffit de se rendre au cinéma Balzac, sur les Champs-Elysées, et de regarder quelques-uns des films programmés, pour avoir une partie de la réponse. Samedi 7, on pouvait voir L'Homme qui a surpris tout le monde, de Natacha Mercoulova et Alexeï Tchoupov (2018). Dans sa présentation, la directrice de la salle a lourdement insisté sur le caractère approprié du film, dans un festival intitulé : Quand les Russes nous étonnent, film d'autant plus étonnant qu'il vient d'un pays « macho » : on pouvait déjà deviner de quoi il retournait, et on n'a pas été déçu. Le héros, Igor, un garde forestier viril, apprend qu'il a une tumeur au cerveau et qu'il ne lui reste que deux mois, au mieux, de vie. Il semble d'abord réagir de façon responsable, en prenant des mesures pour assurer le proche avenir économique de sa famille. Mais il tombe bientôt dans un état de dépression. Sa femme le persuade d'aller (...) Lire la suite »

Le cas Richard Jewell : Clint Eastwood, le héros ordinaire américain et le libertarisme

Rosa LLORENS
Après des films comme American Sniper, le cas Clint Eastwood semblait définitivement réglé. Mais l'octogénaire ne cesse de se renouveler, réalisant deux films sympathiques et séduisants, Sully (2016) et The Mule (2018), auxquels on peut ajouter, pour une trilogie du héros ordinaire américain, Le cas Richard Jewell. A vrai dire, même si on peut lire de bonnes critiques (voir Critikat), ce dernier film, simpliste et gonflé de pathos, à l'image de son héros, est raté. Mais ce groupe de films intrigue par ses oppositions : qu'est-ce qui peut réunir le brillant et austère pilote Sully, l'octogénaire cool et élégant Earl et le gros benêt Richard Jewell ? Y a-t-il une cohérence entre le libertarisme irresponsable de The Mule et le sens du devoir et du bien public de Sully ? Et où placer Richard Jewell ? Sous ses dehors tranquillement rebelles, The Mule est un manifeste libertarien : comment expliquer que cet Américain modèle qu'est Earl accepte sans aucun cas de conscience de se mettre au service de (...) Lire la suite »
afficher la suite 0 | 10 | 20