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Il y a vingt ans, la loi contre le voile : aux origines d’une « nouvelle laïcité », plus punitive, plus excluante

Le 15 mars 2004, le parlement français adoptait la loi sur « le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ». Ce vote faisait suite aux travaux de la commission Stasi à laquelle participait Jean Baubérot, et qui facilitera l’adoption d’une nouvelle conception de la laïcité. C’est son témoignage que nous publions ci-dessous, avec une introduction d’Alain Gresh.

Ce que l’histoire retiendra de la commission Stasi, du nom de Bernard Stasi, ancien ministre et ancien député centriste, mise en place le 3 juillet 2003 et qui a remis ses conclusions au président Jacques Chirac le 11 décembre de la même année, c’est qu’elle a prôné l’interdiction des signes religieux dans les écoles. Elle a facilité le vote d’une loi en ce sens le 15 mars 2004, texte que tout le monde désignera comme « loi sur le foulard », malgré son titre officiel, « loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ». Alors qu’au départ bon nombre de ses membres étaient hostiles à cette mesure, ils vont s’y rallier au fil des mois et adopter la vision selon laquelle la France ferait face à une « agression », selon les termes du président Chirac.

La commission Stasi, au-dessus de tout soupçon ?

La France vit un printemps 2003 agité, avec des enseignants en grève et des mobilisations contre la loi sur les retraites. Cependant les politiques et les médias préfèrent se focaliser sur des « problèmes de société ». Le 12 juin 2003, Le Canard Enchaîné résume la situation sous le titre : « Les mouvements sociaux font bâiller les journaux ». Les médias, en revanche, ont « embrayé » sur le foulard. Il est vrai qu’un tel sujet, poursuit le journaliste du Canard Enchaîné, « permet d’aborder certains thèmes en principe plus “vendeurs” : intégrisme, terrorisme, insécurité en tout genre ». Pourtant, un sondage révèle que 68 % des personnes interrogées pensent que les médias ont alors trop parlé du port du foulard.

Paralysé par ses divisions, aphone sur les retraites, coupé du mouvement enseignant, rallié au social-libéralisme, le Parti socialiste (PS) se réunit en congrès à Dijon au mois de mai 2003. Son numéro deux, Laurent Fabius, consacre l’essentiel de son discours à... la laïcité. Enfin un thème « de gauche » susceptible de rencontrer un écho parmi les enseignants. Les délégués, pour une fois capables de surmonter les clivages entre tendances, applaudissent. Ce déchaînement médiatique et politique s’accompagne de nombreuses enquêtes sur « ce qu’on ne peut pas dire sur l’islam ».

Mais on aurait tort de n’y voir qu’une simple diversion. « La guerre contre le terrorisme » et la lutte contre ceux qui chercheraient à mettre en cause la laïcité deviennent les axes des programmes des principales forces politiques. Le Front national (FN, aujourd’hui Rassemblement national) a réussi à imposer à tous la problématique de l’identité.

C’est dans ce contexte que se réunit une commission qui va être manipulée par son rapporteur, Rémy Schwartz. Le haut-fonctionnaire ne cache pas ses préférences pour une loi contre le foulard, et son adhésion à la vision imposée par le pamphlet islamophobe, Les Territoires perdus de la République, (1)
dont il fait l’éloge publiquement. Il veut donc arracher à tout prix une unanimité contre le foulard, question qui n’est pourtant abordée qu’en fin de travaux. Il sélectionne les témoignages pour imposer l’idée selon laquelle les lycées et les hôpitaux seraient les victimes d’une offensive concertée qui « testerait les défenses de la République ». Jean Baubérot, dont nous publions le témoignage ci-dessous, (2) sera le seul à s’abstenir sur le rapport. Après avoir demandé à plusieurs reprises que l’on auditionne d’autres enseignants que ceux sélectionnés, il se voit opposer une fin de non-recevoir. À aucun moment ne sont auditionnés des chefs d’établissement pour que la question se règle sur le terrain, par la discussion.

Autre membre de la commission, le sociologue Alain Touraine explique comment, malgré son insistance, l’équipe permanente autour de Schwartz n’a jamais pris la peine de chercher des interlocutrices musulmanes. Sans même parler du refus – levé le dernier jour, alors que les jeux étaient déjà faits – d’entendre des femmes portant le foulard. La commission avait pourtant auditionné sans état d’âme le FN. Au final, la commission permettra d’entériner une remise en cause fondamentale de la loi de 1905 et l’imposition d’une laïcité punitive.

Il faudra attendre le mois de juillet 2004 pour que Bernard Stasi le reconnaisse : « La presse et les pouvoirs publics semblent n’avoir retenu, dans le rapport de la commission sur la laïcité, que l’interdiction des signes religieux à l’école, alors qu’il y avait aussi des propositions positives. C’est une erreur que je ne comprends pas et que je regrette » (3).

. Une erreur, vraiment ?

Charles Mercier. — Parallèlement à la mission parlementaire Debré, reprenant une suggestion du rapport Baroin (juin 2003), le président de la République, Jacques Chirac, institue en juillet 2003 une commission chargée de « réfléchir à l’application du principe de laïcité dans la République », dont la présidence est confiée à l’ancien député centriste Bernard Stasi. Jean Baubérot, vous avez fait partie de cette commission Stasi, dont vous avez vécu les travaux de l’intérieur. Vous avez d’ailleurs analysé, en sociologue, la dynamique des travaux. Vous qui êtes classé à gauche, est-ce que vous avez hésité avant d’accepter d’intégrer cette commission initiée par un pouvoir de droite ? Comment avez-vous perçu sa manière de fonctionner ?

Jean Baubérot. — Non, je n’ai eu aucune hésitation. Titulaire de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’École pratique des hautes études, j’estimais, étant rétribué sur fonds publics, que je devais accepter les diverses sollicitations du politique. Or, dans la période entre le 11 septembre 2001 et les débats sur la loi de 2004, celles-ci furent nombreuses, de l’extrême gauche à la droite de gouvernement. D’autre part, nous avions tous voté Jacques Chirac, pour éviter Jean-Marie Le Pen, au second tour de la présidentielle de 2002 et cela créait un certain climat « d’axe républicain ». D’ailleurs, dans ce cadre, j’étais déjà un « visiteur du soir » de l’Élysée en vue de préparer le centenaire de la loi de 1905. Avec Régis Debray nous avions soumis de grandioses projets au président de la République, ceux-ci tombèrent à l’eau, suite au vote de la loi du 15 mars 2004. C’est un fait peu connu mais important : au vu des réactions nationales et internationales que cette loi a suscitées, la célébration du centenaire fut confiée à l’Académie des sciences morales et politique afin d’être aseptisée. Enfin, l’Élysée m’avait assuré que la commission serait pluraliste, transpartisane, ce qui a bien été le cas.

