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Le gouvernement a vendu, pour 100 millions d’euros, à un fonds d’investissement, un immeuble de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.








Un patrimoine des retraités détourné



L’ humanité, 26 décembre 2006.



Sécurité sociale. Le gouvernement a vendu, pour 100 millions d’euros, à un fonds d’investissement, un immeuble de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.


L’affaire était belle. Le service des domaines du ministère des Finances, en charge des biens immobiliers de l’État, la présentait ainsi dans les petites annonces du Figaro daté du 18 septembre : « Remarquable ensemble immobilier de bureaux commerciaux 25-27, rue d’Astorg, Paris 8e. Par son emplacement : au coeur du 8e arrondissement. Par sa superficie : plus de 11 500 mètres carrés. Par son aspect architectural : belle construction édifiée dans les années trente, avec très grand hall d’entrée style art déco. » On ne s’étonnera donc pas, dans le contexte actuel du marché parisien de l’immobilier, que, au bout de deux mois seulement, cette belle bâtisse des beaux quartiers de la capitale ait trouvé preneur. Et il n’y aurait pas lieu de s’y attarder si ce bien-là n’était d’une nature un peu particulière, si cette vulgaire transaction ne dégageait un parfum de scandale.


Rappel historique

A l’origine, le 25-27 rue d’Astorg était propriété d’une caisse de retraite, la CAMR, régime spécial des agents des chemins de fer secondaires. Celui-ci, qui l’avait acquis dans les années trente, l’a occupé jusqu’en 1992, date à laquelle le gouvernement de l’époque, considérant l’évolution démographique de ce secteur d’activité (quelques dizaines d’actifs pour 30 000 retraités), a décidé l’intégration du régime à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Non sans faire grincer des dents de ce côté-là  : la CNAV héritait en effet de frais de gestion supplémentaires. Un temps, ses administrateurs espèrent recevoir en contrepartie le patrimoine immobilier de la CAMR. Espoir vite douché : par décret daté d’août 1993, le gouvernement décide « d’affecter à titre définitif » l’immeuble de la rue d’Astorg au ministère de la Santé et des Affaires sociales. Il consent seulement à ce qu’il soit attribué à la CNAV en « dotation » : en clair, le régime général de retraite peut occuper les lieux à titre gracieux... aussi longtemps que les pouvoirs publics le voudront bien. Ainsi, dans une relative discrétion, un véritable forfait est signé : l’État met la main sans vergogne sur un bien acquis, financé par les cotisants d’une caisse de retraite. L’opération est officiellement justifiée par la contribution financière apportée par l’État à l’équilibre des comptes du régime spécial des chemins de fer secondaires. Mauvais alibi : en réalité, en versant à la CAMR, comme à d’autres caisses en situation de déficit pour raisons démographiques, une « subvention d’équilibre », il n’a pas fait preuve d’une générosité particulière mais simplement respecté la loi, accompli son devoir de solidarité envers des régimes spéciaux en difficulté.

Depuis 1993, la CNAV « digérait » tant bien que mal le mauvais coup en utilisant les locaux de la rue d’Astorg pour abriter plusieurs de ses services centraux, trois agences locales et un point d’accueil retraite très fréquenté par les assurés de la zone (18 000 visites l’an dernier). Au total, une centaine de salariés, sur une superficie de 2 000 mètres carrés. Le reste des bureaux étant occupés par des services du ministère de la Santé et des locataires privés. La CNAV assurait la gestion de l’ensemble, y compris les travaux d’entretien et les investissements nécessaires, réalisés à ses seuls frais, estimés à plusieurs millions d’euros.

Plus dur, du coup, sera le choc pour les administrateurs du régime de retraite lorsqu’ils se verront soudain notifier, en mars dernier sans concertation préalable, la décision du ministère de vendre la « rue d’Astorg ». Ce dernier invoque l’application de la nouvelle « politique immobilière de l’État » qui pousse à des « regroupements d’administrations » et, au final, à des cessions de biens (voir article en page 3). Il ne laisse aucune place à la discussion : la vente aura lieu « avant la fin de l’année » 2006, la CNAV a un an pour trouver refuge ailleurs pour ses services. La présidente de la caisse, Danièle Karniewicz, rappelle, en vain, au ministère son « engagement, en contrepartie de la reprise du régime spécial des chemins de fer secondaires, de laisser à la CNAV l’usufruit de l’immeuble d’Astorg par le biais d’une dotation ». Les administrateurs, le personnel, les syndicats unanimes font valoir que le déménagement forcé des services de la caisse entraînerait des frais de location d’autres locaux qui s’élèveraient à « plus d’1 million d’euros » par an, vu les tarifs en vigueur dans le secteur. Qu’il la priverait aussi de revenus conséquents : les loyers perçus des autres locataires privés d’Astorg, qui s’élèveraient à près d’un million d’euros annuels. Enfin, et peut-être avant tout, que la vente de l’immeuble par l’État à son seul profit consacrerait le hold-up virtuel commis en 1993. Un hold-up dont on sait officiellement depuis quelques jours le montant : la « rue d’Astorg » a été vendue 101,2 millions d’euros.


Addition sévère

De lourdes charges en plus, des revenus en moins, un patrimoine de la retraite détourné : l’addition est sévère, particulièrement au moment où la CNAV plonge dans le déficit et où, après la douloureuse réforme Fillon de 2003, d’aucuns, à droite et au MEDEF, préparent déjà les esprits à de nouveaux sacrifices en matière de pensions.

Dernier détail, pas le moins amer : le 25-27 rue d’Astorg a été acheté par la Compagnie immobilière Betelgeuse contrôlée par un fonds d’investissement européen, Orion Capital Managers, dont les affaires se chiffrent en milliards d’euros, et dont les actionnaires vont donc désormais tirer profit du bien historique des retraités des chemins de fer secondaires.

Yves Housson

- Source : L’ Humanité www.humanite.fr



Sans casque, ni bouclier : témoignage d’un ex-officier de police, par Regarde à vue.

Kouchner tel qu’en lui-même le 26 décembre sur France-inter, Gérard Filoche.




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