RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

L’inévitable retour du fascisme ?

Tocqueville (1835) a indiqué que la démocratie de marché pouvait facilement donner naissance à un totalitarisme mou. Depuis Mumford (1932), on sait que la technoscience donnera volontiers un peu de rigueur au tropisme fasciste. Où en sommes-nous ?

La crise qui se propage de proche en proche depuis 2008 est une crise qui est essentiellement politique et, en tant que telle, elle demande une réponse politique.

De fait, les observateurs avertis peuvent discerner la multiplication des signes d’une dérive fasciste, à la fois au niveau de la base et à celui du sommet de la pyramide sociale. D’une part, les idées fascistes sont de plus en plus courantes dans les milieux défavorisés (qui sont eux-mêmes en croissance rapide) ; d’autre part, elles sont de plus en plus explicites chez les technocrates — mais sous une forme tellement aseptisée qu’on pourrait, il est vrai, croire à leur parfaite innocuité.

Il est donc fort piquant de remarquer que le grand public est parfaitement ignorant de ce retour de l’extrême-droite. Il pressent certes l’imminence de l’effondrement sociétal mais il n’a absolument pas conscience de la nature exacte du danger. La réouverture de camps de concentration ou même la généralisation des conflits régionaux semble passer inaperçue. De même, le sens et la portée de l’existence d’apologies hollywoodiennes (au propre comme au figuré) de la torture demeurent entièrement mystérieux. Cette double tension est paralysante et anxiogène, ce qui fait le jeu de l’oligarchie : quoi de plus manipulable en effet que des individus dans un état de coma moral et politique ?

Pire, les acteurs sociaux les plus remuants, les militants et les universitaires pensent l’effondrement de la civilisation globalisée à partir de leur expertise et sont dès lors conduits systématiquement à manipuler des statistiques, parfois très convaincantes, mais qui comprennent la transformation sociétale annoncée sur le mode de la lente désagrégation d’un pan de la société. Le long terme est ainsi mis en perspective à partir d’une facette supposée cruciale.

Or, ce qui s’annonce c’est un effondrement total et abrupt des « démocraties de marché » à la faveur de l’emballement d’une de ces crises qui constitue, en synergie, la crise globale systémique. Peu importe la nature de l’événement déclencheur — une pénurie de dix jours de l’approvisionnement de pétrole, des émeutes de la faim dans des quartiers (ou des pays) « défavorisés », des macro-mouvements de population forçant les portes de la citadelle Europe, un accident industriel majeur, une nouvelle bulle financière, une vraie-fausse pandémie, une guerre inter-régionale ou même mondiale, … — la conséquence politique sera inévitable et immédiate : l’état d’urgence, c’est-à-dire le totalitarisme, ou le chaos absolu, c’est-à-dire la guerre de tous contre tous. Une guerre civile serait comparativement plus structurante.

L’enseignant-chercheur qui n’a pas oublié la leçon de citoyenneté magistrale que nous a laissé Victor Klemperer (LTI, 1947) se doit en conséquence de mettre en évidence deux dynamiques : premièrement, il faut montrer que la réponse à la crise globale systémique est bien d’ores et déjà politique et que, si aucune force ne vient entraver l’inexorable progression du capitalisme du désastre, il ne nous restera bientôt plus qu’à émettre des regrets carcéraux ou post-mortem. Deuxièmement, il faut discerner les pistes théoriques et pratiques qui sont susceptibles d’infléchir cette trajectoire dès aujourd’hui.

Michel Weber

Une première version de ce billet a été publiée ici : http://www.pauljorion.com/blog/?p=53721
Dernier ouvrage paru : De quelle révolution avons-nous besoin ?, Paris, Éditions Sang de la Terre, 2013. (978-2-86985-297-6)

URL de cet article 20662
  

Même Thème
Histoire du fascisme aux États-Unis
Larry Lee Portis
Deux tendances contradictoires se côtoient dans l’évolution politique du pays : la préservation des “ libertés fondamentales” et la tentative de bafouer celles-ci dès que la “ nation” semble menacée. Entre mythe et réalité, les États-Unis se désignent comme les champions de la « démocratie » alors que la conformité et la répression dominent la culture politique. Depuis la création des États-Unis et son idéologie nationaliste jusqu’à George W. Bush et la droite chrétienne, en passant par les milices privées, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le journalisme devrait être plus proche de la science. Dans la mesure du possible, les faits devraient être vérifiables. Si les journalistes veulent préserver une crédibilité à long-terme envers leur profession, c’est dans cette direction qu’il faut aller. Avoir plus de respect pour les lecteurs.

Julian Assange

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.