Oui, j’ai tenté ensuite d’analyser comment la commission a fonctionné, comment un esprit de groupe et une idéologie dominante se sont constitués, comment et pourquoi il y a eu, à la fin des séances, un processus de persuasion mutuelle (4).

Quelques points : la commission a passé l’essentiel de son temps à rédiger un rapport et il n’est pas facile pour vingt personnes d’opinions diverses de se mettre d’accord sur un texte ! Certains commissaires se disputaient parfois pour des virgules, dans la croyance un peu naïve que ce rapport serait considéré comme le centre de leur travail. Quant aux recommandations, celle qui a été, de loin, la plus discutée par la commission a été le projet concernant les jours fériés, afin d’y inclure une fête juive et une fête musulmane. Nous voulions présenter une proposition réaliste, tenant compte des contraintes de l’école et de celles des entreprises. Nous y avons réussi mais cela nous a pris pas mal de temps, et le politique n’a pas pris en compte notre proposition.

Ces différents facteurs ont fait que nous avons pris pas mal de retard et la question du voile n’est arrivée en débat que le dernier jour de nos travaux. Mais elle avait été progressivement, et habilement, mise sur orbite par le staff, opérant un court-circuit entre droit des femmes et laïcité. Un seul exemple, très significatif, pour illustrer cela : trois talentueuses jeunes-femmes – elles avaient fait l’École nationale supérieure (ENS) ou l’École nationale d’administration (ENA) - nous servaient, en début de séance, le café et des croissants. Ce fait, assez étonnant, réducteur quant au genre, n’était pas dû au hasard : elles en profitaient pour discuter avec nous et je me souviens que l’une d’entre elles m’a dit, avec un charmant sourire : « Monsieur Baubérot, vous qui êtes féministe, vous allez, bien sûr, voter en faveur de l’interdiction du voile » !

D’une manière générale, si la commission avait abordé frontalement les droits des femmes, elle aurait dû traiter bien d’autres problèmes. La suite l’a amplement prouvée, mais on le savait déjà : en juin 2003, au moment où elle se constitue, est publiée la grande Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff). Effectuée, suite à une demande ministérielle, par une équipe pluridisciplinaire, elle met en évidence l’ampleur de l’omerta qui règne sur les violences faites aux femmes et évalue le nombre de viols annuels à environ 50 000. Pour la laïcité, progressivement, il a été clair qu’aucune modification ne serait faite au subventionnement public des écoles privées sous contrat, et que le contrôle de leurs obligations ne serait pas renforcé ; de même, (suscitant la double protestation d’Henri Pena-Ruiz et de moi-même), on a fait l’impasse sur tout examen sérieux de la situation en Alsace-Moselle, où la loi Jules Ferry laïcisant l’école publique et la loi de 1905 séparant les Églises de l’État ne s’appliquent pas.

Donc, par ce court-circuit entre droits des femmes et laïcité, le port du foulard est, in fine, advenu au premier plan. J’ajouterai que la mise en forme de nos séances et du rapport a été assurée par l’adjoint du rapporteur, un certain Laurent Wauquiez. J’ai protesté, à plusieurs reprises, sur la façon dont il biaisait nos travaux.

Ch. M. — Dans cette commission, vous êtes le seul à vous être abstenu sur la section du rapport préconisant l’interdiction du vote des signes religieux ostensibles. Mais, après la remise du rapport, d’autres membres de la commission, comme René Rémond, ont regretté d’avoir voté le rapport et ont dénoncé le projet de loi du 15 mars 2004. Avez-vous aussi cherché à peser, entre janvier et mars 2004, pour tenter de faire bouger les équilibres ?

J. B. — À la fin des travaux de la commission, le 9 décembre, (5) j’ai émis deux propositions : la première, pour l’honneur car elle n’avait aucune chance d’être adoptée, consistait à transformer en loi l’avis de 1989 du conseil d’État ; celui-ci tolérait un port non-ostentatoire de signes religieux par les élèves et sanctionnait certains comportements. J’avais travaillé l’élaboration d’une proposition de loi avec un juriste. Ma seconde proposition, plus réaliste au vu de l’évolution de la commission (que l’on peut résumer par la métaphore de l’entonnoir), consistait à indiquer que les « tenues religieuses ostensibles » étaient interdites (mais pas les « signes ») et que, dans le rapport, il serait précisé que le bandana n’en était pas une, donc, n’avait pas à être prohibé comme le port du voile, de la kippa et des pseudo grandes croix. Je reste persuadé que si ce compromis avait été adopté, la suite des événements aurait pu être différente. Mais l’équipe a refusé de le mettre aux voix et la commission n’a pas protesté. Je me suis donc abstenu, ne voulant pas adopter une mesure mettant le doigt dans un dangereux engrenage, mais ne voulant pas non plus, en votant contre, risquer de me faire instrumentaliser par l’islamisme politique. D’autre part, pour moi, comme d’autres faits sociaux, le port du voile est marqué d’ambivalence.

Cependant, il est intéressant de préciser que, lors du vote, en fin de matinée, nous étions trois à nous être abstenus. Le rapporteur, Rémy Schwartz, déclara alors que nous avions l’après-midi pour changer d’avis. Comme certains m’avaient confié leurs doutes, j’ai déclaré : « Tant mieux, nous serons alors six ou sept à nous abstenir ». Cela amena Schwartz à préciser que le changement de vote possible ne concernait que les trois abstentionnistes ; pour les autres, « c’est fini » indiqua-t-il ! C’est ainsi que, finalement, je me suis trouvé le seul à m’abstenir.

En réponse à votre seconde question : non, je n’ai pas tenté de modifier le cours des choses, au début de 2004, car le discours de Chirac, le 17 décembre 2003, juste après la remise du rapport, montrait que les jeux étaient déjà faits. J’ai d’ailleurs trouvé l’attitude de René Rémond et d’Alain Touraine à ce sujet un peu pathétique. Pour ma part, je me suis plutôt préoccupé de contrer le récit légendaire qu’ils propageaient, prétendant que la commission n’avait pas eu d’autre choix, et nous avons alors échangé des mots assez durs. D’autre part, le ministère des affaires étrangères m’a confié la direction du panel « Religion et politique » dans un forum, organisé par Jacques Chirac, qui réunissait des représentants des gouvernements des deux rives de la Méditerranée et du Golfe arabo-persique. Et il était clair que mon abstention était une des raisons de ma désignation. J’ai été d’accord pour endosser cette responsabilité ; en effet, il m’a semblé important, vis-à-vis de certains pays, de montrer qu’en France on pouvait critiquer la politique du gouvernement sans se retrouver en prison, mais, au contraire, en continuant à recevoir des missions officielles.

