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Analyse des résultats dans l’embrouillamini politico-médiatique

Départementales. Un scrutin de crise politique exacerbée

Le PS est sanctionné dans les urnes pour la quatrième fois depuis l’an dernier. La droite en profite, en dépit d’un score médiocre faisant les frais d’un FN qui fait son miel de l’abstention populaire élevée. Seule lueur d’espoir, le Front de gauche et ses alliés résistent bien mieux qu’annoncé à la vague bleue et brune.

Les apparences sont parfois trompeuses, même si elles rassurent ceux qui veulent y croire. Dimanche, au soir d’un scrutin marqué par une crise de défiance exacerbée envers la politique et singulièrement ses représentants actuels au pouvoir, tout le monde se montrait étrangement satisfait, comme s’il n’y avait que des vainqueurs. Sans attendre les résultats définitifs, l’UMP proclamait sa victoire, le premier ministre se félicitait des « scores honorables » du PS, et Marine Le Pen saluait l’« exploit » de son parti.
Les sympathisants du Front de gauche et de ses alliés écologistes ou de Nouvelle Donne dans une partie des cantons étaient quant à eux réduits à l’expectative, face à des estimations rendues volontairement illisibles à la faveur d’un étiquetage des candidats savamment brouillé par le ministère de l’Intérieur, favorisant le PS et l’UMP et les coalitions autour d’eux. Dans la nuit de dimanche à lundi, pourtant, le paysage dessiné par ces élections est progressivement sorti du flou, quand sont tombés les uns après les autres les résultats dans chaque canton. De nouvelles lignes de force sont apparues, marquées par un vote sanction très net à l’égard du PS, un score médiocre des forces de droite, un FN faisant son lit de l’abstention populaire très élevée, et des candidatures alternatives incluant le Front de gauche, résistant bien mieux qu’annoncé.
Contrairement à ce qu’ont voulu faire croire le gouvernement et la direction du PS, dimanche soir, ce dernier subit un sérieux revers dans les urnes, le quatrième après les défaites successives des municipales, des européennes et des sénatoriales l’an dernier. Les binômes comprenant le PS plafonnent à 21,47 % des voix (21,78 % si on y ajoute les binômes présentés par le PRG). Selon l’Ifop, «  on peut agréger à ce score 2 points des divers gauche (qui recueillent 6,8 % des voix au total) car certains de ces candidats étaient soutenus par le PS  », ce qui donne un total compris de 22,5 à 22,8 %, loin des 26 ou 27 % parfois annoncés dimanche, et encore plus des 31,8 % obtenus en 2011 et des 34,8 % de 2008. Le seul scrutin comparable se rapprochant de ces chiffres est celui des cantonales de 1992, où PS, radicaux et divers gauche (hors écologistes et communistes) avaient recueilli ensemble 24 % des voix, un plus-bas historique pour le PS et ses alliés. Ceux-ci se retrouvent éliminés de plus de 500 cantons sur 2 000 au second tour, et pourraient perdre dimanche prochain la majorité dans 20 à 30 départements sur les près de 60 qu’ils dirigent, selon les projections.
La droite a fait les frais 
de la concurrence du FN
La première bénéficiaire de ce vote sanction est la droite, mais celle-ci ne doit pas tant sa pole position à une bonne performance de ses candidats qu’aux piètres résultats des candidats du PS. Les binômes dont l’UMP étaient parties prenantes obtiennent 27,45 % des voix, le résultat montant à 36,2 % si on y ajoute ceux de l’UDI et les divers droite. Un résultat certes en progrès sur les cantonales de 2011 où les candidats de la majorité présidentielle et divers droite avaient obtenu 31,8 %, mais très en deçà des 40,7 % de 2008, qui annonçaient pourtant un recul de la droite au second tour, avec sept présidences de départements perdues.
Cette fois, la droite a fait les frais de la concurrence du FN, qui présentait pour la première fois davantage de candidats que l’UMP. Malgré cela, le FN échoue à conserver la première place qu’il avait conquise aux européennes. Mais avec 25,24 %, il améliore son score du printemps (24,86 %) en pourcentage d’exprimés mais aussi en nombre de voix (5,1 millions contre 4,7 millions), même si ce dernier reste inférieur à la présidentielle de 2012 (6,4 millions). Mais le progrès sur les cantonales de 2011 (15,1 %) et de 2008 (4,96 %) est frappant. Cette percée du FN s’effectue sur un fond d’abstention très élevée (49,83 %). Là aussi, les commentaires de la première heure du premier ministre se réjouissant de la participation «  plus que prévu  » aux élections sont trompeurs : le niveau d’abstention atteint dimanche est le troisième plus important jamais relevé dans ce type d’élection depuis le début de la Ve République, juste derrière 2011 (55,6 %) et 1988 (51 %), mais loin de 2008 (35,1 %). En ce sens, le vote FN et l’abstention sont devenus les deux symptômes d’expression privilégiés, bien que forts différents, d’une crise politique profonde dont le trait commun est la défiance envers le bipartisme dominant, comme le montre la faiblesse des scores de la droite et du PS et ses alliés par rapport aux élections antérieures.

