Cher gouvernement suédois.
Salut à tous, ou comme vous dites là -bas : Hallå ! Tout le monde ici aux Etats-Unis adore votre pays. Vos Volvos, vos boulettes de viande, vos meubles pas-faciles-à -monter - on en redemande !
Il y a juste une chose qui me chiffonne : pourquoi est-ce que Amnesty International, dans un rapport spécial (décrit en détail ici par Naomi Wolf ), a déclaré que la Suède refuse de s’attaquer au problème de viols, une véritable tragédie ? En fait, ils disent que dans toute la Scandinavie, votre pays inclus, les violeurs « bénéficient d’une impunité ». Et que les Nations Unies, l’Union Européenne et les groupes de défense suédois des droits de l’homme sont tous arrivés à la même conclusion : la Suède ne prend pas au sérieux les agressions sexuelles contre les femmes. Comment pourrait-on expliquer autrement ces statistiques de Katrin Axelsson, de Femmes Contre le Viol :
- La Suède connaît le PLUS HAUT taux de viol par habitant de toute l’Europe.
- le nombre de viols a été multiplié par quatre en 20 ans.
- les peines prononcées sont en DECROISSANCE constante.
Axelsson dit : « le 23 avril de cette année (2010), Carig Hägg et Nalin Pekgul (respectivement Député de Présidente de Femmes Sociales-Démocrates de Suède) ont écrit dans (le quotidien) Göteborgs que « 90% de affaires de viols (en Suède) n’arrivent pas devant un tribunal ».
Permettez-moi de le répéter : neuf fois sur dix, lorsqu’une femme déclare avoir été violée, vous ne prenez même pas la peine de lancer une procédure. Pas étonnant donc que selon le Conseil National Suédois de Prévention des Crimes, il est désormais statistiquement établi qu’en Suède, un personne a plus de chances d’être violée que d’être volée.
Ce qui constitue un message aux violeurs : La Suède vous aime !
Imaginez donc notre surprise lorsque tout d’un coup vous avez décidé de vous en prendre à un certain Julian Assange pour agression sexuelle. En fait, c’est plus compliqué que ça : d’abord vous l’avez accusé. Puis, après enquête, vous avez abandonné les accusations les plus graves et annulé le mandat d’arrêt.
Puis un député conservateur a fait pression et vous, ô miracle, vous avez effectué un virage à 180 degrés et rouvert l’enquête sur Assange. Sauf que vous n’avez toujours porté aucune accusation. Vous voulez juste « l’interroger ». Alors, vous qui n’avez pas bougé le petit doigt lorsque des milliers de suédoises se faisaient violer et leurs agresseurs se promènent libres comme le vent, vous avez décidé qu’il était temps de faire tomber un homme, celui que le gouvernement Américain veut voir arrêté, emprisonné ou (selon le politicien qui s’exprime) exécuté. Par hasard, vous avez décidé de le poursuivre, supposément pour « un acte par contrainte, deux actes d’agression sexuelle et un acte de viol (au troisième degré. » Et tandis que de milliers de violeurs suédois se promènent libres, vous déclenchez une gigantesque chasse à l’homme via Interpol pour ce dénommé Julian Assange !
Vous voilà soudain devenus les Croisés contre le Viol. Les suédoises doivent soudainement se sentir plus en sécurité.
En fait, pas vraiment. En réalité, nombreux sont ceux qui voient clair dans votre jeu. Qui savent ce que ces « accusations non-accusations » signifient réellement. Et qui savent que vous profitez cyniquement et scandaleusement des menaces réelles qui pèsent partout sur les femmes pour venir en aide au gouvernement américain et faire taire Wikileaks.
Je ne prétends pas savoir ce qui a pu réellement se passer entre M. Assange et les deux plaignantes (je ne connais que ce que j’ai entendu dans les médias, je suis donc autant dans le brouillard que n’importe qui). Et je m’excuse si j’ai tiré des conclusions un peu hâtives dans ma volonté de mettre l’accent sur une valeur essentielle chez moi : sans exception, toute personne est considérée comme innocente jusqu’à ce qu’un tribunal en décide autrement. Je crois fermement que toute accusation de viol doit faire l’objet d’une enquête sérieuse. Il n’y a aucun mal à ce que votre police interroge M. Assange à propos de ces accusations, et même si je comprends pourquoi il avait l’air de vouloir se cacher (chose que les gens ont tendance à faire lorsqu’on menace de les assassiner), il devrait néanmoins répondre aux questions de la police. Il devrait aussi se soumettre au test de dépistage de MST que les supposées victimes ont demandé. Je crois savoir qu’il existe des traités entre la Suède et la Grande-Bretagne et qu’il vous est donc possible d’envoyer des enquêteurs à Londres pour interroger M. Assange qui est en résidence surveillée après une libération sous caution.
Mais cela ne vous ressemblerait pas, vous déplacer dans un autre pays à la poursuite d’un homme suspecté d’agression sexuelle alors que vous n’êtes même pas capables de descendre dans vos propres rues pour traîner devant vos propres tribunaux le paquet de violeurs dénoncés dans votre propre pays. Et c’est parce que vous avez rarement pris une telle décision dans le passé que toute cette affaire pue.
Sans oublier une dernière chose que nous dit Katrin Axelsson :
« il y a une longue tradition qui consiste à recourir aux accusations de viol et d’agression sexuelle pour des motifs politiques qui n’ont rien à voir avec la sécurité des femmes. Dans le Sud des Etats-Unis, le lynchage des noirs reposait souvent sur une accusation de viol ou même un simple regard vers une femme blanche. Les femmes ne sont pas sensibles à notre lutte contre ce détournement, alors que les crimes de viol sont au mieux négligés et au pire protégés. » [voir note du Grand Soir en fin]
Je crains que cette tactique qui consiste à accuser de viol pour s’en prendre aux minorités et aux fauteurs de trouble - coupables ou innocents - soit à l’oeuvre dans cette affaire. Je voudrais donc m’assurer que les gens honnêtes ne restent pas silencieux et que vous, gouvernement suédois, ne réussissiez pas votre coup si vous êtes effectivement en cheville avec des gouvernements corrompus tels que le notre.
La semaine dernière, Naomi Klein a écrit : « Le viol est employé contre Assange comme « la libération des femmes » a été employé pour envahir l’Afghanistan. Réveillez-vous ! »
Je suis d’accord.
Faute de preuves (et il semblerait que tel est le cas sinon vous auriez déjà lancé un mandat d’arrêt), abandonnez la tentative d’extradition et mettez-vous au travail que vous avez refusé de faire jusqu’à présent : protéger les Suédoises.
Cordialement,
Michael Moore
http://www.michaelmoore.com/words/mike-friends-blog/dear-government-of-sweden
Traduction VD pour le Grand Soir avec probablement les erreurs et coquilles habituelles
NOTE DU GRAND SOIR :
Souvenir : il avait déjà été "constaté" qu’aux Etats-Unis, les statistiques montrent un nombre anormalement élevé de syndicalistes et militants en prison pour "viol" ou "agression" divers et variés. Tactique apparemment couramment employé aux US - y compris par le FBI - pour se débarrasser d’un gêneur. Pas de statistiques sous la main. Si un lecteur trouve trace pour confirmer ou infirmer ceci, merci d’avance.