Ch. M. — Dans l’exposé des motifs de la loi du 15 mars 2004, il est écrit : « Ce texte s’inscrit dans le droit fil de l’équilibre qui s’est construit patiemment depuis des décennies dans notre pays autour du principe de laïcité. Il ne s’agit pas, par ce projet de loi, de refonder la laïcité ». Est-ce que malgré cette déclaration d’intention, la loi n’a pas exprimé et produit une nouvelle laïcité, conçue non plus comme un principe garantissant la neutralité de l’État mais comme un instrument d’acculturation aux valeurs républicaines ? Est-ce que la loi n’a pas accéléré la cristallisation d’un nouvel imaginaire de la laïcité ?

J. B. — La loi de 2004 a-t-elle instauré une « nouvelle laïcité » ? Non et oui. Non car, durant le mandat de Chirac, la loi est restée conforme à l’esprit dans laquelle la commission Stasi l’avait proposée : une exception, limitée par la mention explicite des signes ostensibles interdits à des élèves mineurs, dans une liberté qui restait la règle générale. D’ailleurs, conformément à une autre proposition de la commission, Chirac a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), et celle-ci a soigneusement veillé à ce que la loi ne déborde pas de son cadre. Mais, à la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy l’a emporté sur Ségolène Royal : il a normalisé puis supprimé la HALDE (ce que n’aurait certainement pas fait cette dernière). Ensuite, il fait voter la loi de 2010, interdisant le port du niqab dans l’espace public, et son ministre Luc Chatel a interdit le port du foulard aux mères de familles accompagnant les sorties scolaires. La normalisation, puis la suppression de la HALDE, à mon avis, a joué un rôle essentiel, souvent oublié, dans l’établissement de la nouvelle laïcité.

Cependant, oui, la loi de 2004 marque le début d’un glissement de la neutralité arbitrale de l’État vers des mesures de neutralisation vestimentaire d’individus. La circulaire de Luc Ferry (ministre de l’Éducation nationale en 2004) a d’ailleurs accentué cette dérive. Contrairement à la commission, elle a évoqué la possibilité d’étendre la loi à d’autres signes que ceux explicitement proscrits. Dès lors, la boite de Pandore pouvait être totalement ouverte : port du burqini, de robes longues, du foulard dans les entreprises accomplissant une mission de service public, etc. Effectivement, un nouvel imaginaire de la laïcité a prévalu. Je rappelle ce qu’Aristide Briand avait énoncé en 1905 : aux yeux de l’État laïque, la tenue des prêtres, la soutane, « est un vêtement comme un autre ». Cela signifie que la laïcité ne se préoccupe pas de savoir si un vêtement est religieux ou non, car un vêtement est de l’ordre du réversible, une tenue ne porte pas atteinte à la liberté de conscience. Advient donc, à partir de 2004, et encore plus après 2007, une « nouvelle laïcité » qui tourne le dos à la laïcité historique et se nourrit d’affaires médiatisées ; elle avantage les écoles privées sous contrat en édictant une interdiction valable pour les élèves des seules écoles publiques. (6)

Ch. M. — Y a-t-il un continuum avec les décisions politiques ultérieures sur la laïcité ? Avec 20 ans de recul, peut-on dire que le vote de cette loi impulse un nouveau cycle ? Dans quelle mesure la présidence de François Hollande, marquée par la création de l’Observatoire de la laïcité, a marqué une inflexion ? Et celle d’Emmanuel Macron ?

J. B. — En réponse à cette question, j’indiquerai que Sarkozy avait confié le dossier « laïcité » au Haut conseil à l’intégration, ce qui revenait à dire que la laïcité concernait avant tout les immigrés et leurs descendants. Les Franco-français étaient, tel Obélix, tombés dans la marmite laïcité à leur naissance ! François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont enlevé le dossier laïcité au HCI et ils ont créé l’Observatoire de la laïcité, ce qui, avec l’instauration du mariage de personne de même sexe, restera la mesure la plus positive de ce quinquennat. Mais les attaques que l’Observatoire a subies, dès 2016 avec Manuel Valls, et sa fin actée par Macron, en 2021, montrent la puissance du lobby de la nouvelle laïcité. Alors, bien sûr, les attentats terroristes ont joué un rôle déterminant. Reste qu’en pratiquant des amalgames et une laïcité à géométrie variable, donc discriminante (cf. l’attitude différente des autorités envers les lycées Averroès et Stanislas), on met en œuvre une laïcité inefficace, contreproductive : en fait, on sert la soupe à ceux-là même que l’on prétend combattre.

 https://orientxxi.info/magazine/aux-origines-d-une-nouvelle-laicite-plus-punitive-plus-excluante,7131

COMMENTAIRES  

20/03/2024 11:55 par Migus Alain

Il existe une autre information et ensuite se faire son opinion
Henri Peña-Ruiz : "La ’loi sur le voile’ n’existe pas" (marianne.net , 18 mars 24)

http://www.laicite-republique.org/henri-pena-ruiz-la-loi-sur-le-voile-n-existe-pas-marianne-net-18-mars-24.html

20/03/2024 13:26 par françois gerard

Aux origines d’une " nouvelle laïcité " plus punitive, plus excluante
Rien que ce titre est déjà un problème car cela voudrait dire que "l’ancienne laïcité" était déjà, dans l’esprit de ces auteurs par essence en soi punitive et excluante .
Et bien non, la laïcité n’est ni punitive ou excluante, mais permet tout simplement à tous et à toutes de pouvoir croire ou pas sans que cela soi un problème. On vient de mettre dans la constitution le droit à l’avortement, alors, il faut y aussi mettre la laïcité comme un des fondements de la république et de mettre sur les frontons des mairies liberté égalité fraternité laïcité, sur tous les édifices et lieux publics ( écoles, assemblée nationale, ministère, assemblée départementale et régionale etc etc ) J’ai ai marre de toutes ces bondieuseries cathos et islamiques ou autres BASTA

20/03/2024 20:13 par RV

extrait de l’article "Une révolution conservatrice dans la laïcité" de Pierre Tevanian
https://lmsi.net/Une-revolution-conservatrice-dans-la-laicite
(publié initialement en mars 2004)
Cet article est un bijou !

"Je suis professeur en lycée, et que le foulard soit interdit ou pas, rien n’empêchera que je sache ce que sont mes élèves. Ils ont mille manières de l’exprimer - et je ne crois pas que cette expression « identitaire » soit en elle même un mal. J’ai même tendance à penser qu’il est bon qu’un professeur connaisse ses élèves, qu’il sache qui ils sont - en d’autres termes qu’il connaisse leurs identités, qu’il s’agisse d’identité religieuse ou d’autres traits identitaires ( ce n’est pas l’expression identitaire qui est dangereuse, mais seulement l’imposition aux autres d’une norme identitaire). Mais surtout : le fait de connaître une « différence », de savoir par exemple que les uns croient et les autres pas, que les uns sont musulmans et les autres autre chose, ne m’a jamais empêché de les traiter en égaux. Si le fait de connaître une différence entre deux personnes vous empêche de les traiter de manière égale, le problème n’est pas ce que l’élève porte sur sa tête, c’est ce qu’il y a dans la vôtre. Et cela s’appelle le racisme."

