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Quand Alexandre Zinoviev dénonçait la tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

Dernier entretien en terre d’Occident

Philosophe, logicien, sociologue, et écrivain dissident soviétique.

Entretien réalisé par Victor Loupan à Munich, en juin 1999, quelques jours avant le retour définitif d’Alexandre Zinoviev en Russie ; extrait de "La grande rupture", aux éditions l’Âge d’Homme.

Victor Loupan : Avec quels sentiments rentrez-vous après un exil aussi long ?

Alexandre Zinoviev : Avec celui d’avoir quitté une puissance respectée, forte, crainte même, et de retrouver un pays vaincu, en ruines. Contrairement à d’autres, je n’aurais jamais quitté l’URSS, si on m’avait laissé le choix. L’émigration a été une vraie punition pour moi.

V. L. : On vous a pourtant reçu à bras ouverts !

A. Z. : C’est vrai. Mais malgré l’accueil triomphal et le succès mondial de mes livres, je me suis toujours senti étranger ici.

V. L. : Depuis la chute du communisme, c’est le système occidental qui est devenu votre principal objet d’étude et de critique. Pourquoi ?

A. Z. : Parce que ce que j’avais dit est arrivé : la chute du communisme s’est transformée en chute de la Russie. La Russie et le communisme étaient devenus une seule et même chose.

V. L. : La lutte contre le communisme aurait donc masqué une volonté d’élimination de la Russie ?

A. Z. : Absolument. La catastrophe russe a été voulue et programmée ici, en Occident. Je le dis, car j’ai été, à une certaine époque, un initié. J’ai lu des documents, participé à des études qui, sous prétexte de combattre une idéologie, préparaient la mort de la Russie. Et cela m’est devenu insupportable au point où je ne peux plus vivre dans le camp de ceux qui détruisent mon pays et mon peuple. L’Occident n’est pas une chose étrangère pour moi, mais c’est une puissance ennemie.

V. L. : Seriez-vous devenu un patriote ?

A. Z. : Le patriotisme, ce n’est pas mon problème. J’ai reçu une éducation internationaliste et je lui reste fidèle. Je ne peux d’ailleurs pas dire si j’aime ou non la Russie et les Russes. Mais j’appartiens à ce peuple et à ce pays. J’en fais partie. Les malheurs actuels de mon peuple sont tels, que je ne peux continuer à les contempler de loin. La brutalité de la mondialisation met en évidence des choses inacceptables.

V. L. : Les dissidents soviétiques parlaient pourtant comme si leur patrie était la démocratie et leur peuple les droits de l’homme. Maintenant que cette manière de voir est dominante en Occident, vous semblez la combattre. N’est-ce pas contradictoire ?

A. Z. : Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le totalitarisme communiste, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, de vraies libertés, un extraordinaire progrès social, d’énormes découvertes scientifiques et techniques, tout y était ! Mais, l’Occident se modifiait aussi presqu’imperceptiblement. L’intégration timide des pays développés, commencée alors, constituait en fait les prémices de la mondialisation de l’économie et de la globalisation du pouvoir auxquels nous assistons aujourd’hui. Une intégration peut être généreuse et positive si elle répond, par exemple, au désir légitime des nations-soeurs de s’unir. Mais celle-ci a, dès le départ, été pensée en termes de structures verticales, dominées par un pouvoir supranational. Sans le succès de la contre-révolution russe, il n’aurait pu se lancer dans la mondialisation.

V. L. : Le rôle de Gorbatchev n’a donc pas été positif ?

A. Z. : Je ne pense pas en ces termes-là. Contrairement à l’idée communément admise, le communisme soviétique ne s’est pas effondré pour des raisons internes. Sa chute est la plus grande victoire de l’histoire de l’Occident ! Victoire colossale qui, je le répète, permet l’instauration d’un pouvoir planétaire. Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie. Notre époque n’est pas que post-communiste, elle est aussi post-démocratique. Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique ou, si vous préférez, de la démocratie totalitaire.

V. L. : N’est-ce pas un peu absurde ?

A. Z. : Pas du tout. La démocratie sous-entend le pluralisme. Et le pluralisme suppose l’opposition d’au moins deux forces plus ou moins égale ; forces qui se combattent et s’influencent en même temps. Il y avait, à l’époque de la guerre froide, une démocratie mondiale, un pluralisme global au sein duquel coexistaient le système capitaliste, le système communiste et même une structure plus vague mais néanmoins vivante, les non-alignés. Le totalitarisme soviétique était sensible aux critiques venant de l’Occident. L’Occident subissait lui aussi l’influence de l’URSS, par l’intermédiaire notamment de ses propres partis communistes. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde dominé par une force unique, par une idéologie unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a débuté, elle aussi, à l’époque de la guerre froide, quand des superstructures transnationales ont progressivement commencé à se constituer sous les formes les plus diverses : sociétés commerciales, bancaires, politiques, médiatiques. Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés, puisqu’ils perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la "suprasociété". Suprasociété planétaire, constituée d’entreprises commerciales et d’organismes non-commerciaux, dont les zones d’influence dépassent les nations. Les pays occidentaux sont soumis, comme les autres, au contrôle de ces structures supranationales. Or, la souveraineté des nations était, elle aussi, une partie constituante du pluralisme et donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. Le pouvoir dominant actuel écrase les états souverains. L’intégration de l’Europe qui se déroule sous nos yeux, provoque elle aussi la disparition du pluralisme au sein de ce nouveau conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational.

V. L. : Mais ne pensez-vous pas que la France ou l’Allemagne continuent à être des pays démocratiques ?

A. Z. : Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini. Parce que le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’Ouest a commencé avec la chute du communisme à l’Est. Aujourd’hui, les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe, mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de socialiste justement dans les pays capitalistes. Il n’existe plus, en Occident, de force politique capable de défendre les humbles. L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour davantage. La guerre des Balkans était tout sauf démocratique. Elle a pourtant été menée par des socialistes, historiquement opposés à ce genre d’aventures. Les écologistes, eux aussi au pouvoir dans plusieurs pays, ont applaudi au désastre écologique provoqué par les bombardements de l’OTAN. Ils ont même osé affirmer que les bombes à uranium appauvri n’étaient pas dangereuses alors que les soldats qui les chargent portent des combinaisons spéciales. La démocratie tend donc aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison avec la dictature financière. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures. Aucune révolte n’est possible contre la banque.

