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La petite révolution du printemps

Tu sors pour faire le ménage... C’est comme ton âme en capuchon qui a passé l’hiver sur la corde à frémir de froid. T’as été enterré par les premières neiges. J’avais oublié quelques gousses d’ail. Pressée Dame Ail : Elle s’était déjà pointée avec ses petits doigts verts. Elle cherchait le soleil comme on cherche le bonheur... On se dit que ça ne poussera jamais. Comme si la l’hiver avait fait la guerre à toutes les couleurs. C’est gris, noir, embrouillé, sale. Le printemps se réveille avec des petits yeux... Comme nous après le matin. Oui, le matin où la veille tu n’as même pas le goût de revivre cette satanée journée de marmotte d’hiver.

Dieu est un peintre qui a dû aller passer l’hiver dans le Sud en emportant toutes les couleurs. Voleur ! Va ! Il a picoré l’assiette de la palette des peintre et a mangé avec des baguettes plumées.

Zommmmmmmmmm ! Parti ! Monsieur Dieu !

Ils disent de déraciner le sol, enlever les mauvaises herbes. Tu te rends compte que t’es jeune de partout, sauf au dos et aux reins. Tu fais du yoga sans le savoir comme Monsieur Jourdain-jardin faisait de prose. Tu te penches, tu de dépenches, tu cherche la souplesse cachée dans la raideur comme la chaleur cachée dans le froid. Et là, t’es tenté d’aller goûter au miracle des antidouleurs de Big Pharma. L’instantanéité.

J’ai mis mes plus laids habits : un jeans troué, un vieux gilet de sauvetage gris comme une feuille qui a perdu le chemin de son arbre. Le vert de ses yeux fermés. Des bottes de pêcheur. Des gans de cuir made in China. Et les mains pleines d’outils... Ce matin, on refait le monde. Car, après la pluie, et la pluie, et la pluie, on commence à comprendre le vieux Noé.

Au début, t’as pas le goût. C’est trop. Un désastre ! La peau calypse now ! Ça te rappelle une chose : le travail, le vrai. Un bureaucrate plante son stylo, ses textos, se pavane et ne produit que des calamités sans le savoir. Il s’habille comme une fleur qui n’a pas vécu la douleur de l’hiver et du printemps. Un singe à gravats. Décombrateur ! Mulot de bureau !

Il en est qui se font grand à bouffer des carolettes, du caviar, mais ils ne produisent que de l’encre qu’ils couchent sur papier ou dans un univers parallèle, au pays de la cybercitude. L’agriculture de l’invisible... Ils se poussent dans l’hydroponie de tes sueurs et de tes larmes.

Tu les nourris et tu passes pour un ignorant, alors qu’ils ne savent pas d’où viennent les haricots.

Le printemps, ça rappelle les guerres. Toutes les guerres : les maisons détruites, les institutions détruites, et les bras d’humains qui pendent aux arbres comme pendent les herbes de l’an dernier. Ils n’en finissent plus de nous refaire des printemps pour planter la même chose : le développement continu.

***

Gilberte, une voisine, a un tout petit potager. Minuscule, mais adorable. Comme les post-it que l’on colle sur son bureau pour se rappeler... Se souvenir que tout vient de là. Et qu’il y a des saisons. Et que malgré ce que tout le monde dit, si le monde va mal ce n’est pas à cause des bras... C’est le cerveau. En ce moment, on a plus de cerveaux que de bras. On leur donne notre argent, nos sueurs, nos misères pour qu’ils organisent un jardin. Ils utilisent leur cerveau. Trop paresseux et orgueilleux pour se livrer à la l’avilissant tâche de creuser un peu la terre pour comprendre le monde.

Tu te penches à construire, ils se pensent à construire.

Le destructionnisme planétaire.

Tu plantes un choux. Zoup ! Disparu ! Il est rendu dans un paradis fiscal.

La question qui tue : Combien de pommes de terre y-a-t’il dans un F 35 ? Et puis une autre : Combien d’enfants meurent de faim pour avoir transformé du maïs en carburant ?

Trilogons ( du verbe triloger de trilogie ) :  Qui faut-il sarcler pour ramener une terre viable ? Où se trouve tout la mauvaise herbe qui est en train d’acheter et de détruire le vivant ?

La quadrature du cercle...

FINALE

C’est pour ça que le paysan n’attend pas le politicien pour se nourrir. Il a appris des compétences issues de la mauvaise herbe , il sait la valse des saisons. Il sait refaire le terrain....

C’est la raison pour laquelle je jardine et me plains du printemps. Je perçois le mystère de mon âme liée à cette Terre. Je vois mon insignifiante misère cachée derrière cette valse des saisons. je vois la Vie, sa grandeur, que je ne comprends pas. Mais je vois celle des autres qui n’ont plus le moindre petit coin de terre pour se rappeler que nous sommes issus des peuplades de chasseurs-cueilleurs. Que peu importe le nombre d’ordinateurs, d’écoles falsifiées, d’armes sophistiquées, de "progrès", et des esclaves attachés à leur "téléphone intelligent", le plaisir de vivre est dans les petites choses. La bénédiction de la Vie existe entre la joie de partager ne serais-ce qu’un sourire, qu’une phrase sans "profondeur". Car dire bonjour au voisin qui est en train de labourer son petit coin de jardin en lui disant : " Tu plantes tes pommes de terre ?" Non, c’est sans "profondeur"...

C’est pas dans le propos, c’est dans la beauté et l’invisible de l’échange qui ne contient rien en terme de message au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Tout est dans l’émotion. Et c’est la raison pour laquelle il n’y aura pas de véritable révolution de printemps, sauf la nôtre - la minuscule - , parce qu’il n’y a pas de messages réels en conformité avec notre âme. On parle à nos cerveaux. On le cultive, on le bricole, on le trompe, on le contrôle, on l’esclave...

On peut trafiquer un cerveau, mais pas une terre...

Ne vous demandez pas ce que les grands ont fait pour vous, constatez ce que vous avez fait pour qu’ils soient aussi grands... Vous vous rendrez alors compte que la mauvaise herbe a vraiment pris les trois quarts du terrain pendant l’Histoire. Et ce, c’est comme avoir dormi plusieurs années avant de rencontrer un petit jardin ébouriffé et qu’il est trop tard.

Gaëtan Pelletier

8 mai 2014

P.S. : Date où la guerre 39-45 était terminée. Je me demande combien sont morts avant qu’on signe les papiers...

 

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Palestine, photographies de Rogério Ferrari
Préface, Dominique Vidal - Texte, Leïla Khaled Rogério Ferrari n’est pas un reporter-photographe. Il ne scrute pas, ne témoigne pas, n’écrit pas d’images. Il s’emploie à rendre au plus grand nombre ce qu’il a reçu en partage : l’humanité tenace de celles et ceux à qui elle est déniée. Existences-Résistances est un alcool fort, dont l’alambic n’a pas de secret ; il lui a suffit de vivre avec celles et ceux qui en composent le bouquet. Au bout de ces images, point d’ivresse. Mais un (…)
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Günter Anders
L’Obsolescence de l’homme (1956)

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