21/03/2024 06:02 par Francine lo

"La France vit un printemps 2003 agité, avec des enseignants en grève et des mobilisations contre la loi sur les retraites. Cependant les politiques et les médias préfèrent se focaliser sur des « problèmes de société »."

Oui, toujours la même stratégie de diversion par les médias pour ne pas parler des fondamentaux de la société française, et encore moins traiter des sujets ultra sensibles pour le pouvoir, tel revenir à un enseignement public de qualité avec enseignants rémunérés correctement, des enfants bien encadrés, bien conseillés, correctement nourris et traités comme des futurs acteurs et décideurs, qui éviterait l’hémorragie vers les écoles privées, presque toutes soumises au religieux et à la rentabilité financière.

Sinon depuis 20 ans, le voile porté par des femmes musulmanes a eu tout le loisir de s’épanouir. Il s’arrêtait sur leurs épaules, maintenant il tombe jusqu’au sol. Ce doit être juste une question de mode, pas la peine de s’en offusquer. De même les regards qui tombent au sol, par exemple quand une femme croise un homme qui comme tous les hommes est un être libidineux qui ne pense qu’à forniquer ou à redonner du sens à la vie d’une femme, c’est à dire procréer, il faut le voir comme une marque d’émancipation depuis les beurettes des années 80 qui se faisaient traiter de putes dans leur famille parce qu’elles avaient envie de profiter de la vie comme leurs frères...

21/03/2024 10:22 par J.J.

François Gerard @ Bien d’accord, mais j’ajouterai : application stricte de la loi sur les signes religieux : interdiction dans les lieux publics de tout signe religieux, quelle que soit sa taille et quelque soit la croyance concernée, et arrêt des subventions à des établissements d’enseignement non publics et donc potentiellement non laïcs.
Telle qu’elle est appliquée, la loi de 1905 est une parodie, un faux nez des héritiers des "dévots", un détournement sectaire et partisan de l’esprit de cette loi.
Contrairement à ce que certains prétendent, la loi de séparation des églises et de l’état n’est pas anti religieuse, elle est au contraire une garantie pour les croyants comme pour les non croyants de la liberté de pensée, à condition de ne pas s’exprimer dans l’espace public et de ne pas favoriser l’expression des uns au détriment des autres.. .

21/03/2024 14:38 par CAZA

HéHé le lecteur LGS serait il un suprémaciste blanc qui s’ ignore .
L’ épidémie millénaire schizophrène occidentale qui génocide en pensant être le parangon de vertu universaliste frappe aussi sur LGS .
Antanlontan c’ était au nom de l’ évangile , maintenant c’est pour promouvoir le matérialisme athée .

A méditer ce dialogue au demandeur d’ asile . :
Toi aujourd’hui tu es seul . Tu es sans père , ni mère et tu es sans patrie ,sans pays .
Vous les congolais , on vous expulse de vos terres , on vous tue à la kalachnikov .On viole vos femmes et on extrait des vos terres les sanglants diamants de la honte pendant que l’ ONU ferme les yeux sur l’ horreur et les atrocités .>>
https://ici.radio-canada.ca/info/videos/1-8794152/nouveaute-cinema-temps-un-ete-louise-archambault

Sondage d’opinion sur LGS .
Le lecteur est il raciste , ethnocentrique , xénophobe ?
Existe t il des lecteurs partisans de l interculturalisme ou du multiculturalisme ?
https://www.monde-diplomatique.fr/1975/06/BENOIST/33197

Je remets ici :
<< HéHé ,c’est ni une femme ,ni un signe religieux ,mais une véritable grand voile qui peut te faire atteindre les 20 noeuds .
Aurait fallu y penser avant qu’ un être humain n’ est pas une marchandise mais se défini par sa culture avant de les faire venir .
Et voilà même chez les musulmans les classes sociales ça existe et les différents niveaux sociaux culturels aussi .
Et c’ est qui qui est ici et qui vit dans des conditions honteuses ? Ce serait pas ceux dont le mode de vie a été détruit par le capitalisme colonialiste ?
Lorsqu’ ils venaient dans les locaux français mes collègues musulmans faisaient leurs prières dans les sanitaires et pour le reste étaient polis , élevaient leurs enfants avec amour et ces derniers respectaient la loi et ne conduisaient pas sans permis , toléraient mon incroyance religieuse lorsque j’ étais dans leur pays ( et même du vin aux repas ) et avaient une attitude rationnelle et cartésienne idem la mienne .
Ils ne m’ ont jamais parlé des myllllions de morts dont la France était responsable et j’ ai jamais dit que leur civilisation avait 500 ans de retard sur l’ occident .
La stupidité des occidentaux , dont le subconscient reste imprégné par le racisme suprémaciste du blanc, hérité des génocides coloniaux , est telle qu’ ils sont encore persuadés de la supériorité morale de leur civilisation alors qu’ ils sont à l’ origine des pires atrocités que l’ espèce humaine ait pu perpétrer ( et continu dans l’ allégresse )

ou ici :Une laïcité qui normalise ( cautionne ? ) l’ islamophobie ?
<<<< Il y a vingt ans, la loi contre le voile
Aux origines d’une « nouvelle laïcité », plus punitive, plus excluante >>>
https://orientxxi.info/magazine/aux-origines-d-une-nouvelle-laicite-pl...,7131

Devinette :
Qui a colonisé et pillé et pille encore les pays musulmans ?
Qui a transformé les musulmans en migrants et demandeurs d’ asile ?
Qui a profité de cette main d’ oeuvre sous payé après être même allé la recruter sur place ?
Une autre façon de faire non prédatrice eut elle été possible ?

Vraiment pas reconnaissant ces gens de ne pas vouloir adopter notre matérialisme athée et lui préférer leur obscurantisme religieux .

