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Connaissez-vous Olivier Dussopt ?

Et ce qu’il se passe dans sa tête ?

Par Nicolas Framont, pour le site Frustration

Franceinfo, a diffusé le lent et laborieux discours d’un homme, hésitant, la voix chevrotante, qui déclare que si la réforme des retraites va permettre aux gouvernements d’économiser 18 milliards pour l’investir ailleurs (sans préciser où, il n’allait pas dire “l’armée” ou “le patronat”), elle comporte de nombreux volets sociaux. Et ce monsieur d’égrener les différents mensonges, depuis debunkés par les réseaux sociaux et la presse : une meilleure prise en compte des carrières longues, une revalorisation de la pension minimale et autres fumisteries. Mais qui est ce type qui ment effrontément devant plusieurs radios et chaînes de télévision, lors d’une conférence de presse ? C’est Olivier Dussopt, le ministre du Travail. Charisme d’une huître et capacité à mentir sans scrupules, sourire en coin, sûr de son bon droit à nous en mettre plein la tronche. Et soudain, je me demande : “mais qui est ce mec ?

Contrairement à l’immense majorité des ministres du gouvernement, Olivier Dussopt ne vient pas d’un milieu bourgeois. Il n’a pas le profil d’un Bruno Le Maire, gosse tellement à l’abri du besoin qu’il a fait des études jusqu’à 29 ans, ou d’un Macron, qui raconte comment, lycéen, il touchait 1 000 euros par mois et avait donc aussi connu les galères de la street. Répondant à un ouvrier lui reprochant de ne rien connaître à la vie pour prôner un âge de départ plus tardif à la retraite, Olivier Dussopt racontait, le 19 janvier sur BFMTV, venir d’un milieu ouvrier et avoir bossé au 3×8 tous les étés pour financer ses études.

Comme Gérald Darmanin, Olivier Dussopt vient effectivement d’un milieu populaire. Ce sont des “transfuges de classe”, dirait-on dans un podcast parisien, et ils exécutent dans le plus grand des calmes des politiques antisociales dont leurs familles seront les premières victimes. L’un vient de la droite, l’autre du Parti Socialiste. Ils travaillent désormais main dans la main pour Macron. Ce serait perturbant si on ignorait ce que la politique professionnelle fait aux gens.

Comment ça se passe ? D’abord, vous devenez militant, le plus souvent pendant vos études. Dussopt était militant au Mouvement des Jeunes Socialistes dans les années 2000, mais il aurait pu être à l’UNEF à la fac, ou aux Jeunesses Populaires de Nicolas Sarkozy. Les mouvements de jeunesse ou certains syndicats étudiants sont les pouponnières des partis politiques. On y apprend très tôt l’affrontement fratricide et une certaine forme de cynisme : “la fin justifie les moyens”. Les jeunes sont les faire-valoir des plus âgés : ils agitent les drapeaux derrière les candidats pendant les meetings, sont chargés de tout un tas de tâches ingrates mais qu’ils se rassurent, leur heure viendra.

C’est sans doute dans cet objectif que Dussopt a étudié dans un Institut d’études politiques, lieu d’où provient l’essentiel de notre personnel politique. Il n’a pas fait Sciences Po Paris, comme son patron Macron, mais un IEP de province, nettement moins coté. Dussopt n’a donc pas pu avoir le parcours fulgurant des ministres d’origine bourgeoise comme Macron, Le Maire ou Agnès Pannier-Runacher : Sciences Po puis haut fonctionnaire puis dirigeant d’une grosse entreprise publique puis privée… Non, Dussopt a le profil du besogneux de la politique, ce genre de type qui s’est présenté à des dizaines d’élections pour arriver là où il se trouve.

Quiconque s’est approché de la politique locale sait que les rapports humains n’y sont pas plus apaisés qu’au niveau national. Chaque ville connaît sa clique de politiciens qui se connaissent et s’affrontent depuis des décennies. Il est souvent bien plus question de rivalité de pouvoir que de divergences d’opinions politiques. En matière d’opinion, Dussopt est le genre de gars qui n’a pas hésité à faire le grand écart, tantôt, au PS, partisan de Hamon et Mélenchon (en votant la même motion qu’eux en 2008, défenseur de Martine Aubry (dont il est le porte-parole en 2011) puis super ami de Valls (qui tenta en vain de le faire entrer au gouvernement sous Hollande, nous dit la page Wikipédia de Dussopt).

Les idées politiques sont très secondaires pour des gens comme ça. Plus ils mûrissent en politique, plus ils apprennent que pour gagner, il faut y mettre les moyens et “faire des compromis”. Pour avoir fréquenté ce milieu de près, je sais que nombre de ses membres, en particulier masculin, sont des fans absolus des séries politiques de type House of Cards ou Baron Noir. Dans ce genre de série, les héros sont des personnages astucieux, qui savent mettre leurs convictions de côté – ou ne pas en avoir du tout – pour parvenir au pouvoir. Les politiciens voient cela comme une compétence : être capable de soutenir la bonne personne au bon moment, l’abandonner si ça tourne mal, rester toujours dans les bons cercles… C’est avant tout cela, être un bon politicien.

Si les retournements peuvent sembler brutaux, c’est que tous ces gens sont dépendants de leur survie politique. Si la politique est parfois rude – il faut assister à des réunions le soir, ne plus avoir de vie sociale, parfois de vie affective – elle rend profondément addicts celles et ceux qui y prennent part pendant des années. Et plus ils y passent de temps, plus le retour à la vie civile leur semble inconcevable. C’est pour cela que ces gens s’accrochent à leurs mandats comme des huîtres. Après des décennies à vivre ainsi, ils ne vaudraient d’ailleurs plus un kopeck dans un boulot normal.

