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Comment RSF et Ménard nous enfument avec le Qatar

Avec Ménard, la vérité est toujours ailleurs. Comme souvent, il nous enfume. Comptons sur les médias pour l’y aider. Grâce à eux, pour qui l’information est de donner toujours la parole à Ménard et jamais à ses détracteurs qui percent à vif ses mensonges, l’opinion sera bientôt persuadée qu’un Chevalier Blanc a claqué la porte d’une dictature, mais elle ne s’étonnera jamais qu’il y soit entré. Et nul journaliste ne lui demandera ce qu’il était allé faire dans cette galère, combien il était payé et pourquoi il lui a fallu plus d’un an et demi pour découvrir sur le Qatar ce qu’il aurait appris par la simple consultation de Wikipédia ou du Guide du Routard, ce support publicitaire de RSF.

Robert Ménard n’est plus patron de RSF depuis septembre 2008. Officiellement, il a démissionné. Son successeur, Jean-François Julliard, a chaussé ses pantoufles après quelques ajustements nécessaires pour la diversion.

De quels ajustements s’agit-il ? D’abord, RSF ne s’interdit plus de dire un mot sur l’état des médias en France. Un mot prudent qui n’est cependant pas suivi d’effet : aucun combat d’envergure n’est prévu pour dénoncer la mainmise des puissances d’argent sur les médias et sur la mise sous tutelle des télés par le président Sarkozy.

Ensuite, RSF s’autorise de petites impertinences envers son grand ami états-unien. Par exemple, elle vient enfin de demander la libération du journaliste Mumia Abu-Jamal.

Relisons ce dialogue de Robert Ménard avec un internaute lors du forum en ligne organisé par le Nouvel Observateur le 22 octobre 2004 :

« Internaute : « Un journaliste noir Américain, Mumia Abu-Jamal est en prison au USA depuis plus de 20 ans pour un crime dont il est innocent. Pouvez-vous préciser l’action que RSF a menée pour sa libération ? »

Robert Ménard : « Nous n’avons rien fait et nous ne ferons rien. Il ne s’agit pas d’une affaire de liberté de la presse. »

Aujourd’hui, RSF s’intéresse à ce journaliste encagé aux USA. Mais avec 20 ans de retard ! Le sort de ce prisonnier a ému l’opinion internationale qui a su empêcher par deux fois son exécution, en 1995 et en 1999 quand RSF se taisait ! On peut s’attendre à voir cette fausse ONG s’agiter à présent sur cette affaire, en taisant son silence coupable quand la mort rôdait autour de la cellule d’un innocent. Attendons-nous aussi à ne pas entendre les journalistes reprocher à RSF sa longue désertion d’un combat planétaire.

Pour le reste, les têtes de Turc de RSF restent les mêmes, en premier lieu Cuba et le Venezuela.

Qu’est devenu Robert Ménard ?

D’abord, il a été décoré de la Légion d’Honneur sur proposition de Bernard Kouchner, un ponte du PS passé chez Nicolas Sarkozy et époux de Christine Ockrent, membre du conseil d’Administration de RSF. Puis, il a été promu au rang de président d’honneur de RSF.

L’homme serait donc doublement « honorable » ? Voyons cela.

Après son départ de RSF, il a caressé un moment l’espoir de se lancer en politique (européennes ou mairie de Béziers). Mais, sur intervention de la plus influente des épouses de l’émir du Qatar, il est parti travailler pour ce dernier avec mission, grassement payée, de diriger un centre d’accueil pour journalistes à Doha.

L’aventure ne durera que quelques mois. En juin 2009, la fébrilité s’abat dans les salles de rédaction avec une pluie de communiqués : Robert Ménard quitte le Qatar à cause de la censure.

« Le 1er mai, le Centre de Doha avait déclaré que les médias au Qatar et dans la région étaient censurés et soumis à des lois restrictives".

Ménard ne le savait pas avant ? Moi, je l’avais écrit dès qu’il a annoncé qu’il allait être salarié de cette dictature. Il ignorait que la loi qatarie (découlant de la charia) interdit, entre autres, de critiquer le monarque ?

Et qui croira qu’il a eu des ennuis pour être passé outre cet oukase.

Quand a-t-il critiqué sa dictature d’accueil ? Quelle est la teneur exacte de ses supposées critiques ? Ménard a-t-il dit ou écrit que le Qatar est une monarchie polygame, misogyne, où se pratiquent la torture, la flagellation, la peine de mort, un quasi-esclavagisme des travailleurs immigrés ? Que nenni !