21/03/2024 20:30 par CAZA

Suite
L’ article complet du Diplo

L’ethnocentrisme est la chose du monde la mieux partagée. S’il faut en croire l’ethnologie, « l’humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village ; à tel point qu’un grand nombre de populations dites primitives se désignent d’un nom qui signifie les « hommes » (ou parfois-dirons-nous avec plus de discrétion – les « bons », les « excellents », les « complets »), impliquant ainsi que les autres tribus, groupes ou villages ne participent pas des vertus – ou même de la nature -humaines mais sont tout au plus composés de « mauvais », de « méchants », de singes de terre » ou d’« œufs de poux », On va souvent jusqu’à priver l’étranger de ce dernier degré de réalité en en faisant un « fantôme » ou une « apparition » (1). »

Ce point de vue immédiat correspond donc bien dans chaque groupe à un désir de persévérer dans son être, ce que Spinoza appelait le conatus, c’est-à-dire l’effort. Appelons-le sentiment renforcé d’une identité solitaire : Lévi-Strauss le caractérise comme un désir de « rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit ». Depuis les Grecs, pour qui tout ce qui ne parlait pas grec était appelé Barbare (de par l’onomatopée du bruit que faisaient ces langues perses, égyptiennes, etc.), jusqu’à la plus reculée des communautés amazoniennes, l’ethnocentrisme fonctionne comme un renfort du sentiment de l’identité ethnique ; il constitue une manière de réancrage dans la certitude que les valeurs du groupe s’identifient à la nature humaine en général ; et il faut bien admettre que, sans ce facteur de cohésion culturelle, nulle communauté ne saurait se maintenir dans la durée. L’ethnocentrisme apparaît donc comme un élément culturel indépassable de la vie et peut-être même de la survie d’un groupe : certitude d’une identité poussée jusqu’à la négation symbolique de l’autre, il fonctionne en même temps comme revendication d’une différence absolue, refus de se laisser dissoudre dans la communauté artificiellement établie d’une universalité du même. Mais tout cela se passe confusément, et au niveau immédiat. C’est, si l’on veut, une manière de réflexe, un ensemble de « réactions grossières, écrit Lévi-Strauss, qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion, en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères » (2).

Comment, de ce réflexe naïf qui consiste à refuser d’admettre le fait même de la diversité culturelle, on a pu passer à l’attitude hostile et discriminatoire qui consiste non seulement à nier l’autre magiquement, mais aussi réellement, en un corpus constitué de doctrine qui a conduit souvent à la plus atroce et à la plus franche forme de racisme, le génocide, voilà qui mérite réflexion.

L’ambiguïté fondamentale de l’ethnocentrisme consiste en ce que, facteur souvent indispensable de cohésion d’un groupe, il peut se trouver porté jusqu’à l’attitude extrême du racisme et de la destruction de l’autre. Faut-il donc reconnaître un gradient de l’ethnocentrisme qui irait de l’inévitable sentiment d’identité jusqu’à la forme destructrice que porte en soi le racisme ? Ou, au contraire, ne faut-il pas y apercevoir le résultat de l’intervention de facteurs extrinsèques, qui contribueraient à engendrer dialectiquement le racisme et le génocide à partir de l’ethnocentrisme ?

C’est R. Jaulin qui a, parmi les américanistes, dégagé le concept d’ethnocide. Pierre Clastres, dans un article lucide et engagé, reprend ce terme en montrant quelle construction on peut envisager entre lui et le terme voisin de génocide : « Si le terme de génocide renvoie à l’idée de « race » et à la volonté d’extermination d’une minorité raciale, celui d’ethnocide fait signe non pas vers la destruction physique des hommes (...), mais vers la destruction de leur culture (...). En somme, le génocide assassine les peuples dans leur corps, l’ethnocide les tue dans leur esprit » (3).

Si l’ethnocentrisme est universel, il semble que la pratique de l’ethnocide soit le propre de la société occidentale dans son rapport avec les autres groupes. L’aventure de la technologie et du logos, dans laquelle le monde occidental s’est jeté à corps et âme perdus au-delà des limites de la décence morale et du respect des hommes, a eu pour effet non seulement de nous blesser nous-mêmes, tenants de cette rationalité porteuse de mort, mais de meurtrir aussi les autres peuples dans leurs codes culturels en les arrachant à leurs idéologies et à leur monde de représentations pour les intégrer de force aux nôtres.

Avant d’accompagner les dénonciateurs de l’ethnocide dans leur réquisitoire manichéen contre l’Occident porteur de mort, il convient d’apercevoir selon quel mouvement l’ethnocentrisme occidental, par sa tournure particulière, a pu mener à l’ethnocide, et comment ce mouvement d’engendrement de l’un par l’autre se répète inéluctablement au cours de l’histoire. On comprendra alors comment fonctionne l’attitude raciste.

Il est certain que l’Occident n’a pas attendu d’opérer sa révolution industrielle pour pratiquer l’ethnocide : bien avant de pouvoir pratiquer une confusion entre degré d’avancement technologique et valeurs de civilisation, l’Occident portait déjà dans les replis de sa superstructure de quoi se montrer ethnocidaire : les missionnaires et les jésuites qui baptisaient systématiquement les peuples dont les formes d’adoration et les panthéons ne sont pas réductibles au nôtre se rendaient coupables d’un ethnocide conscient ou non, réplique superstructurelle du génocide perpétré d’autre part sur la personne des Indiens par les conquistadores. Génocide et ethnocide fonctionnaient là de concert comme les deux faces d’une même axiomatique selon laquelle l’autre, le différent, n’était pensable que sous la forme d’un inférieur, dont il fallait éliminer l’écart qui le séparait de nous. Ces deux comportements impliquent, avec des degrés divers de bonne foi, que l’on doive réduire l’autre au même. Jusqu’à l’abolition physique de sa différence dans le génocide ; jusqu’à la réduction uniformisatrice dans l’ethnocide.

Or, bien souvent, le fonctionnement idéologique de l’ethnocide en tant que refus de la différence, c’est, en toute bonne foi, de servir de bouclier au racisme et au génocide. Si le racisme consiste à inscrire dans l’inéluctable d’une destinée biologique, donc d’un fatum, une différence pensée comme infériorité irréductible, la bonne foi de l’humanisme consiste à proclamer les droits d’une personne humaine (conçue selon les catégories d’une rationalité occidentale, bien sûr), et à montrer qu’en dépit de sa différence culturelle l’autre participe de ses droits : il s’agit donc, à la limite, de l’incorporer au champ du même, pour mieux le préserver d’un éventuel génocide. « L’ethnocide, écrit Pierre Clastres, aboutit à la dissolution du multiple dans l’un. » Illustrations de ces deux axiomes : 1) il y a des cultures inférieures ; 2) la culture occidentale est supérieure absolument.