Pour ces gens qui vivent de la politique, l’électeur est un outil, pas une personne réelle auprès de qui on s’engage. C’est pourquoi Dussopt n’a eu aucun scrupule, quelques mois après avoir été élu député socialiste, en juin 2017, à trahir son groupe parlementaire pour rejoindre le gouvernement Macron comme secrétaire d’Etat. Et ce, trois jours après avoir voté contre le budget présenté par le gouvernement ! Pire qu’une girouette : une toupie.

Les députés et ministres ont-ils le syndrome de l’imposteur ? A priori pas. La plupart d’entre eux sont issus de la bourgeoisie, classe sociale qui se glorifie depuis des siècles du vol du travail des autres. Aussi le complexe d’usurpation ne fait pas partie de leur éducation.

La vie politique (mais aussi celle des entreprises) fonctionne souvent avec des duos bourgeois ambitieux / petite main médiocre. Macron applique ce principe de façon méticuleuse : il s’entoure de ministres peu charismatiques, parfois même ridicules (“travailler en usine c’est pour la magie han”), et n’hésite pas à leur en mettre plein la tronche dans la presse pour se défausser sur eux. Les leaders politiques ont par ailleurs besoin de s’entourer de gens dotés d’une faible personnalité et aux convictions très limitées pour devenir celui à qui ils doivent tout, de façon à pouvoir le suivre dans tous ses reniements sans broncher. Ils s’assurent ainsi de leur fidélité à toute épreuve. Sans Macron, Dussopt serait resté un élu socialiste, ce parti pourrissant dans des embrouilles internes et des bourrages d’urnes. Il se serait accroché à sa mairie d’origine, Annonay (en Ardèche), mais sans rallier les macronistes (ou la NUPES, s’il avait été plus calculateur). Il aurait pu finir à 50 ans sans mandat du tout, obligé de se trouver un taf. Ouf : ce cas de figure n’arrive à peu près jamais, rassurez-vous.

Dussopt est arrivé à l’apogée de sa carrière de sous-fifre de la politique bourgeoise : imaginez, il défend un projet de loi que les trois quarts de ses concitoyens rejettent. Il doit aller dire, sur des plateaux TV, à des aides-soignantes et des ouvriers usés qu’ils doivent bosser plus longtemps. Dans une réunion publique dans le Val-de-Marne, à un buraliste qui lui dit : “j’ai treize trimestres manquants en ayant travaillé depuis mes 18 ans, car mes bénéfices n’étaient pas assez importants. Je vais finir à 67 ans alors que certaines années, j’ai travaillé comme un chien !”, Dussopt répond “Ah oui, pas de chance…”.

Comment fait-on pour tenir à ce régime-là ? Tout simplement en ne faisant plus partie des classes laborieuses et de la majeure partie de la population. En devenant député, secrétaire d’Etat, ministre, vos revenus font de vous un membre des 1 à 3% les plus riches. Votre univers social se réduit aux beaux quartiers parisiens. Quand vous visitez un hôpital, une usine ou un EPHAD, une armée d’agents de sécurité et de cadres aux petits soins fait en sorte que le spectacle auquel vous assistez soit le plus ordonné possible. Il est rare que ces visites “en immersion” dérapent. Vos amis sont des politiques comme vous, des journalistes ou des patrons. Et bonus : ces derniers vous font des petits cadeaux : en 2020, Mediapart révélait que quelques années plus tôt, Olivier Dussopt, alors maire d’Annonay, s’était fait offrir des œuvres d’art par le gestionnaire d’une société de distribution d’eau avec lequel il avait ensuite signé un contrat pour sa commune. Ça alors, sacré coïncidence. Cette petite histoire, partie émergée de l’iceberg de la corruption douce que vivent nos élus au quotidien, nous rappelle que si Dussopt a passé une heure assez désagréable avec des travailleurs qui crient leur désespoir, il peut toujours se faire consoler par les hauts fonctionnaires, patrons, rentiers qu’il fréquente le reste du temps et qui trouvent ça très bien eux, la réforme des retraites !

Il faut aussi parler de tous ces collaborateurs parlementaires, conseillers ministériels qui sont un petit personnel au rôle particulier, une moitié composée de gens sincères en burn-out et l’autre moitié, d’ambitieux sans scrupules dont le statut précaire (ils sont jetables au moindre désaccord) et l’envie de parvenir les pousse à combler leurs députés ou ministres d’éloges. “J’ai été bien ?” demande tel député à sa cheffe de cabinet après un passage à BFM. “Tu as été très bon Michel, bravo !”.

Les trois quarts des Français les détestent mais 100% de leurs employés les trouvent hyper bons. Forcément, ça fausse les sondages.

C’est ainsi que Dussopt est le porte-parole satisfait de la réforme des retraites. Un allongement de l’âge de départ pourtant si cruelle socialement dont on pourrait dire qu’elle est “doublement injuste. D’une part, elle écarte d’emblée la recherche d’autres recettes, notamment la mise à contribution de l’ensemble des revenus et en particulier de ceux issus du capital. […] D’autre part, […] à la précarité et au taux de chômage historique qu’ils connaissent, vous allez ajouter l’infliction d’une double peine aux moins de trente ans en éloignant toujours plus le moment de leur départ en retraite”.

Qui a dit ça ? Olivier Dussopt, en 2010. Vivement ta chute.

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