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Le changement, c’était en 2007.

L’allocution du président le 29 janvier 2012…

Il y a quelques jours, interrogé par des milliers de journalistes (puisque l’info va vite, les questions aussi), le chef de l’État s’est expliqué aux français sur sa politique et a défendu avec ardeur son bilan quinquennal. A quelques semaines de l’élection présidentielle, l’évènement a été retranscrit sur tous les écrans, iphones, smartphones et la bande son du discours a même été passée dans les hauts parleurs des entrepôts et des usines. Ce, afin évidemment que les travailleurs puissent assister au rendez-vous sans perdre une miette de leur salaire.

Un bilan contrasté et obscur, mais clair.

D’entrée de jeu, il a voulu saluer les journalistes qui l’interrogeraient tout au long de l’émission. Le président de la République a d’abord tenu à se féliciter de la loi sur la liberté de la presse (la Lolibep), qui confère une totale indépendance des journaux vis-à -vis du pouvoir. Cette loi votée dans l’inquiétude du SNJ (syndicat des journalistes), pénalise même les patrons et rédacteurs en chef qui obligent leurs salariés à s’autocensurer pour produire une information rapide, rentable et simpliste. En outre, il a défendu la première mesure de son mandat en ces mots : -les syndicats ont eu tort de s’inquiéter, j’ai par la suite finalement été remercié. J’ai été content d’avoir écouté Popeye pour gagner le bras de fer social. On m’a trainé dans la boue, mais je m’en suis lavé car je suis le combattant que le pays avait besoin. De l’écume des vagues, j’ai répliqué par l’apaisement d’une mer d’huile. Désormais, chaque article de presse est précédé d’une investigation, ou d’une enquête de terrain et les citoyens peuvent à présent réfléchir librement. Alors qu’avant, les journalistes ne pouvaient pas passer du temps à vérifier les sources ou produire des sujets intéressants. Du coup, leur seule occupation était de gloser lamentablement sur la neige, le froid, la chaleur ou le soleil. Ce temps, je le répète, est révolu.

Ne pas confondre les pouvoirs dans les mains d’un seul, et bien discerner les forces à l’intérieur de ceux-ci, est la condition sine qua non selon lui, pour atteindre une république démocratique irréprochable. A-t-il raison de trouver cette mesure positive ? On peut en douter. Depuis l’été 2007, il faut compter environ une semaine pour pouvoir trouver un journal en kiosque là où, avant son élection, les nouvelles fraîches du jour arrivaient dès six heures du matin tous les jours. Et depuis que les journalistes sont astreints de faire leur métier, les éditions sont plus volumineuses, ce qui ennuie le cadre ou le directeur qui n’a pas le temps de tout lire dans le métro en se rendant de sa banlieue morne et pestiférée de Neuilly-sur-Seine à son bureau de la Défense.

Une fiscalité flexible mais rigide.

Sous l’oeil hagard des journalistes au chevet, il a ensuite évoqué le bouclier fiscal en se réjouissant d’avoir été le président du pouvoir d’achat. Il faut rappeler qu’à peine trois mois après son arrivée au pouvoir, le seuil d’imposition des contribuables les plus modestes a été réduit à 10% afin que ce soient les « nantis » et les fortunés qui soient mis à contribution de l’effort national.

Les impôts indirects les plus injustes (Taxe sur la Valeur Ajoutée, Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers, tabac, alcool, etc.) ont été drastiquement réduits pour les travailleurs. A l’opposé, les impôts directs (Impôt sur les Sociétés, Impôt sur le Revenu, Taxe Foncière, etc.) ont été augmentés pour les rentiers qui ne travaillent pas. Se justifiant de son ultralibéralisme, le président a même annoncé pour la fin de l’année, une gratuité des carburants pour que tous puissent travailler sans charges.

En objection à cette mesure fiscale, projet phare du pacte présidentiel de 2007, les organisations syndicales ont vivement critiqué une fiscalité injuste qui n’attire pas les investissements et les capitaux compétitifs. Le président de la République a ensuite rétorqué que dans un système libéral, il est inacceptable et inconcevable que les travailleurs soient bombardés de charges pendant que les assistés vivent au crochet de la société, leur rappelant insidieusement qu’il était le président du pouvoir d’achat.

Il a tenu à dire aux téléspectateurs qu’en dépit des critiques qui lui sont adressées, il a toujours été dans l’action, qu’il ne cèderait jamais devant l’adversité et l’inaction. Faisant allusion à une probable éventuelle possible et conditionnelle annonce de candidature à l’élection présidentielle qu’il fera peut-être bientôt, mais nous n’en sommes pas sûr, le chef d’État a insisté sur le fait qu’il ne quittera jamais son peuple comme cela, comme si un seul quinquennat suffisait à concrétiser une longue histoire d’amour, et qu’un mandat supplémentaire permettrait aux travailleurs de vivre la « dolce vita ». Peut-on donc se demander s’il sera candidat à sa succession ? La réponse est oui, nous pouvons nous le demander.