On voit par là comment une culture, la nôtre, douée des meilleures intentions du monde, ne pouvait reconnaître leur dignité de personne humaine aux individus des autres cultures qu’à condition de faire cesser la différence dont ces autres cultures témoignent par rapport à la nôtre. Les baptêmes des missionnaires, les idéaux de certains colonisateurs de bonne foi, l’uniformisation opérée par les armées pacifiques des porteurs de techniques et de savoir, conscients d’opérer le progrès de ceux auxquels ils s’adressent en les convertissant à l’« American way of life » ou à l’« European way of life », toutes ces attitudes relèvent du même préjugé qui consiste à chercher « généreusement » à ramener l’autre à soi. Attitude optimiste, comme le souligne Pierre Clastres, par opposition au pessimisme fondamental du génocide : « L’esprit, si l’on peut dire, génocidaire veut purement et simplement nier la différence : on extermine les autres parce qu’ils sont absolument mauvais. L’ethnocide, en revanche, admet la relativité du mal dans la différence : les autres sont mauvais, mais on peut les améliorer, en les obligeant à se transformer jusqu’à se rendre, si possible, identiques au modèle qu’on leur propose, qu’on leur impose. La négation ethnocidaire de l’autre conduit à une identification à soi. »
« Transir » la différence

On voit donc se nouer ici une dialectique de l’ethnocentrisme ; à partir de la position des ethnocentrismes disséminés qui, nous l’avons vu, constitue parfois le facteur de cohésion interne à chacun des groupes, s’effectue une dénégation qui consiste à transir la différence et à en gommer les contours, au nom d’un second ethnocentrisme inavoué, correcteur des premiers : l’ethnocentrisme occidental armé du discours de la nature humaine et de la déclaration des droits. Claude Lévi-Strauss, dans Race et histoire, a montré comment opérait au niveau du savoir et de la recherche cet ethnocentrisme latent qui, sous les espèces de l’évolutionnisme culturel, consiste à inscrire la diversité sur un axe de succession historique par lequel les cultures autres se trouvent convoquées à titre d’étapes antérieures d’une histoire commune de l’humanité dont notre culture représenterait le stade le plus avancé vers lequel doivent tendre les autres dans leur développement : « Il s’agit d’une tentative pour supprimer la diversité des cultures tout en feignant de la reconnaître pleinement. Car, si l’on traite les différents états où se trouvent les sociétés humaines, tant anciennes que lointaines, comme des stades ou des étapes d’un développement unique qui, partant d’un même point, doit les faire converger vers un même but, on voit bien que la diversité n’est plus qu’apparente. L’humanité devient une et identique à elle-même ; seulement, cette unité et cette identité ne peuvent se réaliser que progressivement et la variété des cultures illustre les moments d’un processus qui dissimule une réalité plus profonde ou en retarde la manifestation » (4).

Parler de primitifs et reconnaître à ces primitifs le droit de s’assimiler à notre culture pour devenir des personnes humaines de plein droit, c’est un seul et même geste qui nie la différence, et la découverte de l’autre en tant qu’autre. Respecter l’autre pour lui-même, et lui reconnaître la qualité de personne humaine, sans chercher à se l’approprier en réduisant sa différence, tel est le pari du relativisme culturel, qui vient nourrir le seul espoir d’une civilisation mondiale : « La véritable contribution des cultures (à la civilisation mondiale) ne consiste pas dans la liste de leurs inventions particulières, écrit Lévi-Strauss, mais dans l’écart différentiel qu’elles offrent entre elles. Le sentiment de gratitude et d’humilité que chaque membre d’une culture donnée peut et doit éprouver envers tous les autres ne saurait se fonder que sur une seule conviction : c’est que les autres cultures sont différentes de la sienne, de la façon la plus variée ; et cela même si la nature dernière de ces différences lui échappe ou si, malgré tous ses efforts, il n’arrive que très imparfaitement à la pénétrer. » (5).

Cette attitude offre un programme pour l’ethnologie, car elle évite le piège de l’immersion dans la culture de l’autre, en maintenant cette distance amicale qui permet de demeurer soi-même sans s’abîmer dans les délices du masochisme culturel. Elle permet d’autre part de battre le racisme sur son propre terrain. Car ce qui caractérise la perversion raciste, c’est une hypersensibilité à la différence. L’ethnocide fait le pari de gommer les différences, alors que le racisme les exaspère ; le génocide, lui, pousse le désir d’anéantissement de la différence jusqu’à sa suppression physique, alors que le racisme, pour se courroucer de l’existence de différences, a besoin de ne pas pousser son fanatisme jusqu’au bout : il lui faut secrètement se sentir partie d’une communauté humaine pour mieux la dénier et la refuser, dans un geste d’exclusion et de haine qui ressemble à un attachement fasciné.

Au contraire de l’ethnocide, le racisme a besoin que la différence soit maintenue, réaffirmée sans cesse, montrée jusqu’à l’hallucination comme l’exception monstrueuse brochant sur l’affirmation d’une nature humaine. Mais cette différence est fondée comme une relation de supériorité inscrite dans la nature. Alors que le sentiment ethnocentrique est un sentiment d’ordre culturel, le cauchemar raciste est un rêve de pouvoir ancrer dans le sol d’une détermination scientifique naturelle indubitable la certitude de sa supériorité. D’où le recours périodique des racistes aux prétendus témoignages scientifiques (génétique des populations, biologie, encéphalographie, physiognomonie, etc.). La science ou la vérité révélée fonctionne pour le raciste comme le supplément indispensable qui vient lui masquer son manque, son défaut : la certitude scientifique, ou du moins les oripeaux de celle-ci, sont les fétiches dont le raciste cache fébrilement le lieu secret de son manque, de son angoisse mortelle ; car le préjugé raciste vient d’une obscure inquiétude, d’une blessure lointaine, lancinante, et que l’on voudrait cacher.

Il aura fallu la colonisation, toutes ces certitudes que l’impérialisme et la volonté de puissance des pays industriels ont forgées au dix-neuvième siècle, pour apporter les préjugés racistes. Que l’on songe à la tendresse ingénue de Montaigne pour les cannibales américains, aux rapports de La Boétie avec les « truchements », ces enfants d’Aquitaine, de Bretagne ou de Vendée que l’on envoyait vivre dans les pays Tupi au Brésil pour qu’ils apprissent la langue et devinssent, avant la lettre, des ethnologues Que l’on songe même à la présence du Maure dans le théâtre élisabéthain, seigneur parmi les seigneurs, épousant les femmes blanches, vénitiennes ou génoises... On mesurera combien, à partir de l’esclavage et de l’appétit colonial, nous nous sommes mis à régresser, comme si le racisme, consolidé par les pseudo-théories scientistes, fonctionnait, au niveau de la superstructure, comme la mauvaise conscience ou l’alibi de l’exploitation.

L’attitude qui nous en délivrera ne sera pas nécessairement l’attitude masochiste et globaliste par laquelle l’Occident battant sa coulpe se jugera uniformément coupable et porteur de mort ; ce sera l’attitude nuancée, sélective, par laquelle, en soi comme dans les autres,chaque culture, résolue à bâtir une civilisation mondiale sur le fondement des diversités préservées pour elles-mêmes, pourra pourchasser les ferments de haine ou d’oppression, dans un respect de sa propre différence et de celle de l’autre, conçu comme un égal, et non comme un identique.