V. L. : Et la révolution ?

A. Z. : Le totalitarisme démocratique et la dictature financière excluent la révolution sociale.

V. L. : Pourquoi ?

A. Z. : Parce qu’ils combinent la brutalité militaire toute puissante et l’étranglement financier planétaire. Toutes les révolutions ont bénéficié de soutien venu de l’étranger. C’est désormais impossible, par absence de pays souverains. De plus, la classe ouvrière a été remplacée au bas de l’échelle sociale, par la classe des chômeurs. Or que veulent les chômeurs ? Un emploi. Ils sont donc, contrairement à la classe ouvrière du passé, dans une situation de faiblesse.

V. L. : Les systèmes totalitaires avaient tous une idéologie. Quelle est celle de cette nouvelle société que vous appelez post-démocratique ?

A. Z. : Les théoriciens et les politiciens occidentaux les plus influents considèrent que nous sommes entrés dans une époque post-idéologique. Parce qu’ils sous-entendent par "idéologie" le communisme, le fascisme, le nazisme, etc. En réalité, l’idéologie, la supraidéologie du monde occidental, développée au cours des cinquante dernières années, est bien plus forte que le communisme ou le national-socialisme. Le citoyen occidental en est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance des médias occidentaux est, par exemple, incomparablement plus grande que celle, énorme pourtant, du Vatican au sommet de son pouvoir. Et ce n’est pas tout : le cinéma, la littérature, la philosophie, tous les moyens d’influence et de diffusion de la culture au sens large vont dans le même sens. A la moindre impulsion, ceux qui travaillent dans ces domaines réagissent avec un unanimisme qui laisse penser à des ordres venant d’une source de pouvoir unique. Il suffit que la décision de stigmatiser un Karadzic, un Milosevic ou un autre soit prise pour qu’une machine de propagande planétaire se mette en branle contre ces gens, sans grande importance. Et alors qu’il faudrait juger les politiciens et les généraux de l’OTAN parce qu’ils ont enfreint toutes les lois existantes, l’écrasante majorité des citoyens occidentaux est persuadée que la guerre contre la Serbie était juste et bonne. L’idéologie occidentale combine et fait converger les idées en fonction des besoins. L’une d’entre elles est que les valeurs et le mode de vie occidentaux sont supérieurs à d’autres. Alors que pour la plupart des peuples de la planète ces valeurs sont mortelles. Essayez donc de convaincre les Américains que la Russie en meurt. Vous n’y arriverez jamais. Ils continueront à affirmer que les valeurs occidentales sont universelles, appliquant ainsi l’un des principes fondamentaux du dogmatisme idéologique. Les théoriciens, les médias et les politiciens occidentaux sont absolument persuadés de la supériorité de leur système. C’est cela qui leur permet de l’imposer au monde avec bonne conscience. L’homme occidental, porteur de ces valeurs supérieures est donc un nouveau surhomme. Le terme est tabou, mais cela revient au même. Tout cela mériterait d’être étudié scientifiquement. Mais la recherche scientifique dans certains domaines sociologiques et historiques est devenue difficile. Un scientifique qui voudrait se pencher sur les mécanismes du totalitarisme démocratique aurait à faire face aux plus grandes difficultés. On en ferait d’ailleurs un paria. Par contre, ceux dont le travail sert l’idéologie dominante, croulent sous les dotations et les éditeurs comme les médias se les disputent. Je l’ai observé en tant que chercheur et professeur des universités.

V. L. : Mais cette "supraidéologie" ne propage-t-elle pas aussi la tolérance et le respect ?

A. Z. : Quand vous écoutez les élites occidentales, tout est pur, généreux, respectueux de la personne humaine. Ce faisant, elles appliquent une règle classique de la propagande : masquer la réalité par le discours. Car il suffit d’allumer la télévision, d’aller au cinéma, d’ouvrir les livres à succès, d’écouter la musique la plus diffusée, pour se rendre compte que ce qui est propagé en réalité c’est le culte du sexe, de la violence et de l’argent. Le discours noble et généreux est donc destiné à masquer ces trois piliers - il y en a d’autres - de la démocratie totalitaire.

V. L. : Mais que faites-vous des droits de l’homme ? Ne sont-ils pas respectés en Occident bien plus qu’ailleurs ?

A. Z. : L’idée des droits de l’homme est désormais soumise elle aussi à une pression croissante. L’idée, purement idéologique, selon laquelle ils seraient innés et inaltérables ne résisterait même pas à un début d’examen rigoureux. Je suis prêt à soumettre l’idéologie occidentale à l’analyse scientifique, exactement comme je l’ai fait pour le communisme. Ce sera peut-être un peu long pour un entretien.

V. L. : N’a-t-elle pas une idée maîtresse ?

A. Z. : C’est le mondialisme, la globalisation. Autrement dit : la domination mondiale. Et comme cette idée est assez antipathique, on la masque sous le discours plus vague et généreux d’unification planétaire, de transformation du monde en un tout intégré. C’est le vieux masque idéologique soviétique ; celui de l’amitié entre les peuples, "amitié" destinée à couvrir l’expansionnisme. En réalité, l’Occident procède actuellement à un changement de structure à l’échelle planétaire. D’un côté, la société occidentale domine le monde de la tête et des épaules et de l’autre, elle s’organise elle-même verticalement, avec le pouvoir supranational au sommet de la pyramide.

V. L. : Un gouvernement mondial ?

A. Z. : Si vous voulez.

V. L. : Croire cela n’est-ce-pas être un peu victime du fantasme du complot ?

A. Z. : Quel complot ? Il n’y a aucun complot. Le gouvernement mondial est dirigé par les gouverneurs des structures supranationales commerciales, financières et politiques connues de tous. Selon mes calculs, une cinquantaine de millions de personnes fait déjà partie de cette suprasociété qui dirige le monde. Les États-Unis en sont la métropole. Les pays d’Europe occidentale et certains anciens "dragons" asiatiques, la base. Les autres sont dominés suivant une dure gradation économico-financière. Ça, c’est la réalité. La propagande, elle, prétend qu’un gouvernement mondial contrôlé par un parlement mondial serait souhaitable, car le monde est une vaste fraternité. Ce ne sont là que des balivernes destinées aux populations.

V. L. : Le Parlement européen aussi ?

A. Z. : Non, car le Parlement européen existe. Mais il serait naïf de croire que l’union de l’Europe s’est faite parce que les gouvernements des pays concernés l’ont décidé gentiment. L’Union européenne est un instrument de destruction des souverainetés nationales. Elle fait partie des projets élaborés par les organismes supranationaux.

