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Appel au boycott... du muguet !

Le 1er mai, enfin les beaux jours. On s’offre le muguet, une des premières fleurs du printemps, par tradition aveugle. En effet bien rares sont les personnes qui pourraient vous expliquer les origines de cela, comme bientôt le sera Noël devenu la fête des supermarchés ou la Saint Valentin, la fête des fleuristes. Récupération commerciale évidemment. Mais quel mal y a-t-il à s’offrir des fleurs ?

Le 1er mai, c’est aussi la fête du travail. Ici, la raison oubliée : une manifestation réprimée à Chicago en 1886, puis la décision de commémorer internationalement ce jour pour revendiquer la journée de 8 heures contre celle de 12. Maintenant, les socialistes, les communistes, les internationalistes se réunissent. On marche ensemble, on trinque, on refait le monde, on chante de vieux chants révolutionnaires...

O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao
Na, na, na, na, nanaa, naaa, 
Nana, la libertaaa. 

 Oh, t’arrêtes de chanter, toi !
 Mais c’est quoi ici ? On a pas le droit de chanter, siffloter, parler...
 Si t’es pas content, tu pars. Et t’es pas payé, c’est le jour d’essai !
 Quoi ? Ton muguet, tu peux te le met...

De nos jours, le 1er mai, c’est des milliers de travailleurs réunis pour une dizaine de jours. On en appelle à toute la France. Précaires de tout le pays, venez en Loire Atlantique. Même TF1 relaie l’appel pour lever l’armée de réserve industriel. Voici les habituels travailleurs des saisons : étudiants, mère au foyer qui veulent arrondir le SMIC du mari, punk à chiens, hippies semi-nomades, intérimaires normalement routiers, maçons ou caissiers de supermarché, des africains avec ou sans papiers...

 Mamadou, Mamadou... Eh Bamboula ! 
 Oui, chef. 
 Dis à tes gars de bosser un peu plus vite. 
 D’accord, chef. 
 Ah ben oui, ce serait plus facile avec le coupe-coupe, mais là c’est pas des bananes. Vos femmes, 
elles bossaient mieux l’année dernière, et jolies avec ça les garces, ah ah ah !

Ces Africains sont venus de la Guinée-Konakry en conflit depuis que la France a fait semblant de partir. Ils sont venus dans le pays des Droits de l’Homme.
Ils ne répondent pas, ne se rebellent pas. Ont-ils encore dans leur inconscient que l’homme blanc est supérieur et qu’il ne vaut mieux pas lui répondre au risque de se faire frapper ? Ou bien pensent-ils que cet homme a le pouvoir de les renvoyer au pays. En tout cas, ce patron adorent ses petits nègres dociles et corvéables à merci.
Ces noirs ont peur. Mais ils ne sont pas les seuls à suivre le commandement militaire. Les étudiants 
sans fric, les femmes au foyer qui espérent payer quelque chose aux gamins suivent les ordres, et d’autres qui se soumettent comme si cela était naturel d’être traité ainsi.

 Tout le monde ici. Je ne veux pas entendre une mouche voler. Chacun dans son rang. Le premier qui fait le zouave, il vire. Ach, Schnell ! 
 Je parle pas allemand !
 Quoi, t’as un problème ?
 Non, c’est juste que j’avais jamais vu ça. 
 Eh bien, ce sera la première fois. 

En fait, non, cela ne me semble pas nouveau. Impression de déjà -vu provenant des films censés nous faire travailler la mémoire. Ambiance des années 40 en Allemagne, en France occupée ou à Guantanamo, on va au travail entassés dans des camions. Une fois dans les rangs, le silence est de rigueur. On ne peut pas regarder dans les yeux les Kapos qui auraient trop peur de voir de l’humanité en nous. Si on se relève pour s’étirer un peu, on nous dit de nous remettre à cueillir immédiatement. On prend notre nom et à la deuxième sommation, nous sommes punis : retour au chômage !

 Toi, toi et toi, vous virez. 
 Mais pourquoi ? 
 Des gens comme vous, on n’en veut pas ! 

Dans les années 40, ces gens-là , on les aurait envoyé bruler avec les juifs, les tsiganes et les résistants de tous bords. Ils ont les cheveux longs ou rasés, ils s’habillent en kaki, font des boulots saisonniers pour payer le gasoil de la fourgonnette-maison, la bouffe pour les chiens et l’alcool ou d’autres drogues bon marché. Ils passent la moitié de l’année sur les routes d’un festival à l’autre. Ils n’ont pas d’attaches. Alors comment ces propriétaires terriens pourraient les comprendre, s’dentifier un peu à eux ? 

Peut-on généraliser avec tous les producteurs de muguet ? «  Non, me répond la propriétaire du camping qui voit des bataillons de cueilleurs chaque année, il y en a bien un ou deux chez qui cela se passe bien. Les autres se prennent pour des seigneurs. Nous sommes désolés. »

Cette France me fait peur. Cela ne devait être que du passé. A l’école, on nous a fait intégrer que nous allions toujours vers le mieux : l’évolution. Nous avons vaincu les barbares, les infidèles, les nazis, les soviétiques. Nous sommes le progrès. 

Pourtant, depuis quelques années, l’ennemi intérieur est de plus en plus montré comme se cachant sous un voile, dans ses mosquées à minaret, il mange hallal dans nos restos, sont polygammes...
En effet, il existe un ennemi intérieur. Mais est-il bien celui que les journaux nous montrent quotidiennement après chaque fait divers ? L’ennemi est en nous. L’ennemi, c’est notre acceptation, notre soumission. C’est le risque du retour au totalitarisme. 

Ces exploiteurs agricoles néocolonialistes jouent avec la peur du chômage. Et en plus, c’est la crise, nous dit-on. Les travailleurs subissent un chantage économique. Et cela marche.

Mais le chantage économique peut s’inverser : refusons d’acheter certains produits !

Les produits d’Afrique du sud, on n’en a pas voulu. La politique d’appartheid a dû changer. Actuellement, des appels au boycott contre l’Israël colonialiste sont lancés et ont des répercussions. Alors, boycottons toutes les formes d’exploitations, surtout si elles sont proches de nous. 

Le 1er mai, achetez du muguet aux gosses de votre quartier, pas chez le fleuriste qui vend du muguet qui vient de l’industrie qui ne respecte ni l’humain, ni la terre. Allons plutôt manifester !

Toute ressemblance avec la réalité, des personnages réels, des propos tenus ou faits ressemblants n’est absolument pas fortuit.

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Point de non-retour
Andre VLTCHEK
LE LIVRE : Karel est correspondant de guerre. Il va là où nous ne sommes pas, pour être nos yeux et nos oreilles. Témoin privilégié des soubresauts de notre époque, à la fois engagé et désinvolte, amateur de femmes et assoiffé d’ivresses, le narrateur nous entraîne des salles de rédaction de New York aux poussières de Gaza, en passant par Lima, Le Caire, Bali et la Pampa. Toujours en équilibre précaire, jusqu’au basculement final. Il devra choisir entre l’ironie de celui qui a tout vu et (…)
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"Acheter un journaliste coute moins cher qu’une bonne call-girl, à peine deux cents dollars par mois"

un agent de la CIA en discussion avec Philip Graham, du Washington Post, au sujet de la possibilité et du prix à payer pour trouver des journalistes disposés à travailler pour la CIA. dans "Katherine The Great," par Deborah Davis (New York : Sheridan Square Press, 1991)

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