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Le Monde Diplomatique , mai 2012

En ce joli mois de mai, le Monde Diplomatique est à la hauteur des enjeux politiques français. Un numéro vraiment remarquable.

Dans son éditorial, Serge Halimi appelle de ses voeux une « nouvelle donne » : Le changement, c’est maintenant… Encouragé par sa victoire électorale, le chef de l’Etat impose sa volonté au gouverneur de la banque centrale, institue un contrôle des changes et annonce qu’il va nationaliser un secteur-clé de l’économie bradé au privé treize ans plus tôt. Deux membres du gouvernement, nommés par décret à la tête de la grande entreprise redevenue publique, en chassent séance tenante les anciens patrons. La Commission européenne mais aussi le Wall Street Journal et le Financial Times (« un acte mesquin de piraterie économique ») laissent éclater leur colère. L’hebdomadaire The Economist recommande même que le pays « pirate » soit exclu du G20 et que ses citoyens (qui ont mal voté) ne puissent plus voyager à l’étranger sans visa. »

Selon Geoffrey Gueuns, les marchés financiers ont un visage : « Les socialistes européens dénoncent souvent avec virulence la finance, qui règne sans partage sur le globe et qu’il conviendrait de mieux réguler. Encore faudrait-il savoir de quoi et de qui l’on parle ; car l’image désincarnée des « marchés » a pour effet de laisser dans l’ombre les bénéficiaires de la crise et des mesures d’austérité en cours. Passé de la banque publique à la finance privée, et de François Mitterrand à M. François Bayrou, Jean Peyrelevade expliquait en 2005 : « Le capitaliste n’est plus directement saisissable. (…) Rompre avec le capitalisme, c’est rompre avec qui ? Mettre fin à la dictature du marché, fluide, mondial et anonyme, c’est s’attaquer à quelles institutions ? » Et cet ancien directeur adjoint du cabinet du premier ministre Pierre Mauroy de conclure : « Marx est impuissant faute d’ennemi identifié. »

Alain Vicky nous parle des mercenaires africains engagés dans des " guerres américaines " : « Lorsqu’ils s’engagent dans la « guerre contre le terrorisme » et envoient un nombre croissant de leurs soldats à travers le monde, de l’Irak à l’Afghanistan, les Etats-Unis se heurtent à une difficulté : trouver des combattants. En effet, leurs citoyens ne s’enthousiasment guère à l’idée de mourir pour la patrie. L’armée a donc enrôlé des non-nationaux, en leur promettant un passeport américain. Elle a en outre fait appel à des sociétés de sécurité privées qui elles-mêmes recrutent en Afrique des supplétifs « bons à jeter » après emploi. »

Alain Garrigou nous offre une description très épicé du " clan " Sarkozy : « Du Fouquet’s aux bas-fonds… De l’« ouverture à gauche » au racolage de l’extrême droite, M. Nicolas Sarkozy a mêlé frénétiquement l’invocation des héros de la Résistance et la mobilisation électorale sur des thèmes xénophobes. Son mode de gouvernement a néanmoins été marqué par une constante : le mélange ostentatoire de la politique et des affaires. »

Avec le Front de gauche, assistons-nous à la fin d’une malédiction, demande Antoine Schwartz ? : « Parce qu’ils escomptaient mieux encore, les électeurs de M. Jean-Luc Mélenchon ont été déçus par le score de leur candidat (11,1%). Obtenir près de quatre millions de suffrages n’est pourtant pas un mauvais résultat pour le baptême du feu présidentiel d’une galaxie de gauche longtemps éparpillée. Déjà , le Front de gauche espère influer sur les décisions financières du prochain gouvernement. »

Tristan Coloma revient sur le problème d’un syndicalisme sans frontières face aux géants du type ArceloMittal : « Gandrange, puis Florange, en France ; Liège, en Belgique ; Schifflange, au Luxembourg : trois sites sidérurgiques où ArcelorMittal a décidé de fermer des installations. Quand les usines sont des pions déplacés en fonction de stratégies globales, la défense et la conquête des droits salariaux ne peuvent s’arrêter aux frontières. Mais, dans la pratique, le syndicalisme transnational s’avère un casse-tête. »

