Pierre Moscovici a beau être un ministre sympathique, sa façon de s’exonérer de toute responsabilité dans le scandale de son ex ministre délégué manque singulièrement de panache et de hauteur dans un dossier qui laissera de profondes cicatrices dans la mémoire des citoyens. S’accrocher coûte que coûte à son poste telle une moule à son rocher plutôt que de servir la démocratie en envoyant un signal symbolique salutaire constitue une faute politique grave. "Mosco" comme on le désigne couramment se revendique ni responsable, ni coupable, dans une dissimulation fiscale qui a pourtant échappée (au moins officiellement) à l’administration dont il a la "responsabilité", si ce mot veut encore dire quelque chose.
Connivences quand tu nous tiens. Sa défense pathétique repose sur le grand jeu de l’indignation et le soutien de personnalités reconnues dans le domaine des finances. Philippe Marini, le président de la commission des finances du Sénat, a ainsi donné, via Reuters, une sorte d’absolution en déclarant, qu’après analyse des documents, il n’avait pas d’élément pour incriminer monsieur Moscovici et encore moins la Direction générale des Finances publiques.
Même son de cloche, sans surprise cette fois, du rapporteur PS de la commission des finances de l’Assemblée. Christian Eckert, a ainsi assuré : "le rôle de l’administration fiscale et celui de Pierre Moscovici sont clairs et transparents, et sont juridiquement et moralement exempts de tout reproche".
Pas si simple. La demande d’entraide administrative fiscale adressée le 24 janvier par Bercy à la Suisse pour savoir si le ministre avait détenu un compte à UBS entre 2006 - limite de la prescription fiscale - et 2013 a donc mis 45 jours pour être rédigée. Pour un dossier aussi chaud c’est un délai qui paraît long, volontairement long. Peut-être dans le dessein de gagner du temps, est-on en droit de s’interroger.
La Suisse, qu’on a habituellement l’habitude de railler sur sa supposée lenteur, a répondu par la négative dès le 31 janvier. Mais là où il y a un véritable problème, c’est dans la formulation de la requête.
On ne peut trouver que ce qu’on cherche. "Pourquoi la demande du ministre de l’Économie et des finances, Pierre Moscovici, ne visait-elle que la détention d’un compte à UBS, alors que le nom de la banque Reyl était dans l’air depuis un mois et demi ?" s’interroge Alexis Favre, le journaliste du Temps.
La réponse à sa propre question est directe. "On sait désormais que, si la demande d’entraide avait aussi visé un compte chez Reyl, la réponse aurait été positive et aurait précipité la chute de Jérôme Cahuzac : son compte, ouvert en 1992 à UBS, a été transféré en 1998 chez Reyl, où il est resté ouvert pendant onze ans".
Autre source de malaise relevée par nos amis Helvètes : pourquoi la France n’a pas envoyé de demande d’informations à Singapour ? "La France fait une demande à la Suisse sur des éléments prescrits alors qu’à Singapour, ça n’est pas prescrit. C’est quand même bizarre…" conclut Alexis Favre.
On est certes toujours plus intelligent a posteriori mais, en l’espèce, Bercy a soit fait preuve d’amateurisme soit, de manoeuvres dissimulatrices. Quand on joue avec des allumettes on prend le risque de se brûler. Si Pierre Moscovici veut rester à son poste, il faut qu’il fasse le jour sur les zones d’ombres d’un dossier qui est loin d’être clos.
Henry Moreigne
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