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Burqa : pourquoi ce débat maintenant ?

En 6 jours, un débat national est monté « en mayonnaise » sans rapport avec un fait d’actualité récent : provoqué le 17 juin par André Gerin, député-maire PCF de Vénissieux (Rhône) sollicitant « la création d’une commission d’enquête sur la pratique du port de la burqa sur le territoire national », puis repris par 64 parlementaires soutenant la demande, ensuite ce sont les ministres du gouvernement qui rentrent dans le débat...finalement Nicolas Sarkozy s’exprime sur la question le 22 devant le Congrès réuni à Versailles et soutient cette requête, en demandant une commission d’enquête parlementaire. 6 jours de débat médiatisé par la presse, la radio et la télévision...

Pourquoi cette polémique aujourd’hui, en pleine crise économique accompagnée de ses retombées désastreuses pour les masses populaires ? Pourquoi a-t-on fait de cette question un débat de politique intérieure qui occupe les esprits dans une situation internationale très tendue ?

Liberté de la femme, respect de la dignité de la femme, respect de la laïcité, ...voilà les mots prononcés... Les uns proposent de légiférer, les autres pas, mais tous, absolument tous, ont participé à cette opération médiatique dangereuse qui peut conduire à des dérapages sérieux !

Faisons la part des choses :

Le port de la burqa en France, c’est aujourd’hui un phénomène marginal, le débat lancé ne peut que contribuer à l’amplifier.

Le nombre de femmes qui mettent cette tenue n’est pas très élevé ; nous pouvons l’observer nous-mêmes dans nos quartiers, dans nos rues ; le Ministère de l’intérieur lui-même signale « qu’il n’est pas en grande expansion ». Une chose est sûre, le débat déclenché contribue à amplifier cette question en exacerbant le communautarisme, en isolant encore davantage ces femmes, même si on ne défend bien évidemment pas le port du voile, encore moins le voile intégral. Comme à l’époque du débat lancé tous azimuts sur le voile à l’école, une fois de plus, à travers cette polémique, on désigne les populations musulmanes...Même si le port de la burqa n’est pas une obligation de la religion musulmane, ce sont à nouveau les femmes musulmanes qui sont montrées du doigt.

Pourquoi braquer les projecteurs sur cette question qui divise à un moment où les licenciements pleuvent ? Pourquoi dresser les gens les uns contre les autres, quand on a besoin de nous unir pour faire face à tous ceux et celles qui veulent nous faire payer la crise ?

Des membres du gouvernement parlent de défense des droits des femmes, une fois de plus quel cynisme !

Parler de nos droits quand, à la veille de cette polémique, ces mêmes membres du gouvernement ferment les yeux devant la liquidation des 104 emplois des ouvrières d’Aubade, qui sont mises à la porte après de multiples restructurations. Multiplication des licenciements, augmentation du chômage, extension de la précarité, chute vertigineuse du pouvoir d’achat... Il faudrait rappeler à ces messieurs et ces dames que pour qu’une femme puisse se faire respecter, il lui faut un travail et un salaire lui permettant de vivre et d’être autonome. L’autonomie est essentielle pour lever la tête, rester débout et faire valoir ses droits. Ce sont les femmes des milieux modestes qui pâtissent le plus de ce manque d’autonomie étant les plus touchées par le chômage ; il les rend ainsi plus vulnérables à toutes sortes de pressions.

Xavier Darcos, ministre de l’Education Nationale, est favorable à l’interdiction du port de la burqa en France au nom de la laïcité, « la burqa est une oppression » dit-il.

On rêve ! Ce même ministre enlève les moyens à l’école publique, laïque, pour accueillir les enfants. C’est lui qui a lancé les réformes tendant à faire disparaître l’école maternelle en France, alors que chacun sait l’importance de l’éducation pour ouvrir les esprits des enfants à la tolérance, au respect de l’autre, au respect des femmes. Quand c’est aussi l’éducation dans l’école publique et laïque qui donne les mêmes chances aux filles qu’aux garçons. Et que dire de Nadine Morano, qualifiant elle aussi le port de la burqa « comme une soumission de la femme ». Et elle met en place des jardins d’éveil, risquant de remplacer à terme les maternelles : déjà , des écoles privées confessionnelles se portent candidates pour les installer dans leurs locaux ! Or, c’est la socialisation des enfants, filles comme garçons, garantie par l’école publique, gratuite dès le plus jeune âge, qui leur permet de s’éveiller.

La proposition d’interdire le port de la burqa sur la voie publique s’inscrit dans un contexte de développement de la répression et de limitation des libertés démocratiques.

Il s’agit d’interdire une tenue vestimentaire à des femmes adultes. Cette proposition d’interdiction arrive à la suite d’une série de mesures et d’actes répressifs de plus en plus préoccupants telles que la répression et la criminalisation de la protestation sociale, la fouille des cartables au collège, les arrestations d’enfants, un fichage de plus en plus généralisé. Nous nous retrouvons devant une proposition d’interdiction d’une tenue vestimentaire dans la rue, c’est un pas supplémentaire de restriction des libertés individuelles !

Ce débat ne prépare-t-il pas les esprits à l’intensification des combats des troupes françaises en Afghanistan ?

Ce débat est lancé au moment même où l’engagement de la France en Afghanistan s’est renforcé, où elle réaménage son dispositif militaire en renforçant la présence des troupes dans les zones où se déroulent les combats, moment aussi, où elle s’apprête à envoyer plus d’hélicoptères cet été. C’est la médiatisation de la situation au Pakistan et en Afghanistan au moment de l’occupation de ce pays par les USA, réalisée par les troupes de l’OTAN, qui a fait connaître le port de la burka.

L’oppression des femmes afghanes a servi de justificatif à l’envoi de troupes impérialistes dans ce pays. Après avoir détruit durablement l’Afghanistan, bombardé les populations, livré le pays aux seigneurs de guerre qui ont poussé la société afghane vers le chaos, après avoir enfoncé la majorité des femmes dans la misère et la pauvreté, le seul droit qu’elles ont gagné, c’est celui de vivre des situations d’insécurité totale ! La situation de la grande majorité des femmes afghanes s’est aggravée, et le droit fondamental qui est le droit à la vie a été bafoué. Ce ne sont pas les troupes impérialistes en Afghanistan qui feront reculer le port de la burqa.

Une loi en France qui interdirait la burqa ne résoudra en rien le problème, bien au contraire.

L’interdiction de la burqa ne fera qu’enfermer un peu plus les femmes... en effet, si elles n’ont plus le droit de la porter dans la rue, elles seront alors condamnées à rester chez elles et donc à couper tout lien social avec l’extérieur qui pourrait enfin les pousser à ôter la burqa d’elles-mêmes. Lorsque ces femmes vont chercher leurs enfants à l’école, elles rencontrent d’autres femmes, des institutrices qui les amènent à discuter. Voir ces femmes enfermées dans ce voile fait mal au coeur, pousse à la révolte... mais encore une fois, c’est un travail de fond qu’il faut faire avec elles et l’interdiction ne les poussera pas du jour au lendemain vers un nouveau regard sur la religion et le monde qui les entoure.

Cette loi ne libèrera pas ces femmes, loin de là .

Le Comité national
Le 23 juin 2009

Organisation de Femmes Egalité
Adresse postale : Foyer de Grenelle, 17 rue de l’Avre 75015 Paris Tél 06282 56282
femmesegalite@yahoo.com
http://www.femmes-egalite.org

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