V. L. : La Communauté européenne a changé de nom après la destruction de l’Union soviétique. Elle s’est appelée Union européenne, comme pour la remplacer. Après tout, il y avait d’autres noms possibles. Aussi, ses dirigeants s’appellent-ils "commissaires", comme les Bolcheviks. Ils sont à la tête d’une "Commission", comme les Bolcheviks. Le dernier président a été "élu" tout en étant candidat unique.

A. Z. : Il ne faut pas oublier que des lois régissent l’organisation sociale. Organiser un million d’hommes c’est une chose, dix millions c’en est une autre, cent millions, c’est bien plus compliqué encore. Organiser cinq cent millions est une tâche immense. Il faut créer de nouveaux organismes de direction, former des gens qui vont les administrer, les faire fonctionner. C’est indispensable. Or l’Union soviétique est, en effet, un exemple classique de conglomérat multinational coiffé d’une structure dirigeante supranationale. L’Union européenne veut faire mieux que l’Union soviétique ! C’est légitime. J’ai déjà été frappé, il y a vingt ans, de voir à quel point les soi-disant tares du système soviétique étaient amplifiées en Occident.

V. L. : Par exemple ?

A. Z. : La planification ! L’économie occidentale est infiniment plus planifiée que ne l’a jamais été l’économie soviétique. La bureaucratie ! En Union Soviétique 10 % à 12 % de la population active travaillaient dans la direction et l’administration du pays. Aux États Unis, ils sont entre 16 % et 20 %. C’est pourtant l’URSS qui était critiquée pour son économie planifiée et la lourdeur de son appareil bureaucratique ! Le Comité central du PCUS employait deux mille personnes. L’ensemble de l’appareil du Parti communiste soviétique était constitué de 150000 salariés. Vous trouverez aujourd’hui même, en Occident, des dizaines voire des centaines d’entreprises bancaires et industrielles qui emploient un nombre bien plus élevé de gens. L’appareil bureaucratique du Parti communiste soviétique était pitoyable en comparaison avec ceux des grandes multinationales. L’URSS était en réalité un pays sous-administré. Les fonctionnaires de l’administration auraient dû être deux à trois fois plus nombreux. L’Union européenne le sait, et en tient compte. L’intégration est impossible sans la création d’un très important appareil administratif.

V. L. : Ce que vous dites est contraire aux idées libérales, affichées par les dirigeants européens. Pensez-vous que leur libéralisme est de façade ?

A. Z. : L’administration a tendance à croître énormément. Cette croissance est dangereuse, pour elle-même. Elle le sait. Comme tout organisme, elle trouve ses propres antidotes pour continuer à prospérer. L’initiative privée en est un. La morale publique et privée, un autre. Ce faisant, le pouvoir lutte en quelque sorte contre ses tendances à l’auto-déstabilisation. Il a donc inventé le libéralisme pour contrebalancer ses propres lourdeurs. Et le libéralisme a joué, en effet, un rôle historique considérable. Mais il serait absurde d’être libéral aujourd’hui. La société libérale n’existe plus. Sa doctrine est totalement dépassée à une époque de concentrations capitalistiques sans pareil dans l’histoire. Les mouvements d’énormes masses financières ne tiennent compte ni des intérêts des États ni de ceux des peuples, peuples composés d’individus. Le libéralisme sous-entend l’initiative personnelle et le risque financier personnel. Or, rien ne se fait aujourd’hui sans l’argent des banques. Ces banques, de moins en moins nombreuses d’ailleurs, mènent une politique dictatoriale, dirigiste par nature. Les propriétaires sont à leur merci, puisque tout est soumis au crédit et donc au contrôle des puissances financières. L’importance des individus, fondement du libéralisme, se réduit de jour en jour. Peu importe aujourd’hui qui dirige telle ou telle entreprise ; ou tel ou tel pays d’ailleurs. Bush ou Clinton, Kohl ou Schröder, Chirac ou Jospin, quelle importance ? Ils mènent et mèneront la même politique.

V. L. : Les totalitarismes du XXe siècle ont été extrêmement violents. On ne peut dire la même chose de la démocratie occidentale.

A. Z. : Ce ne sont pas les méthodes, ce sont les résultats qui importent. Un exemple ? L’URSS a perdu vingt million d’hommes et subi des destructions considérables, en combattant l’Allemagne nazie. Pendant la guerre froide, guerre sans bombes ni canons pourtant, ses pertes, sur tous les plans, ont été bien plus considérables ! La durée de vie des Russes a chuté de dix ans dans les dix dernières années. La mortalité dépasse la natalité de manière catastrophique. Deux millions d’enfants ne dorment pas à la maison. Cinq millions d’enfants en âge d’étudier ne vont pas à l’école. Il y a douze millions de drogués recensés. L’alcoolisme s’est généralisé. 70 % des jeunes ne sont pas aptes au service militaire à cause de leur état physique. Ce sont là des conséquences directes de la défaite dans la guerre froide, défaite suivie par l’occidentalisation. Si cela continue, la population du pays descendra rapidement de cent-cinquante à cent, puis à cinquante millions d’habitants. Le totalitarisme démocratique surpassera tous ceux qui l’ont précédé.

V. L. : En violence ?

A. Z. : La drogue, la malnutrition, le sida sont plus efficaces que la violence guerrière. Quoique, après la guerre froide dont la force de destruction a été colossale, l’Occident vient d’inventer la "guerre pacifique". L’Irak et la Yougoslavie sont deux exemples de réponse disproportionnée et de punition collective, que l’appareil de propagande se charge d’habiller en "juste cause" ou en "guerre humanitaire". L’exercice de la violence par les victimes contre elles-mêmes est une autre technique prisée. La contre-révolution russe de 1985 en est un exemple. Mais en faisant la guerre à la Yougoslavie, les pays d’Europe occidentale l’ont faite aussi à eux-mêmes.

V. L. : Selon vous, la guerre contre la Serbie était aussi une guerre contre l’Europe ?

A. Z. : Absolument. Il existe, au sein de l’Europe, des forces capables de lui imposer d’agir contre elle-même. La Serbie a été choisie, parce qu’elle résistait au rouleau compresseur mondialiste. La Russie pourrait être la prochaine sur la liste. Avant la Chine.