Jean-Marie Benoist
Maître-assistant au Collège de France.

Souvenir
Rosebud : les clichés retrouvés
Peu de films aujourd’hui osent, de manière infamante, dessiner le profil physique et psychologique d’une nation ; nul n’avance plus, pour parler d’un peuple, des arguments expressément péjoratifs, offensants, hostiles ; le racisme arrogant a déserté l’écran. Le dernier film d’Otto Preminger, Rosebud, est de ce point de vue une œuvre rare puisque installée de plain-pied dans le discours du mépris.

L’anecdote raconte l’enlèvement d’un groupe de cinq jeunes filles à bord d’un yacht par un commando palestinien de Septembre noir, qui exige, contre la libération des otages, la diffusion d’un certain nombre d’informations. Preminger procède donc à un double dénigrement : pleinement raciste d’abord lorsqu’il brosse de l’homme arabe un portrait caricatural et offensant ; ensuite politique lorsqu’il propose les élucubrations mystico-religieuses d’un personnage guignolesque en guise de théorie de la résistance palestinienne.

L’action du film se situe en France, ce qui n’est pas dépourvu d’intentions politiques. Par exemple, le chef du commando palestinien nous est présenté comme un ancien combattant de la guerre d’Algérie qui arrive en France comme ouvrier immigré. Cette présentation n’est pas anodine, elle vient renforcer une idée qui traîne en milieu raciste selon laquelle tout ouvrier immigré cache un meurtrier, dissimule un terroriste et constitue donc un danger public dont il faut se débarrasser.

A partir de là, sans pudeur, Preminger va aligner les plus vieux poncifs anti-arabes si longtemps entretenus par la littérature et le cinéma coloniaux. Ainsi les Palestiniens se voient-ils affublés des caractéristiques suivantes :

– La cruauté : Amidou, l’homme de main, éprouve du plaisir à tuer, à saigner à l’arme blanche, il utilise d’ailleurs une arme qu’il a mise personnellement au point ;
– La fourberie : alors qu’ils lui avaient promis de l’argent, les membres du commando tuent leur complice européen ;
– La lâcheté : ils agissent la nuit pour surprendre endormi l’équipage et s’en prennent à cinq jeunes filles sans défense ;
– La lascivité : ils déshabillent entièrement les jeunes filles, sans raison apparente ;
– Le fanatisme : ils sont prêts à mourir pour leur cause : un membre d’un « commando suicide » se tire une balle sous nos yeux parce qu’« il est revenu vivant de sa mission et vit cela comme un échec » ;
– La servilité ; nous retrouvons ici une des idées fondatrices du paternalisme colonial selon laquelle les Arabes ne sont pas aptes à diriger mais à obéir. Ils ont une mentalité de dépendants ; ainsi le commando a pour organisateur et protecteur un Hollandais, les fonds proviennent d’Allemagne et, comble, le chef suprême de l’organisation Septembre noir est un Anglais récemment converti à un islam sévère qu’il pratique avec un fanatisme cruel,
– Le féodalisme : le quartier général de Septembre noir est situé au sud du Liban dans des grottes peu hospitalières où les hommes mènent une vie rude, à l’exception toutefois du chef qui a aménagé le fond de la grotte en véritable palais des Mille et une Nuits, avec une foule de serviteurs et toutes les commodités.

L’ensemble du film affiche un anti-islamisme canaille qui atteint le fond de la grossièreté lorsqu’on essaye de nous faire admettre qu’un groupe de parachutistes ennemis peuvent entrer dans la grotte du Q.G. et enlever sans coup férir le chef de Septembre noir sans qu’aucun de ses hommes ne s’en aperçoive, absorbés qu’ils sont à faire la prière contre les murs.

Un tel mépris pour un peuple et pour une civilisation ne se justifie pas, quelle que soit la cause que l’on défend (en l’occurrence bien ambiguë), et de fait un tel film devrait, aujourd’hui, tomber sous le coup de la loi antiraciste du 1er juillet 1972.

Ignacio Ramonet
Directeur du Monde diplomatique de 1990 à 2008.

22/03/2024 06:51 par cunégonde godot

Dans les faits, c’est la religion qui punit et asservit, la laïcité qui libère et émancipe.

Renoncer à la laïcité-loi de 1905, c’est renoncer à la nation française : se coucher devant l’obscurantisme européo-globaliste...

22/03/2024 18:12 par Chico

La "laïcité" en Macronie ...et le silence complice face à un génocide en direct depuis cinq mois, resultats d’une soumission a des pouvoirs étrangers de tous bords . Et on devrait laisser cette bande décider d’une guerre ou pas contre la Russie ? C’est qu’on est plus cinglés et crétins que ceux qui nous gouvernent aujourd’hui et ça coûterait trop cher pour nous aussi .
https://youtu.be/rGZGYh_cL4E?si=Er9UODBgrqwGku8j

23/03/2024 11:52 par xiao pignouf

Article très éclairant. Merci.

Rappel de la définition de la laïcité : « elle implique la neutralité de l’Etat et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction. La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions ». Bref, 3 principes : liberté de conscience, séparation du pouvoir et de la religion (loi 1905 qui ne mentionne pas du tout l’islam d’ailleurs), égalité devant la loi.

En ce qui concerne la laïcité à l’école : « elle assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée. La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions ».

Je suis athée et anti-clérical. Je n’ai aucunement le désir de modifier ces principes. Mais je n’interdis à personne ou ne raille quiconque de croire en un dieu quel qu’il soit, du moment qu’il ou elle ne tente pas de m’y faire croire et n’essaierai jamais de convaincre qui que ce soit de ne pas y croire (à l’exception de mon enfant peut-être). Je souhaite que chacun puisse pratiquer sa religion en toute sérénité dans des lieux consacrés à cela.

Pourtant, la laïcité telle qu’on la pratique aujourd’hui me dérange de plus en plus. Car on a beau inclure les catholiques dans nos recommandations pour une application stricte de la laïcité, les principales cibles sont toujours et encore les musulmans.

L’affaire de l’abaya qui, il faut encore le rappeler ici, n’est pas à proprement parler un vêtement religieux mais plutôt un vêtement traditionnel, au même titre que les babouches, dans les pays de culture islamique. Certain(e)s rétorqueront que si, c’est un vêtement religieux... Cela signifiera juste que les médias ont bien fait leur travail de propagande car aucun d’entre eux n’a montré une femme portant abaya les cheveux au vent, mais toujours parée d’un voile, ce qui n’a jamais été le cas dans le moindre établissement scolaire. Pourquoi ? Simplement pour associer une simple robe à une religion.

