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Le cas d’extradition d’Assange est une attaque sans précédent contre la liberté de la presse - alors pourquoi les médias n’en parlent pratiquement pas ? (The Independent)

Assange et WikiLeaks ont fait tout ce que les journalistes devraient faire en révélant des informations importantes sur les méfaits du gouvernement américain et en les communiquant au public.

Le silence des journalistes en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis sur la procédure d’extradition du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, les rend complices de la criminalisation par le gouvernement américain des activités de collecte d’informations.

Au cours des quatre dernières semaines, dans une salle d’audience de l’Old Bailey à Londres, les avocats du gouvernement américain ont demandé l’extradition d’Assange vers les États-Unis pour répondre à 17 accusations en vertu de la loi sur l’espionnage de 1917 et à une accusation de piratage informatique. Au cœur de leur affaire se trouve l’accusation selon laquelle, en laissant circuler une quantité de câbles diplomatiques et militaires américains classifiés en 2010, Assange et WikiLeaks ont mis en danger la vie d’agents et d’informateurs américains.

L’une des nombreuses particularités de cette étrange affaire est que les preuves sont inexistantes. Le Pentagone a admis qu’il n’avait pas réussi à trouver une seule personne travaillant pour les États-Unis qui avait été tuée à la suite des révélations de WikiLeaks. Cet échec n’est pas dû à un manque d’efforts : Le Pentagone avait mis sur pied une force spéciale militaire, déployant 120 agents de contre-espionnage, pour trouver au moins une victime qui pouvait être imputée à Assange et à ses collègues, mais n’a rien trouvé.

D’autres allégations contre Assange avancées par les avocats du gouvernement américain sont tout aussi peu convaincantes ou manifestement fausses, mais il court toujours un réel danger d’être envoyé dans une prison de sécurité maximale aux États-Unis après la décision du tribunal le 4 janvier. Une fois là-bas, il risque une peine de 175 ans et, quelle que soit la durée de son incarcération, il est probable qu’il la passe en isolement dans une minuscule cellule.

L’affaire Assange crée un précédent qui constitue une menace mortelle pour la liberté de la presse en Grande-Bretagne. Si Assange est extradé, tout journaliste qui publie des informations que les autorités américaines jugent sont classées secrètes, aussi connues ou inoffensives soient-elles, risque d’être extradé pour être jugé aux Etats-Unis. Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, affirme que les non-Américains comme Assange ne bénéficient pas des droits à la liberté d’expression garantis par le Premier amendement [de la Constitution US - NdT].

L’issue du procès d’extradition d’Assange est un point de basculement crucial qui permettra de savoir si la Grande-Bretagne et les États-Unis vont s’enfoncer davantage vers une "démocratie illibérale" comme la Turquie, la Hongrie, le Brésil, l’Inde et les Philippines. Ce qu’Assange et WikiLeaks ont fait - obtenir des informations importantes sur les actes et les méfaits du gouvernement américain et les communiquer au public - est exactement ce que tous les journalistes devraient faire.

Le journalisme consiste à révéler des informations importantes aux gens afin qu’ils puissent juger de ce qui se passe dans le monde - et des actions de leur gouvernement en particulier. Les révélations de WikiLeaks en 2010 n’ont différé des autres grands scoops journalistiques que par leur volume - 251 287 câbles diplomatiques, plus de 400 000 rapports militaires classifiés de la guerre en Irak et 90 000 de la guerre en Afghanistan - et qu’elles étaient plus importantes. [Et pour ne rien vous cacher, j’ai rédigé une déclaration qui a été lue au tribunal cette semaine pour expliquer la signification des révélations de Wikileaks].

Étonnamment, les commentateurs britanniques et américains sont dans un état de déni lorsqu’il s’agit de voir que ce qui arrive à Assange pourrait leur arriver. Ils soutiennent bizarrement qu’il n’est pas journaliste, bien que l’administration Trump accepte implicitement qu’il en soit un, puisqu’elle le poursuit pour ses activités journalistiques. Le motif est ouvertement politique. Une des absurdités du procès est la prétention que les fonctionnaires nommés par Trump fournissent un guide fiable et objectif de la menace que représentent les révélations de WikiLeaks pour les États-Unis.