V. L. : Malgré son arsenal nucléaire ?

A. Z. : L’arsenal nucléaire russe est énorme mais dépassé. De plus, les Russes sont moralement prêts à être conquis. A l’instar de leurs aïeux qui se rendaient par millions dans l’espoir de vivre mieux sous Hitler que sous Staline, ils souhaitent même cette conquête, dans le même espoir fou de vivre mieux. C’est une victoire idéologique de l’Occident. Seul un lavage de cerveau peut obliger quelqu’un à voir comme positive la violence faite à soi-même. Le développement des mass-media permet des manipulations auxquelles ni Hitler ni Staline ne pouvaient rêver. Si demain, pour des raisons "X", le pouvoir supranational décidait que, tout compte fait, les Albanais posent plus de problèmes que les Serbes, la machine de propagande changerait immédiatement de direction, avec la même bonne conscience. Et les populations suivraient, car elles sont désormais habituées à suivre. Je le répète : on peut tout justifier idéologiquement. L’idéologie des droits de l’homme ne fait pas exception. Partant de là, je pense que le XXIe siècle dépassera en horreur tout ce que l’humanité a connu jusqu’ici. Songez seulement au futur combat contre le communisme chinois. Pour vaincre un pays aussi peuplé, ce n’est ni dix ni vingt mais peut-être cinq cent millions d’individus qu’il faudra éliminer. Avec le développement que connaît actuellement la machine de propagande ce chiffre est tout à fait atteignable. Au nom de la liberté et des droits de l’homme, évidemment. A moins qu’une nouvelle cause, non moins noble, sorte de quelque institution spécialisée en relations publiques.

V. L. : Ne pensez-vous pas que les hommes et les femmes peuvent avoir des opinions, voter, sanctionner par le vote ?

A. Z. : D’abord les gens votent déjà peu et voteront de moins en moins. Quant à l’opinion publique occidentale, elle est désormais conditionnée par les médias. Il n’y a qu’à voir le oui massif à la guerre du Kosovo. Songez donc à la guerre d’Espagne ! Les volontaires arrivaient du monde entier pour combattre dans un camp comme dans l’autre. Souvenez-vous de la guerre du Vietnam. Les gens sont désormais si conditionnés qu’ils ne réagissent plus que dans le sens voulu par l’appareil de propagande.

V. L. : L’URSS et la Yougoslavie étaient les pays les plus multiethniques du monde et pourtant ils ont été détruits. Voyez-vous un lien entre la destruction des pays multiethniques d’un côté et la propagande de la multiethnicité de l’autre ?

A. Z. : Le totalitarisme soviétique avait créé une vraie société multinationale et multiethnique. Ce sont les démocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, à l’époque de la guerre froide, pour réveiller les nationalismes. Parce qu’elles voyaient dans l’éclatement de l’URSS le meilleur moyen de la détruire. Le même mécanisme a fonctionné en Yougoslavie. L’Allemagne a toujours voulu la mort de la Yougoslavie. Unie, elle aurait été plus difficile à vaincre. Le système occidental consiste à diviser pour mieux imposer sa loi à toutes les parties à la fois, et s’ériger en juge suprême. Il n’y a pas de raison pour qu’il ne soit pas appliqué à la Chine. Elle pourrait être divisée, en dizaines d’États.

V. L. : La Chine et l’Inde ont protesté de concert contre les bombardements de la Yougoslavie. Pourraient-elles éventuellement constituer un pôle de résistance ? Deux milliards d’individus, ce n’est pas rien !

A. Z. : La puissance militaire et les capacités techniques de l’Occident sont sans commune mesure avec les moyens de ces deux pays.

V. L. : Parce que les performances du matériel de guerre américain en Yougoslavie vous ont impressionné ?

A. Z. : Ce n’est pas le problème. Si la décision avait été prise, la Serbie aurait cessé d’exister en quelques heures. Les dirigeants du Nouvel ordre mondial ont apparemment choisi la stratégie de la violence permanente. Les conflits locaux vont se succéder pour être arrêtés par la machine de "guerre pacifique" que nous venons de voir à l’oeuvre. Cela peut, en effet, être une technique de management planétaire. L’Occident contrôle la majeure partie des ressources naturelles mondiales. Ses ressources intellectuelles sont des millions de fois supérieures à celles du reste de la planète. C’est cette écrasante supériorité qui détermine sa domination technique, artistique, médiatique, informatique, scientifique dont découlent toutes les autres formes de domination. Tout serait simple s’il suffisait de conquérir le monde. Mais il faut encore le diriger. C’est cette question fondamentale que les Américains essaient maintenant de résoudre. C’est cela qui rend "incompréhensibles" certaines actions de la "communauté internationale". Pourquoi Saddam est-il toujours là ? Pourquoi Karadzic n’est-il toujours pas arrêté ? Voyez-vous, à l’époque du Christ, nous étions peut-être cent millions sur l’ensemble du globe. Aujourd’hui, le Nigeria compte presqu’autant d’habitants ! Le milliard d’Occidentaux et assimilés va diriger le reste du monde. Mais ce milliard devra être dirigé à son tour. Il faudra probablement deux cent millions de personnes pour diriger le monde occidental. Il faut les sélectionner, les former. Voilà pourquoi la Chine est condamnée à l’échec dans sa lutte contre l’hégémonie occidentale. Ce pays sous-administré n’a ni les capacités économiques ni les ressources intellectuelles pour mettre en place un appareil de direction efficace, composé de quelque trois cent millions d’individus. Seul l’Occident est capable de résoudre les problèmes de management à l’échelle de la planète. Cela se met déjà en place. Les centaines de milliers d’Occidentaux se trouvant dans les anciens pays communistes, en Russie par exemple, occupent dans leur écrasante majorité des postes de direction. La démocratie totalitaire sera aussi une démocratie coloniale.

V. L. : Pour Marx, la colonisation était civilisatrice. Pourquoi ne le serait-elle pas à nouveau ?

A. Z. : Pourquoi pas, en effet ? Mais pas pour tout le monde. Quel est l’apport des Indiens d’Amérique à la civilisation ? Il est presque nul, car ils ont été exterminés, écrasés. Voyez maintenant l’apport des Russes ! L’Occident se méfiait d’ailleurs moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez un ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science russe dépend aujourd’hui des financements américains. Et elle est dans un état pitoyable, car ces derniers n’ont aucun intérêt à financer des concurrents. Ils préfèrent faire travailler les savants russes aux USA. Le cinéma soviétique a été lui aussi détruit et remplacé par le cinéma américain. En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent, depuis des décennies, à baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent le ramener au leur pour pouvoir exercer ce diktat.