Cette polémique vaine créée de toutes pièces a permis en période de rentrée de maquiller les vrais problèmes de l’EN. Un classique qui a provoqué des situations aussi absurdes pour les personnels que pour les élèves, tristement absurdes même, car des jeunes filles se sont vues exclure d’un lieu de savoir pour une simple robe. Et par dessus le marché, on croit vraiment que ça les éloignera d’une pratique stricte de leur religion ? Je ne le pense pas, au contraire. Et excusez-moi, mais je n’arrive plus à comprendre en quoi ces exclusions pour un morceau de tissu respectent le principe de la laïcité à l’école... ni en quoi un simple bout de tissu remet en cause le bon fonctionnement de l’école ou le respect des valeurs républicaines... Ce bon fonctionnement est surtout perturbé par la dégradation des conditions de travail des enseignants et des élèves, ce avec quoi ni le voile ni l’abaya n’ont à voir, et que la création de ce type de polémique permet de dissimuler au yeux du public rivé devant leur téloche les abreuvant du « danger » de l’islam et inconsciemment, du Grand Remplacement...

L’article ci-dessus apporte un éclairage supplémentaire et bienvenu : en 2004, soit deux ans après la présence du FN au second tour, il fallait servir la soupe à l’extrême-droite. L’affaire du voile n’a été que le début d’une longue litanie anti-musulmane jusqu’à aujourd’hui. Ce qui apparaît dans la plupart des commentaires ci-dessus défendant la laïcité telle qu’on la pratique aujourd’hui dépasse largement le cadre de l’école : c’est le musulman qui dérange, où qu’il soit. C’est la femme voilée qu’on croise au supermarché, dans la rue ou même aux infos, trop nombreuse, trop visible, c’est son mari qu’on imagine nécessairement comme un tortionnaire barbu postillonnant sa haine des kouffar...

Sinon depuis 20 ans, le voile porté par des femmes musulmanes a eu tout le loisir de s’épanouir. Il s’arrêtait sur leurs épaules, maintenant il tombe jusqu’au sol. Ce doit être juste une question de mode, pas la peine de s’en offusquer.

Il ne vous vient pas à l’esprit que depuis 20 ans, de nombreuses migrations ont conduit vers la France en provenance de pays en guerre (la faute à qui ?) ou dans lesquels une vie digne est devenue impossible (la faute à qui ?) des populations qui ont apporté avec elles leurs croyances, leurs traditions et leurs pratiques religieuses ? Je trouve cela d’autant plus inattendu provenant de personnes qui pourtant fréquentent un site condamnant en permanence l’impérialisme, surtout de celles qui ont grandi pendant les Trente Glorieuses avec tout le confort, le progrès technique et le plein emploi qui les ont caractérisées et dont on sait tous très bien qu’elles se sont faites sur le dos des peuples du Sud. Allez faire un tour dans des centres de formations linguistiques pour migrants, vous y trouverez des Afghans, des Syriens, des Libyens, des Irakiens... Pourquoi ces personnes atterrissent-elles chez nous ?

application stricte de la loi sur les signes religieux : interdiction dans les lieux publics de tout signe religieux

Voilà donc le vrai visage de votre laïcité qui n’en est pas une (lisez sa définition). Non, ce n’est pas de la laïcité, c’est de la persécution. Que le musulman et la musulmane disparaissent de l’espace public, qu’on les ôte de votre vue pour laquelle ils sont un affront. En outre, votre projet impliquerait théoriquement la destruction des églises et calvaires en tout genre qui sont des signes religieux dans l’espace public...

Renoncer à la laïcité-loi de 1905

Personne, ici en tout cas, n’a dit cela. Nouveau procès d’intention.

Merci à RV pour son apport au débat.

Au risque de passer pour prude, ce que je ne suis pas, ces controverses vestimentaires prennent une drôle d’allure au sein d’un Occident ultra-libéral dont une des tendances est de pousser les jeunes filles à se dénuder à un âge de plus en plus précoce... Il y a là une forme de contradiction profonde que je ne m’explique pas.

Stigmatiser, pointer du doigt, ostraciser, discriminer et persécuter sont des comportements qui auront un effet tout fait contre-productif sur la pratique religieuse. Ils provoqueront d’autant plus le repli sur soi et l’isolement qu’ils garantiront la division populaire en entretenant les haines mutuelles. Ce que l’impérialisme et la ghettoïsation ont commencé, la laïcité 3.0 le pérennisera. N’en déplaise à certains, la France est AUSSI un pays de culture musulmane. Il serait temps de l’admettre. Ceux qui le déplorent n’ont qu’à blâmer leurs ancêtres qui sont allés envahir, coloniser et soumettre des peuples africains et moyen-orientaux.

24/03/2024 07:22 par François Jacques

Pas besoin d’en faire trop non plus concernant l’héritage colonial de la France, qui est un des pays les plus multiculturel. Quand l’amour l’emporte sur la haine, tout le monde y gagne quelque chose. Les couples mixtes sont le plus bel exemple.

Pourtant, même si je n’aime pas ce genre de formule méprisante "la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde", qui laisse supposer que ne souhaitent venir s’installer depuis l’Afrique et nos ex-colonies que des profiteurs d’aides sociales et de la sécu, le radicalisme religieux de plus en plus visible pour ce qui concerne l’Islam suprématiste version Arabie Saoudite ou Émirats arabes. C’est la manifestation d’une autre misère insidieuse et qui joue sur du long terme. La laïcité française est le terreau et le fruit de la paix sociale, suite à une longue guerre idéologique et religieuse pour le contrôle du pouvoir, celui des esprits et des des corps gouvernants. Ce serait dommage, au non de la suprême tolérance et de la mondialisation heureuse, de laisser semer dans notre pays les éléments d’autres guerres de religion à venir.

24/03/2024 21:48 par CAZA

HéHé :<< La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde", >>
Mais par contre ,pour sur, la f Rance excelle a la provoquer , la misère ,et le pauvre bougre qui n’ a plus rien à bouffer dans son pays ,transformé en champ de tir ,peut toujours se faire naufrager sur un radeau de la Méduse des temps modernes , pour essayer de venir vivre chez ses tortionnaires .
Alors soyons laïques jusqu’ au bout contre les passéistes religieux , mais attention , pas contre les juifs et les White Anglo-Saxon Protestant (Les wasp à pognon ).
Normal ce sont eux qui tiennent la f Rance et l’ europe par les Cousticules .
Il y a ceux qui font porter une grand voile à leurs femmes et ceux qui assassinent les femmes qui portent le voile .
Les français semblent avoir choisi leur camp .
https://www.chroniquepalestine.com/racisme-occidental-a-seme-graines-genocide-gaza/

18/04/2024 06:41 par xiao pignouf
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