La muselière d’argent.

D’ailleurs, par quel miracle Ménard aurait-il fait là -bas ce qu’un principe intangible l’a toujours empêché de faire ici ? Relisons son livre « Ces journalistes que l’on veut faire taire » (Albin Michel, mars 2001) : « Nous avons décidé de dénoncer les atteintes à la liberté de la presse en Bosnie et au Gabon et les ambiguïtés des médias algériens ou tunisiens…mais de ne pas nous occuper des dérives françaises ».

Et aussi : «  Pour défendre les journalistes dans le monde, nous avons besoin du soutien consensuel de la profession, tandis que la réflexion critique sur le métier de journaliste prête par définition à polémique. Comment, par exemple, organiser un débat sur la concentration de la presse et demander ensuite à Havas ou à Hachette de sponsoriser un événement ? »

Toujours Ménard, le 10 avril 2008, lors de l’émission « Arrêt sur Images » de Daniel Schneidermann sur France 2 : «  Comme patron de RSF, je m’abstiendrai d’écrire ce que je pense des médias français ».

Il n’est pas difficile de traduire le credo taillé dans le granit : Ménard veut bien défendre les journalistes, mais uniquement hors du pays qui le sponsorise. C’est cette doctrine qu’il a appliquée au Qatar, jusqu’à ce que son échec dans l’obtention du pouvoir personnel sur le Centre le pousse à partir en invoquant (les démocrates ont failli attendre) la liberté.

Le prétexte est consternant en ce qu’il contredit tout ce que répète depuis 23 ans RSF sur son rôle ou plutôt son absence de rôle en France (voir plus haut) :

La défaite de Ménard Iznogoud.

«  Mais certains responsables qataris n’ont jamais voulu d’un Centre […] libre de critiquer le Qatar lui-même : or, comment être crédible si l’on passe sous silence les problèmes dans le pays qui vous accueille ? »

Et le nouveau chef de RSF, digne émule de Ménard qui l’a mis en place, de surenchérir : « Robert Ménard et son équipe ont été pris à partie dès lors qu’ils ont dénoncé les manquements à la liberté de la presse au Qatar. C’était pourtant le préalable à la crédibilité de ce centre. »

N’existe-t-il pas le même « préalable à la crédibilité » de RSF en France ?

La vérité sur la fuite du Qatar est dans le fiasco de la tentative ménardienne de devenir calife à la place du calife, c’est-à -dire dictateur dans ce Centre de Doha comme il le fut à RSF (selon le qualificatif que lui décerna Rony Brauman). L’obstacle, difficile à phagocyter, fut le patron d’Al Jazeera, parent de l’émir et membre du C.A. du Centre.
L’autre vérité est qu’il y a eu des problèmes de gros sous, le budget annoncé n’était pas entièrement versé et Ménard n’était pas libre de son usage. Lisons ce qu’il dit : « J’étais prêt à des compromis tant que l’essentiel -les aides distribuées, nos prises de position- était sauf. Ce n’est plus le cas ». « L’essentiel » : l’argent d’abord, puis les coudées franches.

Le Centre de Doha (où les hommes sont séparés des femmes) a été créé en décembre 2007. Sans attendre que Ménard y prenne ses fonctions en avril 2008, l’Emirat a aussitôt commencé à subventionner RSF à hauteur de dix mille dollars par mois. Entre la date de la création officielle de ce Centre et le jour où il est apparu que le représentant de l’Emir lui disputait son autorité tandis que l’arrivée des dollars se faisait attendre et que leur utilisation était contrôlée, Ménard s’accommodait de l’absence de démocratie dans ce pays. Mieux, il tenait des propos flatteurs sur le « seul pays arabe où l’on peut créer un tel Centre pour la liberté ».

Il a commencé à protester quand il a compris qu’il ne serait jamais le seul maître à bord, à la tête d’un budget annuel de 3 millions de dollars.

Ce ne sont donc ni les intérêts des journalistes, ni leur liberté qui motivent ce coup d’éclat, mais l’ambition contrariée de Ménard. L’homme ne tolère ni contestation, ni partage du pouvoir, ni transparence financière ainsi qu’il nous le montra à la tête de RSF en dissimulant aussi longtemps que possible des ressources financières provenant de paravents de la CIA et en organisant l’opacité dans ses comptes publics.


(Une partie des informations de cet article sont puisées dans mon livre-enquête : « La face cachée de reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone ». Ed Aden).

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