Pourquoi les médias britanniques sont-ils restés si muets sur le sinistre précédent qui s’établit pour eux, s’ils devaient enquêter sur les agissements d’un gouvernement américain qui ne cache pas son hostilité au journalisme critique. Il y a dix ans, le New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel et El Pais ont publié pendant des jours des extraits des documents de WikiLeaks, en première page, mais il y a longtemps qu’ils ont pris leurs distances par rapport à son fondateur. Pourtant, même s’ils souhaitent le contraire, leur avenir est lié à son sort.

Alan Rusbridger, l’ancien rédacteur en chef du Guardian sous lequel les câbles et les journaux de guerre ont été publiés, l’a clairement exprimé dans une interview, disant qu’il n’avait aucun doute sur les dommages qui seront causés à la liberté de la presse. "Quoi que nous pensions d’Assange", a-t-il dit, "ce pour quoi il est visé est le même ou similaire [à ce que] beaucoup de journalistes ont fait, alors il est surprenant pour moi qu’il n’y a pas plus de gens qui comprennent que cette affaire aura des implications inquiétantes pour tous les journalistes".

Le danger pour une presse véritablement libre est en effet si flagrant qu’il est difficile de comprendre pourquoi les médias ont, dans l’ensemble, ignoré la question. Le coronavirus est une raison qui y contribue, mais le fait de traiter Assange et WikiLeaks comme des parias est bien antérieur à l’épidémie. Les critiques se demandent s’il est vraiment journaliste, bien qu’il soit clairement un journaliste de l’ère électronique, publiant des informations brutes d’une manière différente des journaux, de la radio et de la télévision traditionnels. Ses opinions politiques sont radicales et sans complexe, ce qui aliène encore plus de nombreux commentateurs.

Mais les allégations de viol dont il a fait l’objet en Suède en 2010 ont été bien plus importantes pour qu’il ne soit plus considéré comme un héros de la lutte contre le secret d’État, mais comme un personnage hors du commun. Cela a conduit à une enquête du ministère public suédois qui s’est poursuivie pendant neuf ans, a été abandonnée trois fois et a été relancée trois fois, avant d’être finalement abandonnée l’année dernière à l’approche de la prescription. Assange n’a jamais été accusé de quoi que ce soit et tout cela n’a rien à voir avec le procès d’extradition, mais cela aide à expliquer pourquoi une si grande partie des médias a ignoré ou minimisé ce procès à Old Bailey. De nombreux membres de la droite politique ont toujours cru qu’Assange avait sa place en prison et de nombreux progressistes estiment les allégations de viol suffisent à le rendre indéfendable.

Daniel Ellsberg, qui a divulgué les Pentagon Papers aux médias en 1971, a témoigné devant le tribunal qu’il avait divulgué l’histoire secrète de la guerre du Vietnam pour montrer au public que la guerre se poursuivait alors que ses auteurs savaient qu’elle ne pouvait pas être gagnée. Il a déclaré qu’Assange avait fait à peu près la même chose, cette fois-ci en ce qui concerne les guerres en Irak et en Afghanistan, et que les Pentagon Papers et les divulgations de WikiLeaks étaient similaires en tous points.

La saga de Julian Assange et de WikiLeaks est maintenant si longue et compliquée qu’il est bon de se rappeler la lumière crue qu’ils ont jetée sur les activités du gouvernement américain en Afghanistan, en Irak et ailleurs. J’ai moi-même utilisé pour la première fois les informations divulguées au cours de l’été 2010 pour expliquer pourquoi le gouvernement afghan, soutenu par 90 000 soldats américains, ne gagnait pas une guerre que Washington prétendait mener pour la défense de la démocratie.

