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L’Italie profonde, par Rossana Rosanda.





il manifesto, Editorial, 11 avril 2006,


La coalition de centre gauche n’y est pas arrivé. Prodi n’a pas gagné, Berlusconi n’a pas gagné, on va vers l’égalisation, aggravée par le très mauvais mécanisme de la loi électorale. Le scénario qui démarre est incertain, mais à coup sûr politiquement négatif.

Nous sommes devant un vote à forte participation et réfléchi, sur lequel a pesé l’agressivité de Berlusconi, jouant sur le ventre mou du pays, et l’emportant d’un rien alors qu’il semblait avoir déjà perdu. Ni la grande presse, ni le patronat, ni les banques n’étaient plus avec lui. Il n’y avait plus que l’église de Ratzinger. Et le portefeuille d’une propriété répandue, grande moyenne et petite, qu’il avait effrontément protégée et qui s’est défendue bec et ongles. L’égalisation n’est pas seulement dans les chiffres : aucun grand mouvement ne s’est fait à l’intérieur des coalitions. Berlusconi reste de loin le plus fort leader du centre droit. L’agitation des Follini et Casini ne lui a pas causé un grand dommage, et même, en conclusion, elle a fini par être en sa faveur.

Dans la coalition de centre gauche, le seul succès évident est celui de Rifondazione, mais dans un contexte général qui n’en multiplie pas la valeur. La Rosa al pugno, même si elle comptait sur un plus grand succès, prouve - et c’est mieux que rien - que même en Italie on ne peut pas aller au-delà de certaines limites dans l’obséquiosité à l’égard du Vatican. Et tout est là .

Le problème le plus grave, et dont il serait fou de faire peu de cas, c’est qu’à la différence d’il y a seulement vingt ans, sur cent italiens qu’on croise dans la rue, dans le bus ou dans le train, quarante huit votent pour une droite sans limite, qui ne se donne pas de frontières même vis-à -vis du fascisme. Ceci n’arrive dans aucun autre pays européen. Cette droite s’est enracinée dans la fameuse société civile. Même par la très faible condamnation qu’elle a rencontrée dans les institutions, à commencer par le Quirinal (présidence de la république, ndt) qui n’a pas défendu avec force ces principes fondateurs de la République dont il devait être garant.

Même l’opposition n’a pas compris ce qui était en jeu quand elle a choisi la débonnaireté : que Berlusconi aille au-delà de toutes les limites de la décence n’impliquait pas qu’on ne devait pas en condamner en termes plus secs l’outrance et le mépris envers tout principe d’une démocratie non formelle.

Il y a en tout pays, comme en chacun de nous, un fond d’égoïsme effrayé et peureux qui ne peut pas être accepté - une démocratie n’est pas tenue de représenter n’importe quoi, la Constitution n’est pas un accessoire. Et même ceux, s’imaginant plus à gauche, qui ont semé l’antipolitique, doivent aujourd’hui y réfléchir. Il n’est pas dit qu’on ait beaucoup de temps. Un pays qui est profondément divisé, non pas, comme on l’a caqueté, par les idéologies, mais par les contradictions sociales de fond, ne peut pas se donner une majorité qui ait, je ne dis pas un consensus assez ample, mais qui permette un espace de médiation. Il en va ainsi dans notre pays, à chaque fois que la droite se renforce : elle porte en elle une connotation destructrice. Quel que soit le résultat qui nous attend dans les heures qui viennent - nous sommes encore dans des marges d’incertitude lorsque nous écrivons- l’Italie est malade. Nous ferons tout pour qu’on ne l’oublie pas.

Rossana Rosanda

Rossana Rossanda, journaliste, a fondé en 69 la revue il manifesto avec Lucio Magri, Luigi Pintor et Aldo Natoli, qui devient journal quotidien en 1971.
Engagée depuis toujours dans les movimenti, elle intervient constamment par ses articles, dans un style percutant et sobre, sur les évènements de l’actualité la plus dramatique et les thèmes politiques, culturels et moraux les plus urgents.


 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio


Lire Sans frontières, le dernier éditorial en date du 24 avril 2003 de Luigi Pintor, co-fondateur d’ il manifesto, quelques jours avant sa mort.


Révisionisme transalpin : Alò Saló alalà , par Antonio Tabucchi.

68 ou années de plomb ? L’anomalie italienne, par Cesare Battisti.


Caricatures : Les barbares sont à nos portes (et ils nous apportent le couscous), par Viktor Dedaj.




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Éric Laurent. Le scandale des délocalisations.
Bernard GENSANE
Ce livre remarquable est bien la preuve que, pour l’hyperbourgeoisie, la crise n’est pas le problème, c’est la solution. Éric Laurent n’appartient pas à la gauche. Il est parfois complaisant (voir ses livres sur Hassan II ou Konan Bédié). Mais dans le métier, on dit de lui qu’il est un " journaliste d’investigation " , c’est-à -dire … un journaliste. Un vrai. Sa dénonciation des délocalisations, par les patronats étatsunien et français en particulier, est puissamment (…)
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Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...]

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