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"Le calvaire des Palestiniens" : Le coeur du problème c’est l’humanité (Counterpunch)

Quand j’ai trouvé un exemplaire du dernier livre de William A. Cook, The Plight of the Palestinians (Le calvaire des Palestiniens) dans ma boîte à lettres, j’ai ressenti un peu d’inquiétude. Rassemblant le travail de plus de 30 grands écrivains, ce manuel est celui qui aborde à mon sens le calvaire des Palestiniens de la façon la plus claire à ce jour. De l’introduction de la plume même de Cook The Untold Story of the Zionist Intent to Turn Palestine into a Jewish State (L’Histoire cachée du projet sioniste de transformer la Palestine en un état juif), jusqu’au résumé des crimes d’Israël de Francis Boyles Israel’s Crimes against the Palestinians (Les crimes d’Israël contre les Palestiniens), le lecteur est convié à un voyage extensif qui le conduit tout au long de l’histoire de la Palestine d’avant et après la Nakba, la Catastrophe de 1947-48.

Cependant je craignais que quelque chose ne manque dans cette entreprise noble et monumentale : la réponse personnelle des Palestiniens aux cruautés qu’ils subissent. Est-ce que les Palestiniens seraient encore une fois présentés comme de simples victimes photographiées sur des posters pour réunir des dons ?

La photo de couverture était significative : un vieil homme à la barbe blanche et à l’air doux qui aurait pu être n’importe quel grand-père palestinien ou du Moyen-Orient caresse avec affection les cheveux d’un petit enfant. Les deux personnages sont accroupis devant une petite tente. Al-Nakba venait de les frapper, et les deux Palestiniens séparés par deux générations mais qui vivent le même drame ont l’air épuisé et hagard. Cependant d’une certaine manière le grand-père fait valoir avec détermination son droit d’aimer son petit-fils. Le refus de renoncer à son humanité a été le fer de lance de la lutte et de la résistance du peuple palestinien contre le cruel système d’occupation et d’oppression, pendant presque 63 ans.

Beaucoup d’universitaires le savent-ils ? Comprennent-ils bien ce qui donne la force à un vieillard palestinien d’un village de Cisjordanie d’affronter la brutalité des colons juifs, année après année, en rentrant de récolter les olives des rares oliviers qu’il lui reste ? Ou à une femme palestinienne de Gaza de faire les allers et retours jusqu’au bureau de la Croix Rouge pour y brandir une photo de son autrefois jeune fils qui souffre dans une prison israélienne ?

Ce qui leur donne la force de continuer à vivre n’est pas quelque chose qui peut être disséqué scientifiquement ou analysé intellectuellement. On peut seulement le ressentir, l’expérimenter et le comprendre partiellement. Cette compréhension toutefois est essentielle car ignorer la composante la plus importante du conflit palestinien, à savoir le peuple palestinien ferait perdre beaucoup de temps et d’efforts.

Il y a des intellectuels qui, avec les meilleures intentions du monde, considèrent souvent comme une seule et même chose la faiblesse compréhensive des leaders actuels de l’Autorité Palestinienne et la détermination du peuple palestinien. Ile ne font pas de différence entre les deux dans leurs écrits. Un des meilleurs auteurs sur la Palestine a noté à juste titre l’énorme différence de pouvoir entre les Palestiniens et Israël et a fait remarquer qu’un tel déséquilibre ne pourrait jamais engendrer des négociations équitables. A l’appui de ses dires, l’auteur écrit que les Palestiniens sont "un peuple presque totalement privé de pouvoir" qui négocie avec un "occupant puissant".

Mais le peuple palestinien ne négocie avec personne. Ses représentants ne représentent qu’eux-mêmes et leurs intérêts personnels. Il est important de maintenir la distinction entre l’Autorité Palestinienne de Ramallah et le peuple palestinien qui lutte pour ses droits depuis tant d’années et qui a lancé deux des plus grandes manifestations populaires de pouvoir et de résilience : Le Premier Soulèvement de 1987 et l’Intifada al-Aqsa de 2000. Une population entière qui s’attaque à l’auto-proclamée "plus grande armée du Moyen-Orient" peut-être difficilement qualifiée "d’impuissante". Le peuple palestinien s’est imposé comme un élément concret dans l’analyse du conflit et il a prouvé qu’il était un acteur puissant dans l’élaboration de son propre destin.

