Les protestations qui ont surgi dans plusieurs villes brésiliennes, il y a quelques semaines, ont gagné l’ensemble du pays, dépassant le seul thème du transport au profit d’une réflexion plus vaste sur le devenir du pays. Les vagues de manifestations du Lundi 17 juin 2013 qui ont réuni près de 250.000 personnes ont sans aucun doute modifié la conjoncture politique et sociale.
« N’oubliez jamais que c’est cette même jeunesse, cette même classe moyenne, qui a lutté contre la dictature en provoquant la destitution de Fernando Collor de Mello et en ouvrant ainsi la voie à une période de grands progrès au Brésil ", rappelle Edson França, secrétaire adjoint des mouvements sociaux au PCdoB et président de UNEGRO.(1)
Les organisations qui participent à ce mouvement sont : le Mouvement des Travailleurs Sans terres (MST), l’Union nationale des étudiants (UNE), la consultation populaire, le Mouvement des personnes affectées par les barrages (MAB),l’Union Brésilienne des élèves du secondaire (UBE), Union des Noirs pour l’égalité (UNEGRO), la Marche Mondiale des Femmes (MMF), la Centrale des Travailleurs du Brésil (CTB), la Coordination des Mouvements Sociaux (CMS).
São Bernardo do Campo – Le Brésil est à la veille d’un nouveau cycle de conflits pour la répartition des richesses, explique André Singer du Département de science politique de l’Université de São Paulo (USP). « Nous étions jusqu’à récemment, le pays le plus inégalitaire du monde. Des progrès ont été accomplis, mais nous sommes encore à la fin de la liste. La conséquence de ceci est aujourd’hui visible dans la rue », explique le professeur, pour qui le miracle du Lulisme est terminé.
Singer considère que la population est désormais engagée dans la lutte des classes pour faire avancer ses droits. Selon lui, les manifestants appartiennent à la classe moyenne, mais les cortèges comportent également une nouvelle classe ouvrière, construite récemment avec la libéralisation des marchés, et vivant toujours dans des conditions précaires, mal payée et soumise aux impératifs de rendement du capital.
Les gens qui veulent plus d’investissements sociaux, observent que l’Etat, sous l’impact de la crise internationale, subit des pressions pour réduire les dépenses.
L’analyste estime que le Brésil est témoin du mouvement de masse le plus important depuis la destitution de Fernando Collor en 1992, et que ces mouvements sont en passe de devenir le plus important depuis les campagnes « Diretas Já » (2), en 1984.
Ce qui se passe aujourd’hui peut aussi être interprété comme une réaction au processus de bureaucratisation des institutions.
Singer estime que le gouvernement d’alliance formé en 2003 n’était pas seulement qu’un consortium politique, mais également une alliance de classe. Il estime que la période du « Lulisme » a pris fin en 2008, mais que cela ne c’est pas remarqué immédiatement. « Ce qui ne c’est pas vu, c’est que que la crise se prolongerait dans le temps sans horizon clair ». C’est cette absence de perspectives qui a permis d’entretenir l’illusion.
Ces mouvements sont hétérogènes, mais ont une direction commune évidente : ils veulent plus de dépenses publiques et sociales ".
Quel était le miracle du Lulisme ? Selon le professeur, c’était de faire des réformes ininterrompues sans réelle confrontation avec le capital, par le maintien d’une politique économique « néolibérale » et le développement du crédit, tout en favorisant une augmentation significative du salaire minimum et le maintien de la rente à des niveaux importants.
Ceci a permis d’améliorer sensiblement les conditions de vie de la base de la pyramide sociale, mais, le problème de cette politique est que prés de la moitié de la population n’a pas été incluse dans les réformes sociales.
Le Brésil a également été favorisé par un environnement économique mondial qui a changé à partir de 2003, en particulier avec la valorisation des prix des matières premières dont le montant à doublé dans les exportations brésiliennes.
Un autre élément du miracle est ce que Machiavel appelle la « virtu » : "Le président Lula a su tirer parti de toutes les circonstances."
Il reconnait que Dilma Rousseff a pris des mesures audacieuses, comme impulser une politique de réduction des intérêts payés par le Brésil, qu’elle a su tenir tête aux banques pour la réduction du « spread », qu’elle a fait évoluer les règles de rémunération de l’épargne.
Mais le déficit actuel de l’investissement public traduit, selon le professeur, « les limites de l’alliance de classes » promues au début du gouvernement Lula.
Maintenant, vous entendez le "coup de sifflet de la cocotte-minute », une expression utilisée pendant un certain temps dans les manifestations étudiantes. "Il est possible que nous ne sommes qu’au début d’un nouveau cycle de conflits pour la redistribution des richesses ».
Vitor Nuzzi
(1) Movimentos reforçam luta social das ruas : http://www.vermelho.org.br/noticia.php?id_noticia=216487&id_secao=8