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Survol géopolitique post "révolution" ukrainienne : ce dont les gens n’ont pas l’air de se rendre compte.

Bon j’ai décidé de me fendre d’un dernier post avant de faire une pause pour fêter Pâques, ça en vaut la peine.

Certains d’entre vous m’ont interrogé sur le rôle de la Chine dans tout cela, sur les intérêts que poursuivent vraiment les Etats-Unis, sur la position de l’UE et sur ce que la Russie veut ou ne veut pas. Et, submergé par les détails des événements en cours, j’ai omis de mentionner quelque chose que Poutine, Lavrov et de nombreux autres politiciens russes de premier rang n’ont cessé de répéter :

Ce qui se produit aujourd’hui sous nos yeux, est la fin d’un système international et la naissance d’un système différent.

Curieusement, Poutine a déclaré que, pour lui, le point de non retour avait été atteint quand les Etats-Unis et leurs alliés du Conseil de Sécurité de l’ONU et de l’OTAN avaient utilisé sans scrupules l’autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU de mettre en place une zone d’exclusion aérienne en Libye pour en fait l’attaquer et la bombarder [Poutine savait bien que "toutes les mesures nécessaires pour protéger les citoyens" de la résolution permettaient aux Anglo-sionistes de faire ce qu’ils voulaient ; il a dit qu’on avait menti aux Russes pour ne pas enfoncer Medvedev qui s’était laissé abuser. Mais cela n’a pas d’importance pour le moment]. Poutine dit qu’à partir de ce moment-là il a acquis la conviction qu’on ne pouvait pas négocier avec l’Occident et qu’il fallait tout simplement l’empêcher de nuire. Puis la Syrie est arrivée : pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale les Etats-Unis ont été empêchés de faire ce qu’ils voulaient par une puissance extérieure, et cela d’une manière très humiliante pour eux.

La position russe sur la Syrie était un défi ouvert à l’hégémonie des Etats-Unis sur le monde. Washington l’a bien compris et maintenant, suite à la crise en Ukraine, les Russes l’ont ouvertement reconnu.

Le véritable enjeu de la guerre civile en Ukraine est donc ceci : pour les Etats-Unis, il s’agit de punir la Russie pour avoir osé défier leur hégémonie ; pour la Russie, il s’agit de détrôner la puissance hégémonique et d’instaurer à sa place un système international multipolaire dans lequel des nations souveraines respecteraient le droit international. On peut dire que, bien que le Conseil de Sécurité tente de s’y opposer de toutes ses forces, la Russie essaie de montrer au monde que les Etats-Unis ne possèdent pas l’ONU et qu’ils ne représentent que 1/5ème des 5 membres permanents et 1/15me du Conseil de Sécurité dans son entier.

L’Occident s’est complètement soumis aux Etats-Unis et à ses instruments de domination sur l’Europe : l’UE et l’OTAN. L’Europe de l’Est a même accepté de devenir un protectorat étasunien, et donc d’entreposer des missiles étasuniens et d’accueillir les prisons secrètes de la CIA.

A l’exception de l’Iran et de la Syrie, le monde arabe et musulman s’est vendu soit aux Etats-Unis soit à l’Arabie Saoudite, la plupart aux deux en même temps. L’Amérique Latine, malgré ses efforts, demeure très dépendante des Etats-Unis tandis que l’Afrique essaie de survivre de son mieux. Quant à l’Asie, certaines parties (le Japon et la Corée) se sont vendues comme l’Europe et d’autres font profil bas, tandis que la Chine soutient la Russie fidèlement mais à la manière un peu extérieure qui lui est particulière même si c’est elle qui, de tous les pays de la planète, tirera le plus grand profit d’un changement d’ordre international.

Les Russes auraient grandement préféré attendre et gagner du temps, mais la détermination des Etats-Unis à les punir pour avoir osé s’opposer à eux en Syrie les a forcés à choisir entre capituler ou résister ouvertement au défi étasunien en ne cédant pas de terrain.

Je le répète, Poutine n’avait pas le choix.

Et maintenant que la Russie a été obligée de se découvrir vous pouvez être surs que ce n’est pas pour revenir au statu quo antérieur. Avec une honnêteté incroyable, Poutine et Lavrov ont détaillé leurs objectifs à la TV russe (Lavrov dans le programme "dimanche soir avec Vladimir Soloviev" et Poutine dans sa session de questions et réponses de 4 heures d’hier).

Voilà donc le but des Russes : Déboulonner les Etats-Unis de leur position hégémonique. Et ce but implique des efforts bien supérieurs, bien plus larges et plus constants que de simplement forcer les enragés de Kiev à négocier. Ce but implique que la Russie doit notamment :

1) Forcer les Européens à prendre conscience du prix exorbitant qu’ils paient en tant que vassaux obéissants et silencieux des Etats-Unis et à les amener à enfoncer un coin entre les États-Unis et l’Europe.

2) Forcer les Etats-Unis à reconnaître qu’ils n’ont pas la puissance militaire nécessaire pour punir ni même "changer le régime" de tous ceux qui ne leur plaisent pas.

3) Encourager la Chine et d’autres pays asiatiques à soutenir ouvertement la Russie quand elle exige que les pays occidentaux respectent le droit international.

4) Remplacer graduellement le dollar par d’autres monnaies dans le commerce international et par là ralentir le financement de la dette étasunienne par le reste de la planète.

5) Créer les conditions pour que l’Amérique Latine et l’Afrique puissent choisir leur avenir, et anéantir la prérogative que s’arroge actuellement de l’Occident de décider des termes du dialogue Nord-Sud.

6) Proposer une autre modèle de civilisation qui rejetterait ouvertement le paradigme occidental en vigueur d’une société dirigée par de petites minorités arrogantes.

7) Défier l’ordre économique capitaliste et libéral actuel incarné par le Consensus de Washington et le remplacer par un modèle de société sociale et solidaire au niveau international (qu’on pourrait appeler "socialisme du XXIe siècle").

Tout ce que je viens d’écrire peut être résumé en deux mots : retrouver sa souveraineté.

Depuis son élection, Poutine a souvent parlé de la nécessité pour la Russie de retrouver sa souveraineté. La crise ukrainienne l’a forcé à révéler son véritable objectif : rendre sa souveraineté à toute la planète.

C’est un projet d’envergure et il prendra des années, peut-être des dizaines d’années à réaliser, même si, à mon avis, l’incompétence abyssale et l’arrogance infinie des 1% de ploutocrates qui règnent sur l’Occident devrait contribuer à accélérer sa réalisation.

La grande question désormais est celle-ci : l’empire anglo-sioniste peut-il s’effondrer comme l’a fait l’Union Soviétique sans déclencher un bain de sang ?

Il y aura certes de la violence ici ou là, comme en Union Soviétique. Mais si on évitait une déflagration mondiale ou même une guerre à grande échelle, il faudrait considérer cela comme une victoire parce que c’est quand les empires s’effondrent qu’ils deviennent les plus dangereux et les plus imprévisibles.

J’espère que j’ai répondu à la plupart des questions que vous m’avez posées.

Merci beaucoup et à bientôt.

The Saker

PS : Je viens de tomber sur cette vidéo étonnante d’une femme qui arrête un blindé à Kramatorsk de ses mains nues. Je pense qu’on pourrait voir en elle le symbole de ce que Poutine veut faire avec l’empire anglo-sioniste.

Pour consulter l’original : http://vineyardsaker.blogspot.fr/2014/04/the-thing-which-everybody-seems-to-be.html

Traduction : Dominique Muselet

»» http://vineyardsaker.blogspot.fr/20...
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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse :
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