Jeff Halper, le directeur du Comité Israélien contre la Démolition de Maisons, comprend bien cela. Ceux qui militent pour la Paix et la Justice ont consacré des dizaines d’années à oeuvrer pour une solution juste du conflit, cela leur a donné l’occasion de travailler avec de nombreux Palestiniens. Il a donc compris quelque chose que les politiciens ignorent volontairement ou involontairement. "Tant que tous les Palestiniens -et pas seulement l’AP- ne seront par d’accord pour dire que le conflit est résolu, il ne le sera pas." Il ajoute dans un article récent intitulé "Palestine 2011" que "Israël et ses alliés ont le pouvoir de rendre la vie presque insupportable aux Palestiniens, mais ils n’ont pas celui d’imposer l’apartheid ou le warehousing*."

Halper a raison et l’histoire a prouvé encore et encore cet état de fait. Il y a des limites au pouvoir du "puissant occupant". Il peut tuer, confisquer, détruire et brûler, mais il ne peut pas forcer l’autre à se soumettre. De sorte que, parler de la victimisation des Palestiniens sans parler de leur résistance collective constitue une vision incomplète de la réalité historique.

Il est bien sur indispensable d’étudier le Calvaire des Palestiniens et d’en parler avec autorité et de manière extensive. Le récit détaillé des souffrances qu’occasionne "le lent génocide" permet de se rendre compte des violences expérimentées par les Palestiniens. Sans cela, nous ne pourrions jamais comprendre la colère, le ressentiment et la douleur partagés par plusieurs générations d Palestiniens en Palestine et dans la Diaspora.

La tragédie humaine est décrite dans toute sa réalité dans la première partie du livre. A chaque paragraphe le lecteur se trouve confronté a des épisodes sanglants. Mais si l’insoutenable violence de ce conflit est bien réelle, pourquoi tant de personnes voient-elles cela différemment ? La réponse se trouve dans la deuxième partie : "Propagande, Perception et Réalité". Elle commence par une citation du slogan du Mossad israélien d’avant 2007 : "Pour tromper l’opinion, fais la guerre." Il semble que ce slogan résume la conduite officielle d’Israël.

Cependant la société civile ne peut être trompée indéfiniment et le récit des initiatives extraordinaires prises par des gens ordinaires sur la terre entière sont ce qui donne toute sa valeur à la troisième partie. "Gouverner selon le droit ou par la force" est une introduction édifiante aux efforts des militants avec des thèmes qui vont de "Le tribunal Russel en Palestine" à "La nécessité d’un boycott culturel".

Le Calvaire des Palestiniens n’est pas seulement une chronique supplémentaire de l’histoire d’une nation sans défenses. Tout en reconnaissant sans hésitation cette réalité, ce n’est pas du tout une apologie de l’état de victime. Le livre rend plutôt compte de l’inévitable passage de la souffrance à la résistance.

Dans l’essai : "Le nom qu’on lui donne a-t-il de l’importance ?" deux de mes auteurs favoris, Kathleen et (le défunt) Bill Christison écrivent : "La résistance palestinienne est palpable au fil de cette terrible histoire. Dans le même petit village, pendant qu’une famille s’en va d’autres construisent".

C’est cet équilibre même entre destruction et construction, désespoir et espoir, occupation et persévérance qui fait la puissance du peuple palestinien. Leur pouvoir ne peut être comptabilisé mais on peut le sentir, l’expérimenter et le comprendre. "Le Calvaire des Palestiniens" est un livre qui relate une longue histoire de destruction en semant les graines de compréhension si nécessaires à l’avènement d’un changement significatif et durable.

* voici la définition de Jeff Halper sur canalblog (http://mcpalestine.canalblog.com/tag/jeff%20halper)

Le concept de « warehousing », c’est-à -dire le parcage : Comment parquer les "humains excédentaires" dans des camps de réfugiés, dans des zones de déportation, dans des réserves amérindiennes, dans des bidonvilles, etc...

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/baroud12172010.html

traduction : D. Muselet

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