J’ai cité un rapport d’un responsable américain des affaires civiles à Gardez, en Afghanistan, en 2007, qui a déclaré avoir été carrément informé par un membre du conseil provincial afghan de la ville que "l’opinion générale des Afghans est que le gouvernement actuel est pire que les talibans". Le fonctionnaire américain a déploré que cela ne soit que trop vrai. La raison est expliquée par un autre rapport américain datant du 22 octobre 2009, cette fois de Balkh dans le nord de l’Afghanistan, qui décrit comment les soldats et la police afghans maltraitent les civils locaux qui refusent de coopérer à une recherche. J’ai écrit que le rapport officiel des États-Unis disait qu’"un chef de police de district a violé une jeune fille de 16 ans et que lorsqu’un civil a protesté, le chef de police a ordonné à son garde du corps de lui tirer dessus". Le garde du corps a refusé et a été lui-même tué par le chef de la police".

De telles révélations expliquent pourquoi la guerre afghane se poursuit et que des dizaines de milliers de personnes sont mortes - et pourquoi le gouvernement américain tient tant à mettre Assange en prison pour le reste de sa vie.

Patrick Cockburn

Patrick Cockburn est un chroniqueur indépendant primé qui se spécialise dans l’analyse de l’Irak, de la Syrie et des guerres au Moyen-Orient. Il travaille pour The Independent depuis 1990. En 2014, il avait annoncée la montée de Daech. Il a également fait des études supérieures à l’Institut d’études irlandaises de l’Université du Queens à Belfast et a écrit sur les effets des troubles sur la politique irlandaise et britannique à la lumière de son expérience.

Traduction "les vrais journalistes prennent sa défense, les autres... euh... les autres..." par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

 https://www.independent.co.uk/voices/julian-assange-trial-extradition-us-trump-wikileaks-press-freedom-b747774.html
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COMMENTAIRES  

07/10/2020 12:17 par Dominique

Les médias ont toujours choisi le mauvais camp. Par exemple dans les années 80 à Lausanne en Suisse (un exemple parmi tant d’autres), il y a eu Lausanne bouge. Une série de manifs avec des revendications diverses avant tout d’ordre culturelles qui ont fait l’objet d’une répression féroce, systématique et sans scrupule. La TV espagnole a montré des images qui si elles avaient été diffusées en Suisse, auraient certainement changé la donne car le lendemain avec les jeunes, il y aurait eu leurs parents pour foutre sur la gueule de ces salopards de keufs. Même la TV suisse de soit-disant service public, chaîne payée par les redevances que paient chaque citoyen n’a pas passé ces images, ce qui montre bien qu’il n’y a pas un seul média mainstream pour fait autre chose que de la propagande au service exclusif d’élites psychopathes. Bienvenue dans le meilleur des mondes.

On le voit bien aujourd’hui avec l’écologie. Un des principaux syndicats allemand veut subventionner les industriels du secteur automobile de ce pays afin qu’ils puissent développer plus de green washing. On ne rêve pas : un syndicat veut subventionner des capitalistes parmi les plus gros.du pays, ce qui ne règlera pas le problème social, ceci afin qu’ils développent plus de technologies ce qui ne fera que contribuer à accélérer la solution finale par extermination du vivant qui se déroule depuis le premier jour de la "révolution* industrielle. Et même la presse de gauche est en extase devant une telle proposition, comme par exemple ce torchon de la presse de gauche qu’est le Courrier de Genève (il n’y a qu’à lire ses rares articles sur Cuba pour s’en convaincre) qui en a fait sa une hier.

Bref, c’est loin d’être gagné pour les gilets jaunes et les jeunes du climat. D’ailleurs si ces 2 mouvements continuent de s’ignorer, ils finiront comme les mouvements des générations précédentes : ils se feront mener par le bout du nez par les partis, syndicats, médias et autres experts à la botte du système. Vive la résistance !

13/10/2020 19:13 par alain harrison

Il faut lire :

MISE A JOUR DE LA PLATEFORME : POUR UN REGIME DE LIBERTE DES COMITES PROLETARIENS

Contre le mythe de droits et libertés démocratiques....Contre la bourgeoisie, sa démocratie, organisons nous en comité :

La perspective que nous défendons est une société libérée de toute forme d’exploitation et sa conséquence, le dépérissement d’un État devenu alors obsolète. Cette perspective sera l’issue d’un long processus. Pour se libérer de ses chaines, une nouvelle organisation étatique devra subsister pour s’assurer de la victoire sur l’Ancien Monde. Afin de prévenir toute dégénérescence bureaucratique du nouveau pouvoir prolétarien, nous proposons la mise en place de comités sans ELU mais avec des délégués révocables tenus par un mandat impératif à tous les niveaux.