C’est à gauche que l’abstention a été sans surprise la plus importante
Cette abstention favorise désormais systématiquement une extrême droite à l’électorat mobilisé. En réduisant mécaniquement le nombre de suffrages exprimés, l’abstention constitue même un puissant dopant pour le score du FN, comme en témoignent les scores réalisés chez les jeunes (29 % chez les 25-34 ans, selon l’Ifop pour i-Télé, Paris-Match et Sud Radio) et les ouvriers (49 %), catégories qui se sont aussi le plus abstenues dimanche (64 % selon Ipsos pour France TV, Radio France et LCP-Public Sénat). En revanche, c’est à gauche que l’abstention a été sans surprise la plus importante (seuls 49 % des électeurs de François Hollande au premier tour de la présidentielle de 2012 sont allés voter contre 56 % des électeurs de Nicolas Sarkozy et 58 % de ceux de Marine Le Pen, selon Ipsos), ce qui renforce l’idée d’une abstention d’abord guidée par la déception à gauche, sinon par une volonté de sanction.

La seule vraie bonne nouvelle du scrutin
Si les électeurs du Front de gauche à la présidentielle n’échappent pas à cette désaffection des urnes (56 % se seraient abstenus, selon l’Ifop), le score des binômes qu’il présentait parfois avec des écologistes, des candidats de Nouvelle Donne ou des socialistes, constitue la seule vraie bonne nouvelle du scrutin. Annoncés dans une fourchette hésitante entre 6 et 10 % dimanche soir, du fait de la confusion semée par la nomenclature imposée par le ministère de l’Intérieur (le score de nombreux binômes Front de gauche-EELV ou de Nouvelle Donne étant reléguées dans la catégorie «  divers gauche  » réservée habituellement aux candidats de formations confidentielles ou sans étiquette), les binômes du Front de gauche, incluant les candidatures communes avec ses alliés, ont recueilli 9,4 % des voix, selon le recomptage effectué par le PCF, mieux que le Front de gauche en 2011 (8,92 %) et le PCF en 2008 (8,84 %). Un total que l’historien et codirecteur du mensuel Regards Roger Martelli estime même à 11,9 %, en comptant l’ensemble des binômes où au moins l’une des composantes du Front de gauche était présente au premier tour.

Sébastien Crépel

http://www.humanite.fr/departementales-un-scrutin-de-crise-politique-exacerbee-569211

EN COMPLEMENT :
Pierre Laurent :"Une réponse politique nouvelle à gauche, c’est désormais l’urgence"

Dans un communiqué, Pierre Laurent appelle "toutes les forces citoyennes, politiques et sociales disponibles à la construction d’un mouvement de gauche alternatif ample et populaire, à vocation majoritaire pour ouvrir à nouveau l’espoir. Communistes et autres composantes du Front de gauche, écologistes, socialistes refusant l’impasse actuelle, militants de Nouvelle Donne, citoyens, syndicalistes, militants de toutes causes… doivent converger pour construire ce nouvel espoir."
Les premiers résultats connus du second tour des élections départementales confirment que la droite va ce soir conquérir la majorité dans de nombreux départements. Pour la première fois, le Front national fait lui aussi élire de nombreux conseillers départementaux. Les populations de ces départements vont connaître des jours difficiles avec des attaques redoublées contre les politiques de solidarité, d’action sociale et d’éducation, les services publics départementaux, la culture. Je veux les assurer qu’elles pourront compter sur les communistes et leurs élus dans les combats qui les attendent.

