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Marxisme et théories du complot

Quand les gens commencent à penser à l’existence d’un ordre social, les théories du complot leur offrent une explication simple. Comme l’explique Frank Spotnitz, l’un des scénaristes des X-Files, « les théories du complot donnent une clef magique pour réunir toutes les pièces du puzzle ».

Or, la plupart des gens considèrent – non sans raison ! – que la société ne fonctionne pas correctement. Dès lors, il n’est pas difficile de les attirer vers de fausses explications, selon lesquelles il a des forces malicieuses qui, en coulisse, nuisent au bon ordre des choses.

C’est une logique assez simple, en apparence. Elle est pourtant complètement fausse. Le marxisme offre une explication systémique et scientifique des problèmes de la société. L’exploitation d’une majorité de travailleurs par une minorité de propriétaires ne dépend pas des intentions diaboliques de tel ou tel individu, mais des lois du système capitaliste.

Les théories du complot reposent, elles aussi, sur l’idée qu’une minorité exploite la majorité. Mais elles ne voient pas que ce rapport d’exploitation repose sur le système lui-même, qu’il est le résultat des rapports de production capitalistes et de la division de la société en classes. En outre, le marxisme ne présente pas l’oppression de classe comme la conséquence d’agissements obscurs et cachés, mais au contraire comme une réalité bien visible, se déroulant sous nos yeux, à travers le processus de production des marchandises. Aucun complot n’est requis pour expliquer la structure de classe du système capitaliste. Les travailleurs ne possèdent pas de moyen de production, mais seulement leur force de travail – leur faculté à travailler – qu’ils vendent aux capitalistes, lesquels en extraient de la plus-value (le profit). Rien de mystérieux là-dedans !

La personnalité et les intentions individuelles du capitaliste n’entrent pas en ligne de compte. Tel capitaliste peut être un individu bien intentionné ou détestable – en dernière analyse, le système le déterminera à jouer un rôle défini : celui d’exploiter des travailleurs. Les capitalistes qui réalisent moins de profits que les autres finissent par être évincés.

Au-delà des mécanismes du système économique, la classe capitaliste est liée à deux autres forces pour maintenir sa domination. D’une part, il y a l’appareil d’Etat, qui inclut les hommes en arme (l’armée, la police, etc.), les tribunaux et les prisons.

En plus de cette force matérielle très importante, il y a ce que le marxisme appelle l’« idéologie ». Cela va au-delà de la simple « manipulation » médiatique, comme Marx l’explique dans L’Idéologie Allemande : « Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. [...] Pour autant qu’ils dominent en tant que classe et déterminent une époque historique dans toute son ampleur, il va de soi que ces individus dominent dans tous les sens et qu’ils ont une position dominante, entre autres, comme êtres pensants aussi, comme producteurs d’idées, qu’ils règlent la production et la distribution des pensées de leur époque ; leurs idées sont donc les idées dominantes de leur époque ».

Par « idéologie », les marxistes se réfèrent donc à l’ensemble du dispositif d’idées qui reflète et justifie une société. Cela inclut les idées religieuses, la croyance dans le « rêve américain », etc. L’idéologie fait parfois l’objet d’une instrumentalisation cynique de la part de la classe dominante, mais il faut comprendre qu’elle-même croit en sa propre idéologie. Les idées de notre époque sont, par défaut, ses idées. Et sauf exception, les idées de la classe capitaliste sont acceptées comme la « norme ».

Cela ne signifie pas que les capitalistes ne « conspirent » jamais en vue de tromper les travailleurs. Au contraire ! La propagande pro-capitaliste est un vaste marché. Mais ce n’est pas la cause de l’exploitation. Dans la mesure où il y a « conspiration », elle vise à maintenir un système d’exploitation ; elle n’en est pas la base. Les « conspirationnistes » confondent la cause et l’effet. Par exemple, il y a effectivement des réunions de « sociétés secrètes » capitalistes. Mais ces sociétés sont le produit des rapports sociaux capitalistes – et non l’inverse.

Ceci étant dit, la plupart des théories du complot ciblent une section donnée de la classe capitaliste – et non la classe capitaliste dans son ensemble. C’est ce qui les rend particulièrement réactionnaires. Dès le Moyen-âge, des populations bien définies étaient désignées comme conspiratrices. Il s’agissait souvent de victimes du système : les Juifs, les Tsiganes, les femmes. L’idée d’un complot diabolique orchestré par une population bouc-émissaire était un outil très utile pour la classe dominante au cours de la période féodale. Cependant, cet engouement pour les théories du complot n’a pas disparu avec l’arrivée du système capitaliste.

Les Juifs furent la cible privilégiée des théoriciens du complot tout au long du XIXe et au début du XXe. Au moyen d’une distinction entre le soi-disant « capitalisme productif » et le « capitalisme improductif » (financier), ils désignaient le « banquier juif » comme la source de tous les problèmes. Des gens comme Henry Ford, aux Etats-Unis, ont contribué à populariser ces idées. Il a écrit une série d’articles sur une prétendue « Internationale juive » dans le journal The Dearborn Independant.

Ainsi, les théories du complot, qui se présentent comme une critique de l’ordre établi, sont en réalité un produit idéologique de droite, historiquement. De même que les classes dirigeantes féodales cherchaient à détourner la colère des masses vers une population bouc-émissaire, de même les conspirationnistes modernes détournent la colère des masses soit vers une section donnée de la classe capitaliste (banquiers, usuriers, etc.), soit vers une minorité ethnique (ignorant les divisions de classe au sein de ces minorités), soit enfin, plus simplement, vers telle institution ou tel secteur « voyou » de l’appareil d’Etat (Zone 51, le FBI, la CIA, l’ATF, l’ONU, etc.).

De nos jours, beaucoup de gens de gauche, aux Etats-Unis, passent leurs temps à débattre d’une grande variété de théories du complot. Or, ces théories ne représentent aucune menace pour le capitalisme. Elles ne remettent pas en cause le système lui-même. En dernière analyse, elles acceptent le système capitaliste et se proposent simplement de le nettoyer de tels ou tels conspirateurs qui sèmeraient le désordre à des fins personnelles.

Nous avons besoin de rigueur scientifique dans notre lutte pour transformer la société. Une telle lutte doit être conduite par les organisations de la classe ouvrière, la seule classe capable de mener le combat jusqu’à la victoire du socialisme. Il faut jeter aux orties les théories du complot et en revenir à la lutte des classes réelle et vivante. On ne peut, sans cela, armer idéologiquement la classe ouvrière en vue d’en finir avec le capitalisme une bonne fois pour toutes.

« Plutôt que de sombrer dans la paranoïa, la seule question à se poser est : Qui est responsable des problèmes sociaux ? »

Et, pour comploter un peu plus ...

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