Considérant qu’il faut tirer les leçons de l’histoire, et tout particulièrement de la tragédie du stalinisme, qui a vu des régimes d’exploitation totalitaire, capitalisme d’Etat, se revendiquer honteusement du communisme, le collectif PLATEFORMEJAUNE a fait le choix de préciser sa vision du fonctionnement des nouveaux organes de pouvoir prolétarien : les comités. En effet, nous mettons en perspective la nécessité de la domination politique du prolétariat qui ne se confond avec la prise du pouvoir par une nouvelle bourgeoisie politique, même issu de nos propres rangs. Nous, militants révolutionnaires, nous ne voulons pas remplacer les actuels politiciens . Notre ambition est de substituer les cliques politiciennes et aux lobbys capitalistes la pleine et entière souveraineté des travailleurs et consommateurs associés. C’est pour cette raison que nous proposons des garanties :

​Droit permanent de révocabilité par les comités des délégués,

Établissement de mandat impératif

Aucune rémunération accordée pour l’exercice de la fonction de délégués, avec la mise en place d’un système de détachement. Les délégués restent liés et directement responsables devant les organes de gestion ouvrière auquel ils sont rattachés.

En aucun cas, ils ne peuvent être cooptés par des partis ou des syndicats.

PLATEFORMEJAUNE met en garde contre une certaine extrême gauche opportuniste qui se réclame du maoïsme, du trotskisme, du marxisme, du léninisme, de l’anarchisme, qui veut s’arroger le privilège de décider à notre place : ce qui laisse la porte ouverte à toutes les dérives et une autoroute à la restauration du capitalisme, ce qui a été constaté pendant un siècle de révolution trahie. Nous voulons une libre fédération des travailleurs consommateurs associés organisée en comité d’atelier, de service dans les entreprises, comité dans les territoires et lieux de vie.

https://www.plateformejaune.com/post/mise-a-jour-de-la-plateforme-pour-un-regime-de-liberte-des-comites-proletariens

« « « nouveaux organes de pouvoir prolétarien : les comités. En effet, nous mettons en perspective la nécessité de la domination politique du prolétariat qui ne se confond avec la prise du pouvoir par une nouvelle bourgeoisie politique, même issu de nos propres rangs. Nous, militants révolutionnaires, nous ne voulons pas remplacer les actuels politiciens . Notre ambition est de substituer les cliques politiciennes et aux lobbys capitalistes la pleine et entière souveraineté des travailleurs et consommateurs associés. C’est pour cette raison que nous proposons des garanties : » » »

Le salariat de M. Friot est à examiner en association avec la cotisation (l’appel : tout le PIB à la cotisation).
Et il y a d’autres expertises à regarder sérieusement dans d’autres domaines et d’autres Pays.

Mais ce qui est à la UNE, les élections US. Et Trump va ouvrir une boîte qui met en lumière les Démocrates. La balle lui reviendra plus tard. De qui se journaliste subira les foudres ?

Libye : des milliers d’emails de la diplomatie américaine sur le point d’être déclassifiés
Houda Ibrahim

« « À partir de ces échanges, il apparaît clairement que Washington a soutenu les Frères musulmans et les partis extrémistes dans toute la région. Pour Washington, il fallait appuyer ces forces pour qu’elles accèdent au pouvoir. Une politique qui a miné la stabilité dans la région et qui est dénoncée encore aujourd’hui par Donald Trump dans sa tournée électorale. » »
https://www.msn.com/fr-ca/actualites/monde/libye-des-milliers-demails-de-la-diplomatie-am%c3%a9ricaine-sur-le-point-d%c3%aatre-d%c3%a9classifi%c3%a9s/ar-BB19Y4ii?li=AAayzNa

D’un menteur vient la vérité.

De qui se journaliste subira les foudres ?

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