RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

La guerre : d’abord une guerre contre le peuple.

Depuis le début de la guerre au Mali, Monsieur Laurent Fabius s’est efforcé de présenter l’intervention française et les frappes aériennes, destinées, dit-on, à bloquer les « terroristes » maliens, comme un succès. Et de rajouter que l’engagement militaire français était une « question de semaines ».

Pourquoi les dirigeants se sentent-ils toujours obligés de minimiser la durée estimée d’un conflit ? On se souvient des poilus qui, en août 1914, partaient la fleur au fusil, persuadés de rentrer à la maison pour les fêtes de fin d’année. Avant chaque conflit, le même discours se répète. Voeux pieux ? Naïveté ? Mensonges délibérés ?

Mensonges, évidemment. Si l’on se réfère aux guerres modernes (disons depuis 1 siècle), on constate qu’elles se déroulent toujours en deux phases. Il faut d’abord faire accepter la guerre à son opinion, et, ensuite seulement mettre à exécution la partie militaire.

La première phase est en fait un véritable combat, avec ses stratégies, ses tactiques et de très gros moyens. Ses protagonistes sont, d’un côté les gouvernants, et, de l’autre, le peuple. Pour les premiers, il s’agit d’amener la population à accepter toutes leurs décisions en vue de déclencher la phase militaire. La stratégie pour y parvenir est bien rodée, avec quelques règles simples qui suivent au plus près l’inconscient culturel des gens. Aujourd’hui, le schéma qui marche est on ne peut plus simple : le bon contre le méchant (merci Hollywood). Le travail consistera d’abord à accentuer, au maximum, les traits concernant chacun de ces deux pôles. Ainsi, il faudra glorifier les sentiments humains et humanistes de la population, son éternel désir de fraternité entre les Hommes, sa soif inextinguible de justice pour tous, et mettre au-dessus de tout sa tendance à compatir à tous les malheurs des déshérités. Ces malheurs, bien entendu, n’ont qu’une et unique cause : le méchant. Il faudra que tout ce qui sera dit sur ce dernier tende à le déshumaniser et à lui donner une figure de monstre ne respectant rien. Pour cela on fera appel à toutes les belles plumes de renom, aux photographes et vidéastes qui auront pour tâche de montrer toutes les exactions de l’ennemi, et on encouragera tout ce petit monde à rivaliser d’imagination pour mener à bien cette mission.

Comme dans tout bon film hollywoodien, l’ennemi devra avoir un visage. Le casting ne devrait pas être compliqué. Le personnage devra être très laid, regard méchant, armé jusqu’aux dents, posant devant un drapeau noir avec des inscriptions que personne ne comprend. Une barbe serait aussi la bienvenue.

Une fois le personnage du méchant bien campé, il sera nécessaire de revenir sur le bon pour bien peaufiner ses caractéristiques et exalter ses qualités. En même temps, la lutte contre les sceptiques, les défaitistes, les pacifistes et les indifférents peut commencer. Il faudra culpabiliser ceux-là à chaque fois que cela sera possible, les montrer du doigt et tenter de les marginaliser. S’ils refusent de s’indigner devant un « massacre », ce seront des monstres sans coeur. Si la destruction d’un monument (préciser : protégé par l’UNESCO) ne les émeut pas, ce seront des ignares incultes. S’ils n’éprouvent aucune peur que ces barbares débarquent un jour avec leurs programmes de destruction, alors ce seront des inconscients, donc irresponsables. Et si tout cela ne suffit pas, on les désignera comme sympathisants de l’ennemi, pour les faire apparaître comme des traîtres. S’il y a un Jaurès parmi eux, c’est-à -dire un pacifiste de renom qui pourrait être écouté, il se trouvera toujours un illuminé sortant d’on ne sait où pour le réduire au silence. Tout ceci doit se passer dans une atmosphère spéciale. Les niveaux d’alerte doivent donc être rehaussés afin de maintenir un minimum de sentiment d’insécurité favorisant la réceptivité aux messages. La visibilité des forces de l’ordre ou de l’armée aura également un effet intimidant sur les réfractaires cités plus haut.

Au terme de cette phase initiale, les dirigeants auront réussi à faire en sorte que la Nation soit identifiée à eux. Elle parlera et agira désormais à travers eux. L’expression : « L’État c’est moi » prendra alors tout son sens. Toute remise en cause des discours officiels équivaudra à une trahison. Pour qui aime le pouvoir, que peut-il espérer de mieux ? Le pouvoir absolu. Le rêve de tout dictateur. On comprend mieux pourquoi chaque nouveau président veut sa guerre et pourquoi il se précipite pour la faire dès qu’il en obtient le feu vert.

Avic

Source : http://avicennesy.wordpress.com/2013/01/22/la-guerre-dabord-une-guerre...

URL de cet article 19322
  

Même Thème
La télécratie contre la démocratie, de Bernard Stiegler.
Bernard GENSANE
Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier. Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique elle-même est (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Que vaut un cambriolage de banque face à la création d’une banque ?

Bertolt Brecht

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.