Quoi qu’il en soit, il est vrai qu’il doit faire face à un discrédit négligeable car jamais un président sortant ne s’est présenté avec tant d’opinions favorables : les sondages n’ayant absolument aucun sens sociologique, ils permettent néanmoins de donner un aperçu, et le président-candidat-pas-encore-candidat-qui-ne-dit-pas-qu’il-doit-juste-respecter-le-calendrier-fixé-par-la-loi, n’a jamais été en dessous de 90% d’opinions favorables depuis la crise de 2008. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé, nul ne peut déplorer un manque d’action pour convaincre les 10% restants.

Une dette publique insoutenable mais supportable.

Lorsqu’à l’horizon de l’automne 2008, la crise économique ébranla les milieux de la finance et atteignit l’économie réelle de tous les pays de la planète, en tant que président de l’Union, le président s’est félicité d’avoir réussi à mettre en place des mécanisme de « garde-fou » contre les prédateurs qui voulaient miner le droit du travail en France. Après avoir sauvé les institutions bancaires de la faillite, des prêts massifs de l’État auraient eus pour conséquence de saigner les portefeuilles du peuple si aucune contrepartie n’avait été exigée aux aides publiques.

La hausse massive des dépenses publiques a permit aux démunis souffrant du chômage, de pouvoir continuer à vivre décemment et de relancer le marché de la consommation. Les allocations familiales et autres prestations sociales ont été augmentées pour les revenus modestes. Au niveau des entreprises, le gouvernement fit voter la loi TSE (Travail-sécurité-emploi) qui permettait aux salariés de travailler, sans subir l’épée de Damoclès du licenciement, avec des salaires plus élevés pour supporter la hausse du taux d’inflation. La hausse de la production ayant permit de rehausser le niveau de la demande globale, ce afin que les entreprises soient en mesure d’embaucher du personnel. Les charges patronales ont été réduites pour les très petites entreprises, pendant que les multinationales et entreprises du CAC-40 voyaient leurs cotisations patronales augmenter.

A l’antenne, le président affirma que ces mesures ont permis de freiner les délocalisations et d’assurer l’emploi : Dans un monde globalisé, où la loi de la jungle règne, la prédation est énorme, le droit du travail est menacé, et l’État libéral doit assurer le pouvoir d’achat des citoyens (…) Jamais je n’abandonnerai devant mes collègues du G20, l’idée que l’emploi stable et maintenu évite de s’enfoncer dans la crise., incitant ses confrères européens à mettre en place une taxe des transactions financières au niveau mondial pour inviter chaque pays à reprendre en main son système productif au lieu de sous-traiter et d’exporter à tout va en Chine ou au Brésil.

Les mécanismes de régulation issus de la crise qui ont débouché sur la semi-nationalisation des grandes banques ont d’ailleurs permit de réduire les déficits et la dette publique. Farouchement opposé à ses voisins d’appliquer la Grande Austérité, le président a agi contre les marchés financiers avec pour toile de fond, l’argument qu’une politique de rigueur et la récession détruiraient le droit du travail : On ne peut pas se passer du marché mondial, mais on peut éviter de se mettre à genoux devant les banques et les agences de notation., rappelant que les agences de notation ne sont pas là pour imposer leur doxa, et sont préjudiciables à la vie des travailleurs.

Le candidat-pas-candidat a réaffirmé son rôle en précisant que la crise avait été une aubaine pour les 10% de ses détracteurs qui souhaitent faire leur putsch et casser les droits sociaux et libertés fondamentales en imposant le garrot de la dette. A la question de D Pajadis, s’il n’avait pas été trop dur sur la gestion de la crise de la dette souveraine, voici ce qu’il a répondu : La dette avoisinait les 1700 milliards, 84% du PIB. En 2008, l’État a alloué des fonds colossaux pour sauver le système bancaire. Lorsque les banques ont enregistré une reprise de leur activité, il était normal qu’ils remboursent les prêts que les États leurs ont faits. Il s’est avéré qu’une large frange de la dette publique était issue des dettes privées des entreprises, qui avec la crise, ont réussi à s’en exonérer. Il fallait donc faire un audit pour savoir quelle part l’État devait, quelle part il ne devait pas. Donc non, nous n’avons pas été sévères, mais nous avons agi avec bon sens. Quand au paiement de cette dette réellement publique, elle se fera en cinq ans maximum.

Ainsi, avec la semi-nationalisation des banques, l’accélération du bouclier fiscal (hausse des prélèvements obligatoires sur les ménages gagnant plus de 300 000€ par an) et l’interdiction de placer les capitaux dans les paradis fiscaux, l’État espère récupérer les 600 milliards d’euros dont il nécessite pour rembourser les dettes publiques en moins de cinq ans. Le restant ayant été littéralement répudié par l’audit citoyen de 2011.

