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En 1984, il était juif, en 2001 il était musulman...

Ben Laden, le "Goldstein" musulman.

"Il était le traître fondamental, le premier profanateur de la pureté du Parti." "quelque part, on ne savait où, il vivait encore et ourdissait des conspirations."

En 1984, il était juif, en 2001 il était musulman. Mais à part cette différence, les points communs entre ces deux personnages sont très nombreux. Pour ceux qui ne connaissent pas Emmanuel Goldstein, cet homme représentait à l’époque la figure symbolique du terrorisme souterrain, objet de la haine et du mépris de tous, éternel vaincu qui ne disparaît jamais. Personne ne sait s’il est vivant ou mort, ou même s’il a jamais existé. Mais il est définitivement indispensable à la propagande des membres du Parti, au moins dans le fameux livre d’anticipation «  1984 » de George Orwell. Cette personnalisation de l’ennemi, à travers une figure emblématique bien choisie, permet à un gouvernement désireux d’orienter la colère du peuple vers un autre responsable que lui-même, à la fois mystérieux et puissant, vicieux et indestructible.

Comme cette énigme "Goldstein", de nombreuses rumeurs courent au sujet d’Oussama BenLaden : on dit qu’il est mort il y a longtemps, ou qu’il était toujours agent du gouvernement des Etats-Unis, qu’un (ou des) sosies le remplaçaient, et même qu’il est encore vivant aujourd’hui....

"Mais l’étrange était que, bien que Goldstein fut haï et méprisé par tout le monde, bien que tous les jours et un millier de fois par jour, sur les estrades, aux télécrans, dans les journaux, dans les livres, ses théories fussent réfutées, écrasées, ridiculisées, que leur pitoyable sottise fût exposée aux regards de tous, en dépit de tout cela, son influence ne semblait jamais diminuée. Il y avait toujours de nouvelles dupes qui attendaient d’être séduites par lui. Pas un jour ne se passait que des espions et des saboteurs à ses ordres ne fussent démasqués par la Police de la Pensée. Il commandait une grande armée ténébreuse, un réseau clandestin de conspirateurs qui se consacraient à la chute de l’Etat. On croyait que cette armée s’appelait la Fraternité."

Personne ne sait réellement ce qu’il en est au sujet de "la base" (traduction d’al qaeda, sous réserve d’être confirmée par un spécialiste), sinon qu’on lui attribue un grand nombre de méfaits. A la question de Winston Smith (le héros du roman) "La Fraternité existe-t-elle ?", son tortionnaire O’Brien répond "Cela, Winston, vous ne le saurez jamais. Même si nous décidions de vous libérer après en avoir fini avec vous, et si vous viviez jusqu’à quatre-vingt-dix ans, vous ne sauriez encore pas si la réponse à cette question est Oui ou Non. Tant que vous vivrez, ce sera dans votre esprit une énigme insoluble."

Figure indispensable à la mise en place du «  choc des civilisations », on se demande pourquoi les dirigeants américains n’ont pas joué plus longtemps le jeu du «  Goldstein musulman », car en définitive il semble plus utile vivant que mort. Mais son «  immersion » précipitée, ainsi que les conditions obscures de son exécution, sont susceptibles de relancer les tensions vis à vis des musulmans. En laissant planer le doute sur sa mort «  véritable » et en laissant entendre que sa dépouille n’a pas été «  correctement » traitée, les Etats-Unis préparent peut-être ainsi le «  martyr Ben Laden », comme une figure légendaire immortelle correspondant mieux à ce qu’en souhaitent les partisans de la «  guerre perpétuelle », et destiné à faire de ce dernier le véritable Goldstein du roman, un éternel ennemi du Bien, immortel et... musulman.

Parfois, j’en viens presque à me demander si ce formidable roman d’anticipation, écrit en 1948, n’a finalement pas été détourné de son objectif premier, à savoir dénoncer l’autoritarisme pour servir de modèle aux tyrans actuels ou en devenir. Double-pensée quand tu nous tiens...

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

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COMMENTAIRES  

09/05/2011 11:08 par Fabrizio

On doit faire lire 1984 aux "proles", pour une prise de conscience générale, et ça aussi sera difficile car "Until they became conscious they will never rebel, and until after they have rebelled they cannot become conscious."

11/05/2011 13:08 par r_i_d

La ressemblance des personnages de Ben Laden et de Goldstein est apparente depuis des années, de même que le détournement évident de l’oeuvre de Orwell par ceux qui règnent sur le monde.

A mon avis, on a tué le personnage (je ne parle pas de l’homme) parce qu’il fallait bien qu’il meure un jour, et que ce jour-là semblait tout indiqué, cela pour des raisons qui nous échappent, mais au sujet desquelles on peut émettre quelques hypothèses.

Certains pensent qu’il s’agissait d’une manipulation destinée à manipuler l’opinion publique, à l’approche des prochaines élections présidentielles américaines.

Moi, je dis (mi-figue mi-raisin) qu’il s’agissait du cadeau de mariage de Washington pour le jeune prince anglais. L’ordre d’arrêter (?) Ben Laden aurait été donné le jour même du mariage... et puis, quelle pierre précieuse : Celle de l’homme le plus recherché (apparemment) depuis 10 ans !

C’est bien la tête d’un personnage effectivement inspiré par "Goldstein"-inventé par un anglais opposé au totalitarisme...

Et puis n’oublions pas que Ben Laden fut l’hôte des Afghans, qui ont fait subir aux Britanniques l’une de leurs pires défaites militaires... Tout ça, considéré ensemble, fait un EXTRAORDINAIRE présent.

En réalité, cette vaste farce (depuis les événements du 9/11 jusqu’à l’élimination brutale de Ben Laden) fonctionne entièrement comme la chambre 101 décrite par Orwell dans Mille neuf-cent quatre-vingt-quatre. Le "spectaculaire" est employé pour nous dresser (comme des animaux) à l’usage de la double-pensée, cette façon de tenir en pensée des vérités contradictoires.

Le "cerveau" des attentats du 9/11 est mort, mais il n’existe toujours aucune preuve qu’il était vraiment le cerveau, et nous ne verrons jamais le corps.

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