Le Parti communiste a tout fait pour empêcher ces gains de la droite et de l’extrême droite. Au premier tour, en rassemblant partout pour des choix de gauche avec les candidats du Front de gauche et souvent d’autres forces, totalisant 9,4 % des voix. Au second tour, en mobilisant partout dans la clarté pour faire barrage à la droite et à l’extrême-droite.

Des centaines d’élus de gauche n’auraient pu gagner sans ce travail de rassemblement mené par les communistes. Ils agiront désormais dans des conseils départementaux à parité, seule véritable avancée démocratique de ce scrutin. Un grand nombre de conseillers départementaux communistes et du Front de gauche, même si leur nombre total sera en recul, sont élus ce soir, confirmant la place du PCF dans la vie politique. Déjouant tous les pronostics, le Val de Marne devrait garder une présidence communiste et l’Allier se joue dans un mouchoir de poche. Tous les élus communistes sont prêts dès ce soir à prendre leurs responsabilités dans les départements pour plus de justice et d’égalité.

Le Parti socialiste subit pour sa part une lourde défaite avec la perte de nombreux départements. Les électrices et les électeurs expriment une nouvelle fois leur rejet de la politique du gouvernement, et de son absence de résultat. La responsabilité de François Hollande et de Manuel Valls est grande dans le retour aux affaires de la droite dans une majorité de départements. A l’occasion des multiples initiatives et rencontres tenues par les militants communistes sur l’ensemble du territoire, nous avons constaté l’immensité de la défiance et du désarroi de millions de Français, qui confrontés à la violence du quotidien, se sentent totalement trahis. Continuer à rester sourd à ce qui sonne clairement comme un appel à un changement de cap politique serait engager la France dans le scenario du pire. Les communistes ne s’y résoudront jamais.

Les majorités départementales de droite et les élus du Front national, dont les connivences peuvent se développer dangereusement, vont s’attaquer partout aux politiques publiques en opposant les Français entre eux, en attisant les tensions racistes, communautaires, générationnelles, et en détournant le regard des Français des vraies responsables de la crise : les politiques d’austérité, les actionnaires et la finance. J’appelle l’ensemble des citoyens à la vigilance, à l’unité et à l’action commune pour la défense des services publics et des choix politiques de solidarité.

Nous pouvons déjouer le « coup monté » du tripartisme. Ce scénario mortifère pour la gauche sous-tend l’abandon des classes populaires à l’abstention et au Front national, et la marginalisation de toute politique alternative sociale et solidaire à l’austérité. Nous le refusons catégoriquement.

Au lendemain, de ce scrutin, rien n’est désormais plus urgent que de construire dans les luttes, dans l’action quotidienne et la solidarité concrète, dans le débat politique, une réponse politique neuve, clairement citoyenne et populaire, clairement à gauche.

J’appelle toutes les forces citoyennes, politiques et sociales disponibles à la construction d’un mouvement de gauche alternatif ample et populaire, à vocation majoritaire pour ouvrir à nouveau l’espoir. Communistes et autres composantes du Front de gauche, écologistes, socialistes refusant l’impasse actuelle, militants de Nouvelle Donne, citoyens, syndicalistes, militants de toutes causes… doivent converger pour construire ce nouvel espoir.

Nous y travaillons sans relâche depuis des mois. Je sais qu’il ne s’agit plus d’un vœu pieux. Ces convergences se sont affirmées à de nombreuses reprises au cours des derniers mois. Elles se mettent désormais en œuvre dans les premières réunions des Chantiers d’espoir et dans la préparation du forum européen des alternatives. Le retour de la loi Macron au Sénat à partir du 7 avril et la mobilisation intersyndicale et interprofessionnelle, le 9, leur donneront l’occasion de s’affirmer avec plus de force encore. Des initiatives nouvelles seront nécessaires. Avec les communistes, j’ y travaillerai activement.

Pierre Laurent secrétaire national du PCF

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