Une couverture sociale inefficace, mais optimale.

Dans un système libéral, bien que l’égalité pure et parfaite soit néfaste à l’émulation de la société et la concurrence (selon les libéraux), l’économie est régulée par la main invisible et le libre jeu du marché : en période de croissance et d’excédents, le marché est efficient et efficace, car il permet une situation d’équilibre sur le marché de la demande, de l’offre, donc de l’emploi, des biens et des services. Mais cette théorie n’a jamais réellement fonctionné, et pour preuve, l’État a toujours subventionné en masse les entreprises privées comme EADS, Areva ou Airbus. A l’opposé, en situation déficiente, de crise, le gouvernement a étendu les prérogatives de l’État pour pallier les déséquilibres : sauvegarder l’emploi, l’innovation, les services publics et la couverture sociale.

Selon le président encore, afin de relever le pouvoir d’achat, il fallait que tous aient un travail. C’est pourquoi nombre de médias, face à telle politique, ont déploré une politique stalinienne digne d’un régime cubain ou vénézuélien. La loi TSE aurait permit de réduire le temps de travail individuel hebdomadaire à 32h, de faciliter l’embauche, avec plus de roulement sur les machines et dans les bureaux. Cet argument se tient si l’on regarde le taux de chômage de la population active, qui est passé de 9% en 2007 à 3% fin 2011.

En parallèle, la réforme du système des retraites du gouvernement en 2010 aurait, selon lui, permit de sauver le système social français. On s’en souvient, cette réforme avait provoqué un mouvement social d’envergure nationale où patronat et syndicats manifestaient en nombre pendant tout le mois d’octobre. Passer d’une retraite à taux plein à 62 ans avec un nombre d’annuités de 41 ans à un âge de 57 ans et 37,5 annuités fâchait la minorité contestataire qui ne supporte rarement que l’on touche à ses acquis : Les français sont farouches aux réformes, ils ont peur du changement, pas moi, et je serai bientôt remercié.

Il n’a pas hésité à aller plus loin encore : à l’horizon 2015, est prévue une autre réforme poussant l’âge du départ à la retraite à 55 ans avec 35 annuités et qui supprimerait la décote de 5% par années manquées. Le pays sera dans ce cas, la seule nation à faire cette mesure, si l’on procède au type de comparaison interrégionale stupide, désuète et dénuée de sens que faisaient les journalistes avant la loi de 2007 relative à la liberté de la presse (car les structures sociales d’un pays diffèrent de l’un à l’autre, même dans un État fédéral). Enfin, le départ en retraite serait calculé sur la base du dernier trimestre travaillé pour tout le monde, contre 25 dernières années actuellement pour les salariés du privé et les six derniers mois pour les employés du secteur public.

Bilan des mesures annoncées qui ont tout l’air d’un programme électoral :

- La retraite à 55 ans à taux plein avec 35 annuités, la semaine de 25 heures.

- 10 semaines de vacances annuelles.

- Possibilité de partir en voyage à l’étranger pendant six mois et de réintégrer son poste au retour.

- Le smic à 1700€/mois nets.

- Mutualisation du travail, inciter à la création de SCOP pour limiter les abus du patronat.

- Abolition de la propriété privée des entreprises : chaque entrepôt est la propriété des travailleurs sous contrat.

- Recrutement massif de fonctionnaires dans les trois corps de la fonction publique.

- Suppression des critères sélectifs d’accès aux hautes études universitaires, couplée d’une bourse de dix échelons attribuée à tous les étudiants.

- Démocratisation de l’éducation nationale, d’inspiration ludique et interactive, non basée sur la coercition, la discipline, le contrôle et la hiérarchie.

- Régularisation des sans-papiers qui souhaitent venir travailler en France.

- Démilitarisation (retrait de l’OTAN, retrait des forces d’occupation dans les pays où la France était engagée militairement, retour des porte-avions et fermeture des bases militaires internationales).

Le président serait-il devenu de gauche, seconde étape d’une « rupture tranquillou », ou bien avons-nous à faire à des manoeuvres purement clientélistes et électorales ?

Le débat unilatéral sans prise de parole et sous forme d’un monologue s’est simplement terminé par une poignée de main, selon nos sources peu fiables, où la journaliste a tenu à remercier le chef de l’État pour tous les efforts qu’il a fait pour soigner sa population.

Une allocution, comme les titres de cet article, insensée. Une opération de communication riche en monologues, en autosatisfactions, en non-sens et en manipulations pour convaincre les électeurs de voter pour un candidat qui se propose de vous saigner à blanc et de vous rendre plus serviles que jamais. Faites vos jeux !

Samuel Moleaud.

http://sam-articles.over-blog.com

8 Février 2012.

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