RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Critique de “ Germinal ”

D’après Truffaut, Berri n’était pas un « cinéphile », mais un cinéaste qui « [puisait uniquement] à la source », « à la vie elle-même », c’est-à-dire dans ses origines, là où son père, immigré juif polonais et fourreur, votait communiste. Si son passé occupe une place si importante dans son œuvre, les sujets qu’il traite ne sont jamais « démodés », en un sens, d’un point de vue politique : un an après Maastricht, Germinal (1993), adapté du roman éponyme d’Émile Zola, ramène sur le devant de la scène des questions de lutte des classes : qu’est-ce qui a changé, entre cette époque si lointaine (XIXème siècle), et maintenant ? Comment la classe ouvrière va-t-elle subir les effets du traité de Maastricht ?

Une autre question nous vient à l’esprit : à qui Berri s’adresse-t-il en particulier ? La réponse nous est plus ou moins révélée, notamment par la distribution, dans laquelle on retrouve des vedettes populaires comme Renaud (petit-fils de mineur), connu pour sa sympathie à l’égard des opprimés, Depardieu, Miou-Miou. Ou encore l’outro, certes très académique, mais porteuse d’espoir, qui appelle « [l’]armée noire [et] vengeresse » (le prolétariat) à « faire éclater la terre » (syntagmes tirés de la dernière phrase de Germinal, lus en voix off par dessus le plan fixe d’un horizon teinté d’une aube engourdie).

Ce qui ne fait pas du tout du film un tract. Loin de là. Au contraire, il a tendance à rester à la surface des réels problèmes qui agitent les protagonistes – certains personnages, comme celui de Miou-Miou, en viennent à devenir des caricatures qui, par conséquent, peinent à donner du volume aux plans, souvent voulus très (trop ?) dramatiques, comme celui où Maheude (jouée par Miou-Miou) découvre le cadavre de Catherine. Berri esquisse, par moments, la dialectique du risque de l’engagement politique d’une part (les mineurs feront grève) et de sa nécessité d’autre part, mais sans en dégager de nerf sensitif qui permettrait la création d’une quelconque tension. D’autant qu’en parallèle, l’évolution des relations sentimentales entre les personnages n’apparaît très souvent qu’en filigrane, offrant par moments des scènes assez saugrenues (on pense en particulier au triangle amoureux entre Catherine, Etienne et Chaval et à la relation entre Pierre et Cécile).

Néanmoins, Berri dévoile avec clarté la barricade qui oppose les bourgeois aux prolétaires : on est « invité » chez les uns comme chez les autres à voir le fossé qui les sépare, les met en conflit, avec une sympathie marquée envers la classe ouvrière dont la vie est généreusement présentée. Par ailleurs, la construction de ce fossé, visuellement, doit beaucoup à la photographie et aux costumes (inspirés par la peinture intimiste et réaliste de la fin du XIXème siècle), qui font, à leur manière, ressortir tantôt des chairs creusées par la mine noire, tantôt des blanches joues gonflées par de la brioche ; mais aussi, sur un autre plan, aux dialogues : les bourgeois et les prolétaires ayant des préoccupations bien différentes. « On pense autrement dans un palais que dans une chaumière. », disait Marx.

Mais l’élément principal qui creuse ce fossé est l’espace mis en scène : les bourgeois trônent aux étages de leur appartement, pendant que les prolétaires agonisent au fond des mines. Alors, pour un monde meilleur, sans classes, il faudrait en effet faire tomber ces premiers (comme le personnage du commerçant petit-bourgeois qui tombe d’un toit) avec les jaunes (Chaval finit dans la boue, roué de coups après avoir trahi la grève), et faire remonter ces derniers, déjà en « germination ». Deux ans après la sortie du film, la France connaîtra d’ailleurs de grandes manifestions pour le retrait d’une contre-réforme des retraites. Pourtant, chez Berri, cette « germination » est si glacée, si retenue, qu’elle donne l’impression de s’être dissipée (tel Étienne) dès son apparition.

»» http://jrcf.over-blog.org/2023/09/critique-de-germinal.html
URL de cet article 38929
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

En conscience je refuse d’obéir. Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école, Alain Refalo
Alain REFALO
Le manifeste des enseignants désobéisseurs : un ouvrage qui dénonce la déconstruction de l’école de la République. « Car d’autres enseignants (…) ont décidé de relever ce défi de la lutte contre la déconstruction de l’école publique. Ils sont entrés en résistance, sans se payer de mots inutiles. Une résistance radicale, mais responsable. Une résistance transparente et assumée. Pour que le dernier mot de l’histoire n’ait pas la couleur de la désespérance. » Des îlots de résistance - 164, rue du Faubourg (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Nous sommes gouvernés, nos esprits sont moulés, nos goûts formés, nos idées suggérés, en grande partie par des gens dont nous n’avons jamais entendu parler.

Edward Bernays

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.