V. L. : Mais cette domination, ne serait-elle pas, après tout, un bien pour l’humanité ?

A. Z. : Ceux qui vivront dans dix générations pourront effectivement dire que les choses se sont faites pour le bien de l’humanité, autrement dit pour leur bien à eux. Mais qu’en est-il du Russe ou du Français qui vit aujourd’hui ? Peut-il se réjouir s’il sait que l’avenir de son peuple pourrait être celui des Indiens d’Amérique ? Le terme d’Humanité est une abstraction. Dans la vie réelle il y a des Russes, des Français, des Serbes, etc. Or si les choses continuent comme elles sont parties, les peuples qui ont fait notre civilisation, je pense avant tout aux peuples latins, vont progressivement disparaître. L’Europe occidentale est submergée par une marée d’étrangers. Nous n’en avons pas encore parlé, mais ce n’est ni le fruit du hasard, ni celui de mouvements prétendument incontrôlables. Le but est de créer en Europe une situation semblable à celle des États-Unis. Savoir que l’humanité va être heureuse, mais sans Français, ne devrait pas tellement réjouir les Français actuels. Après tout, laisser sur terre un nombre limité de gens qui vivraient comme au Paradis, pourrait être un projet rationnel. Ceux-là penseraient d’ailleurs sûrement que leur bonheur est l’aboutissement de la marche de l’histoire. Non, il n’est de vie que celle que nous et les nôtres vivons aujourd’hui.

V. L. : Le système soviétique était inefficace. Les sociétés totalitaires sont-elles toutes condamnées à l’inefficacité ?

A. Z. : Qu’est-ce que l’efficacité ? Aux États-Unis, les sommes dépensées pour maigrir dépassent le budget de la Russie. Et pourtant le nombre des gros augmente. Il y a des dizaines d’exemples de cet ordre.

V. L. : Peut-on dire que l’Occident vit actuellement une radicalisation qui porte les germes de sa propre destruction ?

A. Z. : Le nazisme a été détruit dans une guerre totale. Le système soviétique était jeune et vigoureux. Il aurait continué à vivre s’il n’avait pas été combattu de l’extérieur. Les systèmes sociaux ne s’autodétruisent pas. Seule une force extérieure peut anéantir un système social. Comme seul un obstacle peut empêcher une boule de rouler. Je pourrais le démontrer comme on démontre un théorème. Actuellement, nous sommes dominés par un pays disposant d’une supériorité économique et militaire écrasante. Le Nouvel ordre mondial se veut unipolaire. Si le gouvernement supranational y parvenait, n’ayant aucun ennemi extérieur, ce système social unique pourrait exister jusqu’à la fin des temps. Un homme seul peut être détruit par ses propres maladies. Mais un groupe, même restreint, aura déjà tendance à se survivre par la reproduction. Imaginez un système social composé de milliards d’individus ! Ses possibilités de repérer et d’arrêter les phénomènes autodestructeurs seront infinies. Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale, évolution commencée à la Renaissance.

 http://www.toupie.org/Textes/Zinoviev_2.htm
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COMMENTAIRES  

24/04/2014 16:55 par Esteban

"Le terme d’Humanité est une abstraction. Dans la vie réelle il y a des Russes, des Français, des Serbes, etc. Or si les choses continuent comme elles sont parties, [Zinoviev en déduit que] les peuples qui ont fait notre civilisation (...) vont progressivement disparaître."
De la même manière nous pouvons dire que le terme "Le gouvernement mondial" est également une abstraction, et puisqu’il "est dirigé par les gouverneurs des structures supranationales commerciales, financières et politiques connues de tous", avant de se suicider après lecture de l’analyse de Zinoviev, il nous reste la voie* de déboulonner tout ce beau monde.
*En terrien(ne)s que nous sommes, il est concrètement possible d’organiser ce combat salvateur.

24/04/2014 20:42 par AristippeO

Alexandre Zinoviev avait formidablement synthétisé dans cette interview tous les emmerdements du monde d’aujourd’hui.
Pourtant ; je pense qu’une multipolarisation est en route et que le grand système totalitaire libéral est en train de perdre des boulons majeurs à sont bon fonctionnement.

Un petit passage qui m’a bien fait sourire :

" V. L. : Un gouvernement mondial ?

A. Z. : Si vous voulez.

V. L. : Croire cela n’est-ce-pas être un peu victime du fantasme du complot ? "

Le déni de l’histoire et de l’analyse était déjà à l’oeuvre chez les journalistes...

24/04/2014 22:36 par tchoo

Terriblement réaliste et qui résonne d’un son particulièrement d’actualité aujourd’hui, très visionnaire en 1999, rien que cela : Mais il serait naïf de croire que l’union de l’Europe s’est faite parce que les gouvernements des pays concernés l’ont décidé gentiment. L’Union européenne est un instrument de destruction des souverainetés nationales. Elle fait partie des projets élaborés par les organismes supranationaux. qui me semble tellement évident aujourd’hui mais pas forcément très audible en 1999.
mais je reste persuadé que M Zinoviev, dans un pessimisme très slave, feint d’ignorer la capacité du grain de sable à faire dérailler la plus parfaite des mécanique

25/04/2014 01:45 par ADSkippy

D’un coté je me consoles en me disent qu’il y a d’autres que moi qui pensent que derrière le "globalisation" se cache une stratégie mondiale de domination unique et inique, et de l’autre cote, me donnes froid au dos des conséquences futures, brutales et inhumaines, déjà visibles aujourd’hui.

L’histoire nous diras si nous avons "assez" fait pour éviter le pire.

25/04/2014 17:49 par Hervé Fuyet

Cet article est fascinant et mérite d’être lu, médité, transmis aux amis etc.
Il me semble cependant un peu pessimiste.
Lla Chine socialiste prend aujourd’hui le relais de l’URSS dans la lutte contre les impérialistes occidentaux an s’inspirant de façon créatrice de la NEP de Lénine. Si nous ne l’avions pas fiat, écrit Deng Xiao Ping, nous risquions de terminer comme l’URSS !

