Amato Kosovo
il manifesto, samedi 30 avril 2005
L’alarme vient de la commission internationale indépendante des Balkans, conduite par Giuliano Amato, qui a présenté hier à Rome un rapport - déjà proposé à Bruxelles le 12 avril dernier- sur le Kosovo qui est encore, du point de vue du droit international une région de la Serbie dont, cependant, les dirigeants albano-kosovars, après la « victoire » de l’Otan en 1999, demandent l’indépendance immédiate.
Le voici : les incidents de mars 2004 -les pogroms anti-serbes- représentent « le signal le plus fort que la situation puisse encore exploser » au Kosovo. Là bas, c’est mars depuis toujours, depuis juin juillet 1999, après la paix de Kumanovo, avec des milliers de serbes et de roms tués et desaparecidos, 200 000 serbes chassés, 150 monastères et églises orthodoxes détruites pour réécrire l’histoire de la présence culturelle dans la région contestée. Mais le rapport Amato ne fait pas mention de cette « continuité » sanglante. Cependant l’accusation n’en est pas moins impérative parce que « la communauté internationale a clairement failli dans ses efforts pour apporter la sécurité et le développement de la province », parce qu’un Kosovo multiethnique, tout simplement « n’existe pas » et l’administration Unmik-Onu « a eu diverses occasions d’être active dans la recherche d’une politique qui puisse interrompre les discriminations au Kosovo », sans que cela n’advienne et même si « la faillite de l’action de l’Unmik peut être expliquée, elle ne peut cependant pas être tolérée ».
De fait, aujourd’hui encore les serbes du Kosovo « vivent emprisonnés dans leurs enclaves sans liberté de mouvement, sans travail et sans aucune espérance d’une pleine intégration dans la société du Kosovo ». Pour le rapport, la position de la minorité serbe au Kosovo sera maintenant l’indicateur principal « de la volonté et de l’habileté de l’Europe à appliquer sur le terrain ses propres valeurs ». En commençant par le fait que la majorité albanaise du Kosovo « doit recevoir un message clair que l’usage de la violence est le pire ennemi de leurs rêves d’indépendance » de Belgrade. Des accusations aussi explicites sont rarement émises. Souvenons-nous seulement du Conseil de sécurité de l’ONU en décembre 99 qui accusait de « contre épuration ethnique » la majorité albanaise kosovar, avec « les victimes devenues bourreaux ». Ne manque que se demander une fois pour toutes à quoi a servi la terrible guerre de bombardements aériens qui dévasta l’ex-Yougoslavie pendant 78 jours. On en profite pour décharger toute la faute sur l’ONU-Unmik -qui certes a de graves responsabilités-, en oubliant celle de l’OTAN qui a été pendant ces six années de fermer les yeux sur la nouvelle purification ethnique contre les serbes. Mais l’accusation est grave et lourde.
Il devrait en résulter un discours alternatif à l’indépendance, et un point de vue autocritique sur les Balkans dévastés par les guerres ethniques et les nationalismes mais aussi par les reconnaissances, amorcées par l’Europe en 91-92, d’indépendances autoproclamées sur la base de raisons ethniques. Et au contraire, non. Le rapport lance une incertaine road map vers l’indépendance du Kosovo en quatre points, tout en reconnaissant que ça ne résoudrait pas tous les problèmes territoriaux de la région : ça les aggravera en fait en Bosnie et en Macédoine où, en ce point, les minorités serbes, croates et albanaises vont exploser pour « leur » indépendance. Tout en craignant que l’indépendance soit « imposée à Belgrade » parce que, dit aussi le rapport, « au Conseil de sécurité, la Chine et la Russie y seraient très opposées ». Pendant que Rugova insistait à Pristina sur l’indépendance, à Belgrade le président pro-occidental Boris Tadic, interviewé par Il Corriere della Sera, répétait au nom vraiment de toute la Serbie : « Non à l’indépendance ».
Voici donc les quatre étapes pour l’indépendance du Kosovo : premièrement, acceptation de la séparation de fait ; deuxièmement, indépendance sans souveraineté, qui verrait la reconnaissance du Kosovo comme entité indépendante en 2005-2006, avec un protectorat qui passerait de l’ONU à l’UE, le retour des réfugiés et les droits de propriété, plus un accord spécial pour Mitroviça et des primes pour les enclaves serbes ; troisièmement , le statut de candidat à l’adhésion et des négociations avec Bruxelles ; quatrièmement, l’absorption dans l’UE.
Les négociations sur le statut du Kosovo devraient commencer d’ici l’été. Le rapport Amato photographie ce qui existe. Mais dépose la photo sur la pierre tombale des Balkans.
Tommaso De Francesco
– Source : http://abbonati.ilmanifesto.it
– Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio