Cette résistance n’aura été possible que grâce à un long mouvement aussi déterminé que divers. Mais si les vaches pourront continuer à paître dans les 1650 hectares de bocage, il faut rester lucide, ce n’est pas ceci qui stoppera la folle frénésie des investisseurs (les capitalistes) pour bétonner ni bitumer notre terre nourricière.
La seule façon de les en dissuader est de les spolier de toutes ressources qui pourraient leur donner la simple idée de recommencer. Tant que cette tâche ne sera pas accomplie, on sera toujours à la merci de Grand Projet Inutile et Imposé. Il est évident qu’une fois les citoyens et les ouvriers aux commandes, ce genre de projet se retrouvera caduc. Mais en attendant, il est inévitable de voir resurgir des ZAD par ci par là. Parmi la multitude de méga-projets stupide, en voici un qui à coup sûr fera parler de lui, même si l’implantation d’une ZAD y sera difficile :
A 20 kilomètres de Paris, à la jonction entre Val d’Oise et Seine-Saint-Denis, la filiale immobilière du groupe Auchan, avec la participation du groupe chinois Wanda, a jeté son dévolu sur d’excellentes terres agricoles pour y construire EuropaCity. Il s’agit d’y ériger un « pôle de loisirs, de commerces, de culture et d’hôtellerie » qui ouvrirait en 2024, sur la partie sud d’une vaste enclave agricole de 700 hectares (moins du double que NDDL), le Triangle de Gonesse, coincée entre les aéroports de Roissy et du Bourget.
Les chiffres donnent le vertige : 3,1 milliards d’euros d’investissement privé, 1 milliard de fonds publics, pour un complexe de 630 000 m² (avec parc nautique et pistes de ski « indoor »). Le projet prétend atteindre l’objectif annuel de 30 millions de visiteurs, soit deux fois plus qu’EuroDisney, première destination touristique d’Europe. Pour desservir ce projet, la Région Île-de-France va financer une gare programmée en plein champ, alors que les usagers des transports publics subissent les conséquences du sous-investissement dans les RER, trains et réseaux existants. Selon les mots de nombreux élus locaux, une trentaine de centres commerciaux existants seraient très fortement concurrencés par ce projet et des milliers d’emplois détruits, ce qui est confirmé par le préfet d’Ile-de-France en personne !
Il s’agirait du coup de grâce pour les commerces, les services de proximité et le tissu social de villes et quartiers déjà en souffrance, mais aussi pour les trois grands hypers voisins. Pendant des années, on s’était habitué à voir des friches industrielles (PSA à Aulnay-sous-Bois, Kodak à Sevran, Mory-Ducros à Gonesse), depuis quelques temps on côtoie aussi les friches commerciales. Mais ce projet sera surtout destructeur de terres agricoles de très grande valeur agronomique, et générera des émissions de gaz à effet de serre et des nuisances pour les riverains. Ce choix serait donc pris au moment même où nous avons plus que jamais besoin de sols capables de capter du CO2, d’absorber le ruissellement des eaux pluviales, d’atténuer canicules et pics de pollution de l’air, et enfin de nourrir les humains. C’est un véritable trésor qui serait détruit de façon irréversible. EuropaCity constituerait une véritable catastrophe écologique.
Mais que ce soit à Gonesse ou ailleurs, l’étalement urbain se poursuit de manière continue. Les terres arables disparaissent à grande vitesse parce que jour après jour, dans chaque canton, des champs, des bois, deviennent des zones d’activité (sans logique d’implantation), des lotissements (sans contribuer pour autant à la baisse du manque crucial de logements en France), des centres commerciaux (en général en concurrence avec de nombreux autres), des routes (pour relier ces îlots). Le territoire se morcelle ce qui conduit à une disparition accélérée de nombreuses espèces animales et notamment de celles des zones humides. Le problème est autant les gros projets emblématiques comme l’aéroport de NDDL que les innombrables petits (souvent moins de 50 ha) projets de centres commerciaux, zones d’activités, lotissements qui, mis bout à bout, aboutissent au chiffre hallucinant de l’équivalent d’un département français tous les sept ans.
L’opposition est particulièrement forte entre l’intérêt général d’une part : il faut préserver l’espace agricole et naturel et les intérêts particuliers d’autre part : volonté de maison individuelle entourée d’un grand terrain, habitudes de consommation dans les centres commerciaux de périphérie, désir des propriétaires de terrains de les rendre constructibles afin les valoriser au maximum lors d’une éventuelle vente/succession. Le chantage à l’emploi des promoteurs d’immobilier face à des maires de petites communes ravis de bénéficier d’impôts supplémentaires et de créer des emplois dans un centre commercial. Même si c‘est oublier qu’un centre commercial de périphérie ne crée pas d’emplois nets. Il les déplace du centre-ville vers la périphérie ce qui explique les nombreux rideaux fermés dans les cœurs de villes moyennes. Mais en plus, il les détériore en transformant des artisans en salariés corvéables.
Toutes ces orientations ne peuvent se décider sereinement que si on soustrait dans le choix des villes, les entreprises dont le but n’est que le profit.
Dans l’hypothèse, naturellement où le mot profit ait encore un sens dans la société qui reste à créer.
VILA