25/04/2014 20:48 par Dominique

Voilà qui donne beaucoup à réfléchir. Je suis tout à fait d’accord sur son analyse de la machine à propagande de l’occident et de l’acceptation de cette propagande par la majorité des gens, ceci même si beaucoup ne sont dupes que parce qu’ils le veulent bien (ce qui donne son sens au mot acceptation). Cette acceptation de la morale bourgeoise par les ouvriers remonte à la révolution industrielle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les pays révolutionnaires du vingtième siècle étaient tous des pays où l’industrie était relativement peu développée. Il est d’ailleurs intéressant de constater que bientôt un siècle après la révolution de 1917, ce sont des bourgeois capitalistes assez semblables aux nôtres qui sont au pouvoir dans les pays de l’ex-URSS.

Zinoviev parle du soutien extérieur des révolutions du siècle passé, mais il ne dit pas qui a financé la révolution de 1917. Ce sont les mêmes banquiers que ceux qui ont financé plus tard Staline et Hitler. Pour certains à gauche c’est une vérité insoutenable, alors qu’il s’agit simplement de l’art de la guerre vu du côté des marchands d’armes et des banques : soutenir les deux camps jusqu’à ce que la victoire ait choisi son camp.

Aujourd’hui c’est différent. Même si des pays comme la Russie ou la Chine ont l’arme nucléaire, leur puissance militaire est bien inférieure à celle de l’occident, si bien que cela ne fait plus de sens pour les banquiers de soutenir les deux camps alors qu’un de ceux-ci a perdu d’avance et qu’en cas de confrontation il n’est mêe pas sur qu’il y ait des survivants. En pratique, la guerre à changé de sens, il ne s’agit plus d’une guerre entre nations mais d’une guerre de l’élite mondiale contre tous les peuples du monde.

Quoi-qu’en disent les médias en charge de la propagande, les élites mondiales savent très bien que les rapports qui démontrent que la destruction généralisée des biotopes et la raréfaction des ressources naturelles non renouvelables condamne notre/leur mode de vie sont à prendre au sérieux. Leur plan est simple : miser sur la technologie, autant sur le plan idéologique que pratique pour contrôler tous les aspects de notre vie, et utiliser les guerres pour provoquer une diminution drastique de l’humanité, ceci car dans leurs plans seule une diminution drastique du nombre d’habitants peut leur permettre de maintenir notre/leur mode de vie, et donc de maintenir leurs avantages, ceci tout en diminuant la pollution et le pillage des ressources introduites par ce mode de vie basé sur l’exploitation.

Les 500 millions de morts dont parle Zinovief sont donc bien peu en comparaison de ce qui va se passer si nous continuons à laisser faire les pires d’entre nous.

26/04/2014 15:16 par Les Pacifistes de Tunis

UNE PETITE DERIVE TOTALITAIREMENT REGRETTABLE

Merci au GRAND SOIR qui continue, avec un texte comme celui-ci (datant quand même un peu : la Chine a changé un peu et défie sur tous les plans (organisationnels, administration de la recherche, etc. malgré ce que croit Zinoviev) à nous faire rêver d’un Grand Soir.
Le texte est très intéressant et dit par un homme intelligent qui dit justement que le monde est tenu par 3 OPIUMS des peuples :

la BANQUE (l’argent),
la GUERRE (la violence > il faudrait ajouter la violence symbolique) et
la PORNOGRAPHIE (le sexe > pour la 1ère fois dans l’Histoire de l’Humanité, la pornographie (qui est une industrie capitaliste) est mondialisée, depuis la chute de l’Union Soviétique exactement)(on a pas fini de mesurer encore l’effet de cette arme la plus sophistiquée jamais réalisée car elle agit sur cette zone de l’esprit appelé le désir)(les Chinois et les Cubains ont compris, eux et la contrôlent correctement).
Mais il y a une petite dérive presque raciste qu’il aurait pu éviter.

Zinoviev dit « Le but est de créer en Europe une situation semblable à celle des États-Unis. Savoir que l’humanité va être heureuse, mais sans Français, ne devrait pas tellement réjouir les Français actuels. Après tout, laisser sur terre un nombre limité de gens qui vivraient comme au Paradis, pourrait être un projet rationnel. Ceux-là penseraient d’ailleurs sûrement que leur bonheur est l’aboutissement de la marche de l’histoire. Non, il n’est de vie que celle que nous et les nôtres vivons aujourd’hui. »

Pourquoi, lui aussi est-il obsédé par la France ? Là, il parle (non plus comme un sociologue du calibre de PIERRE BOURDIEU mais) presque comme, disons, Marie LEPEN et c’est triste.

Ailleurs, il parle des « peuples qui ont fait notre civilisation, je pense avant tout aux peuples latins ». C’est pas parce qu’on est pas Européens qu’on fait la remarque. C’est parce qu’on est internationa-listes (comme Zinoviev dans sa jeunesse soviétique). Il devrait savoir ce que doit "la civilisation latine" aux autres civilisations, notamment arabe. La Preuve est qu’il mentionne presque la Renaissance comme le début de l’Histoire. Or, avant la Renaissance, l’homme européen vivait dans les cavernes de l’obscurantisme scientifique et culturel, ce qui n’était pas le cas de l’autre côté de la Méditerranée. Et la Renaissance, c’est précisément la découverte de ce qu’y faisait et le début d’emprunts et d’échanges fabuleux.

Qu’il lise Max Lejbowicz. LES GRECS, LES ARABES ET NOUS. ENQUETE SUR L’ISLAMOPHOBIE SAVANTE, éd. Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed, Irène Rosier-Catach, Paris, Fayard, 2009, 374p. http://crm.revues.org/11662

Merci en tout cas encore au service de veille du GRAND SOIR pour le choix des textes.

EVVIVA LENIN, IL COMUNISMO, LA PACE E LA LIBERTA !

26/04/2014 16:08 par Les Pacifistes de Tunis

(note : commentaire resoumis suite à pb techn. On a ajouté en Postscriptum un événement très important sur la Révolution des Oeillets)

UN TEXTE PREQUE PARFAIT MALGRE UNE PETITE DERIVE TOTALITAIREMENT REGRETTABLE

Merci au GRAND SOIR qui continue, avec un texte comme celui-ci (datant quand même un peu : la Chine a changé un peu et défie sur tous les plans (organisationnels, administration de la recherche, etc. malgré ce que croit Zinoviev) à nous faire rêver d’un Grand Soir.
Le texte est très intéressant et dit par un homme intelligent qui dit justement que le monde est tenu par 3 OPIUMS des peuples :

1) la BANQUE (l’argent),
2) la GUERRE (la violence > il faudrait ajouter la violence symbolique) et
3) la PORNOGRAPHIE (le sexe > pour la 1ère fois dans l’Histoire de l’Humanité, la pornographie (qui est une industrie capitaliste) est mondialisée, depuis la chute de l’Union Soviétique exactement)(on a pas fini de mesurer encore l’effet de cette arme la plus sophistiquée jamais réalisée car elle agit sur cette zone de l’esprit appelé le désir)(les Chinois et les Cubains ont compris, eux et la contrôlent correctement). ALDOUS HUXLEY EN 1932 (LE MEILLEUR DES MONDES) : "On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté."

Mais il y a une petite dérive chez ZINOVIEV presque "raciste" qu’il aurait pu éviter (un petit péché en sorte). Il dit :

« Le but est de créer en Europe une situation semblable à celle des États-Unis. Savoir que l’humanité va être heureuse, mais sans Français, ne devrait pas tellement réjouir les Français actuels. Après tout, laisser sur terre un nombre limité de gens qui vivraient comme au Paradis, pourrait être un projet rationnel. Ceux-là penseraient d’ailleurs sûrement que leur bonheur est l’aboutissement de la marche de l’histoire. Non, il n’est de vie que celle que nous et les nôtres vivons aujourd’hui. »

Pourquoi, lui aussi est-il obsédé par la France ? Là, il parle (non plus comme un sociologue du calibre de PIERRE BOURDIEU mais) presque comme, disons, Marie LEPEN et c’est triste.
Ailleurs, il parle des « peuples qui ont fait notre civilisation, je pense avant tout aux peuples latins ». C’est pas parce qu’on est pas Européens qu’on fait la remarque. C’est parce qu’on est internationa-listes (comme Zinoviev dans sa jeunesse soviétique). Il devrait savoir ce que doit "la civilisation latine" aux autres civilisations, notamment arabe. La Preuve est qu’il mentionne presque la Renaissance comme le début de l’Histoire. Or, avant la Renaissance, l’homme européen vivait dans les cavernes de l’obscurantisme scientifique et culturel, ce qui n’était pas le cas de l’autre côté de la Méditerranée. Et la Renaissance, c’est précisément la découverte de ce qu’y faisait et le début d’emprunts et d’échanges fabuleux.

Qu’il lise Max Lejbowicz. LES GRECS, LES ARABES ET NOUS. ENQUETE SUR L’ISLAMOPHOBIE SAVANTE, éd. Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed, Irène Rosier-Catach, Paris, Fayard, 2009, 374p. http://crm.revues.org/11662

Merci en tout cas encore au service de veille du GRAND SOIR pour le choix des textes.
EVVIVA LENIN, IL COMUNISMO, LA PACE E LA LIBERTA !

POST SCRIPTUM IMPORTANT
aujourd’hui c’est aussi le 40ème anniversaire de la Révolution des Œillets (Portugal, 25 avril 1974) avec l’Avènement du pouvoir du peuple et on a écrit un petit article de solidarité internationaliste entre la Tunisie, la Libye et le Portugal.
Embrassez tous les Portugais que vous croisez dans la rue. Vous les reconnaîtrez facilement physi-quement car, comme dit la chanson GRANDOLA VILA MORENA de la Révolution des Oeillets, ils sont différents des autres Européens : "on lit l’Egalité sur leur visage".

26/04/2014 23:01 par AristippeO

Comme le souligne Les Pacifistes de Tunis, le sexe ou plutôt le marché du sexe est un formidable anesthésiant social ; l’orgasme comme compensation à la frustration du collectif et du sens. Paradoxalement le sens se réduit aux sens (suis fière de cette trouvaille !!)
Il y a un immense vide d’études sociologiques ou autres sur la pornographie ou la prostitution. Généralement on n’en parle qu’en terme économique, des chiffres secs sans le visages de ceux qui sont aujourd’hui les travailleurs de cette industrie.
Depuis 4 ans je vais ponctuellement sur un site de rencontre, c’est un site allemand, c’est le plus grand site de rencontre gay de monde. A mon inscription j’étais étonné de voir une petite fenêtre "escorts", j’ai navigué dans les recherches localisés et j’ai trouvé dans ma région Normandie (Haute et Basse) 5/6 profils d’escorts si mes souvenirs sont bons. Aujourd’hui 26/04/2014 j’en compte 65..dont 37 ont moins de 26ans, j’y ai même reconnu des hommes que je connais et a mon effarement un ex-compagnon (qui est papa divorcé) salarié au smic (reconnu par un tatouage particulier).
Mon impression est que les chiffres ont explosés en France, mais si je regarde la grèce, il y a presque autant d’offres sexuelle qu’en France sur ce site, un comble pour un pays qui compte 6 fois moins d’habitants !
S’il y a une montée en nombre, quasi exponentiel, des hommes sur le marché du sexe, elle doit certainement l’être pareillement pour les femmes, et pareillement du nord du monde qu’au sud !
Les chômeurs, les étudiants, les précaires, les CDI smic, célibataires, mères, pères, jeunes et vieux dans de mauvaises passes financières, tous, tous, tous il faudra s’y mettre ! Nos bras et nos cerveaux n’ont plus de valeurs mais nos orifices et nos organes OUI ! Le marché et la publicité "érotico-chic" sont près à faire autant ou plus d’argent que le complexe militaro-industriel.
La pornographie banalisée et "coolisée" ne fait que nous préparer à abandonner toutes réticences ou critiques, vendre son cul ou sa queue devient normal, un travail comme un autre en somme puisque qu’on est libre et moderne..
Il va de soit que de louer son utérus ou bien de vendre un rein, puisque notre corps nous appartient, sera aussi une nouvelle norme. Le marché semble juteux.
Je parle ici de ce que je vois et que j’entrevois. C’est une opignion, une intuition.
A part un article sur dedefensa qui aborde un peu la question, j’ai rien trouvé de convainquant sur ce sujet qui a en fait l’air assez tabou et que je pourrais résumé ainsi par le cynisme libéral "pauvres de tous pays devenez entrepreneur individuel de services sexuels à la personne pour vaincre le chômage" !

27/04/2014 15:19 par Collet Noel

parler de communisme sans définir le contenu, c’est un manque préjudiciable à la discussion. Cet article est à confronter au livre de ROGER KEERAN, "LE SOCIALISME TRAHI", les causes de la chute de l’Union Soviétique. Plusieurs causes sont intervenues, internes et externes. Internes ; le maintien d’espaces de capitalisme, depuis Staline, Lénine et Boukharine, qui ont généré la deuxième économie, (gendre de Brejnev passant au "tourniquet" avec son clan "Dolce Vita"), et les causes externes : la Cia, Reagan, etc... taper Keeran sur gogol, et vous aurez les infos, une vidéo, etc...

29/04/2014 16:00 par Dominique

Il n’empêche que l’analyse du capitalisme contemporain par Zinoviev comme démocratie totalitaire avec des administrations supranationales est parfaitement censée.

Tout y est, le culte du sexe, de la violence et de l’argent pour les riches, le puritanisme et la misère pour les masses avec pour seules portes de sortie la prostitution (pas forcément que sexuelle) ou l’extrémisme. Le tout sur un fond de totalitarisme d’une pensée unique qui refuse toute alternative par tous les moyens à sa disposition, y compris les plus violents et les plus iniques.

La situation actuelle a le mérite de simplifier la situation : nous avons d’un coté le capitalisme international, et de l’autre nous, tous les peuples du monde.

De plus, il y a deux nouvelles données du monde d’aujourd’hui qui toutes les deux nous ramènent au fondamental de la société, à la cause de toutes les causes : le rapport de l’homme avec la nature. Ces deux données sont l’épuisement inéluctable des ressources naturelles engendré par notre mode de vie et la disparition des conditions nécessaire à la vie supérieure dans notre seule source de vie, disparition engendrée elle aussi par notre mode de vie.

Ceci implique que le but du communisme doit moins que jamais être de remplacer un productivisme par un autre, mais au contraire de remplacer un productivisme par un non productivisme. En effet, notre société a déraillé non pas avec le capitalisme, mais à partir du moment où l’être humain s’est séparé de la nature au début de l’Antiquité. Cette séparation de la nature est le début d’un cercle vicieux qui implique que toutes les civilisations qui se sont suivies depuis ce moment ont été pires que la précédente.

La nôtre n’échappe pas à cette règle, 300 millions de morts lors de la seule traite des noirs, 65 millions de morts en 39-45, et aujourd’hui 35 millions de morts de faim chaque année alors qu’il y a suffisamment de nourriture pour tous et pour chacun.

Casser ce cercle vicieux est une chose. Faire un changement qui ne soit pas un simple changement de forme, de qui a le pouvoir, mais qui soit un changement de fond implique de l’empêcher de renaître de ses cendres. Ce qui implique de changer la cause de toutes les causes, notre rapport avec la nature.

Là nous touchons aux limites du marxisme comme du capitalisme et de ce que nous appelons une civilisation. Le marxisme, comme le capitalisme, est une idéologie matérialiste. Ce qui implique que le marxisme est excellent pour décrire une société matérialiste comme le capitalisme, y compris dans ses contradictions fondamentales, mais qu’il est bien emprunté pour nous décrire ce que sera l’après-capitalisme si celui-ci n’est pas matérialiste.

En effet, changer le rapport à la nature d’une société revient à changer l’ontologie même de la société. Le marxisme, et d’autres moyens, nous montre qu’un tel changement aujourd’hui est non seulement souhaitable mais aussi inévitable si nous entendons simplement assurer quelque chose d’aussi basique que la survie de l’humanité en temps qu’espèce. Par contre, il est impossible de dire d’un point de vue matérialiste ce que sera l’après-capitalisme non matérialiste.

Tout ce que peut faire le marxisme est nous donner un certains nombres d’outils pour construire la société de demain. Le Manifeste Communiste veut construire une société dont le but soit la pleine satisfaction des besoins humains. Nous avons vu le résultat en Russie dés Lénine puis avec l’URSS : une société productiviste. Ce qui implique que la cause de toutes les causes, notre rapport avec la nature basé sur son exploitation n’a pas été changée, et que dés lors les soviets ont été incapables de développer autre chose qu’une société basée sur l’exploitation. Il était dés lors inévitable pour eux de ne pas développer des espaces capitalistes, ceci d’autant plus que les puissances occidentales et avec elles la majorité de l’économie mondiale étaient capitalistes. C’est le problème principal aujourd’hui de pays comme Cuba ou le Venezuela : comment développer une société qui soit la plus socialiste possible dans un monde au capitalisme globalisé. La solution à ce problème passe par la fin du capitalisme, et pour cela il est nécessaire que les peuples des principales puissances capitalistes fassent eux aussi la révolution.

La pleine satisfaction des besoins humains implique de subordonner l’économie à cette satisfaction des besoins humains. Changer notre rapport avec la nature pour retrouver notre place au sein de la nature implique quelque chose de plus : subordonner l’économie aux besoins de l’ensemble de la planète, humains comme non-humains.

La pornographie comme la prostitution tirent leurs origines dans les rapports sociaux de notre société. Ces rapports sociaux sont justifiés moralement par les dogmes des religions. Toutes les religions organisées commencent par attribuer aux choses des qualités qu’elles n’ont pas : bien, mal, yin, yang,... De là, une première hiérarchie superstitieuse est faite entre les dieux, les hommes et le reste de la création. C’est la justification morale de la séparation de l’homme et de la nature, ainsi que de l’exploitation aveugle et de la destruction de la nature par l’homme.

Une deuxième hiérarchie est faite entre l’esprit et la chair. C’est autant la justification morale de la soi-disant supériorité du travail intellectuel sur le travail manuel que du puritanisme et de tous les tabous sexuels qui transforment l’être humain en une créature frustrée incapable de penser de façon rationnelle et de maîtriser sa violence.

Une troisième hiérarchie est faite entre les hommes, certains se retrouvant plus près des dieux que les autres, ou plus riches que les autres en version capitaliste, ou plus égaux que les autres en version des droits de l’homme. C’est la justification morale du racisme, clé de voute du diviser pour régner cher à la bourgeoisie.

Remettre l’homme à sa place comme partie intégrante de la nature, ou de la création, permettrait de supprimer d’un coup les justifications morales de toutes ces fausses hiérarchies, et de remplacer des superstitions par la science. En effet, les choses ne sont ni bien, ni mal, ni yin, ni yang par essence. Elles sont. Point. Et nous avons le choix d’en faire ce que nous voulons. À nous de cesser de faire le choix de la superstition et du racisme pour nous engager sur celui de la connaissance et du respect.

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