Pour Alaa Al-Din Arafat, les Frères musulmans égyptiens sont pris au piège du pluralisme : « En contradiction avec leurs engagements, les Frères musulmans vont présenter un candidat à l’élection présidentielle - une décision arrachée par cinquante-six voix contre cinquante-deux au sein de leur direction. Cela n’a fait qu’aggraver les divisions de l’organisation, victime de ses relations compliquées avec les militaires et de la concurrence des groupes salafistes. »

Un article très intéressant de Hawad sur la résistance touareg : « Les soulèvements armés touaregs qui ont jailli depuis les années 1960 dans l’Azawad (Mali), l’Aïr, l’Azawagh (Niger) ou l’Ajjer (Algérie) sont-ils surprenants, contingents, imprévisibles ? Certainement pas. Ils s’inscrivent dans la prolongation de la résistance des Touaregs aux empires coloniaux. »

Pour Régis Genté, la situation est très tendue au Kazakhstan : « Le mouvement né en 2011 dans plusieurs entreprises pétrolières kazakhes a été brutalement réprimé par le président Noursoultan Nazarbaïev. Mais le régime n’a pas réussi à faire taire le mécontentement des ouvriers ; une partie de la population est de plus en plus irritée de voir une petite minorité étaler une richesse opulente. Ces événements montrent qu’il existe désormais une société consciente de sa force. »

Olivier Zajec explique pourquoi l’Alliance atlantique présente sa facture à l’Europe : « Les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) se retrouveront les 20 et 21 mai au sommet de Chicago, la ville du président Barack Obama. Aucune place n’est laissée à l’improvisation : il en va du peu de crédit restant à la « nouvelle Alliance atlantique », qui prétendait s’ériger en gendarme du monde. »

Maurice Lemoine revient sur l’ancrage à gauche du Nicaragua : « La réélection de M. Daniel Ortega à la tête du Nicaragua, en novembre 2011, a confirmé l’ancrage à gauche d’une grande partie de l’Amérique latine. La récente évolution du pouvoir sandiniste, notamment sur la question des droits des femmes, éclaire cependant les écueils d’une logique conduisant parfois les forces de gauche à renoncer à certains de leurs principes pour se maintenir au pouvoir. »

Augusta Conchiglia explique pourquoi l’Angola peut se porter au secours du Portugal : « Avec une croissance de 7 % tirée par les exportations de pétrole, l’Angola se trouve en situation d’aider son ancien colonisateur, le Portugal. En pleine crise économique, ce dernier attire ainsi les investisseurs africains, tandis que Luanda séduit les salariés portugais. Au-delà de la conjoncture, les acteurs économiques des deux pays envisagent des liens pérennes. »

Marina Da Silva et Alain Gresh reviennent sur le sort de Georges Ibrahim Abdallah : « Nicolas Sarkozy a relancé la « guerre contre le terrorisme », procédant, fin mars, à des arrestations aussi spectaculaires qu’inutiles. Durant l’hiver 1985-1986 déjà , des attentats à Paris avaient servi de prétexte à une campagne désignant comme coupables les partisans de Georges Ibrahim Abdallah.

A lire un fort dossier sur les classes moyennes : « Courtisées par les pouvoirs à Paris comme à Pékin, Moscou ou Washington, les couches moyennes trônent au centre de toutes les stratégies politiques. En période de crise, elles oscillent entre solidarité avec les classes populaires et alliance avec la haute bourgeoisie. Ce groupe hétéroclite aux frontières floues a vu son image changer radicalement : dans l’imaginaire social, le petit propriétaire aux horizons étriqués a cédé la place au jeune diplômé féru d’Internet. De l’Unité populaire chilienne au début des années 1970 aux mobilisations contre M. Vladimir Poutine, des luttes anticoloniales aux révoltes arabes, des alliances se nouent et se dénouent pour porter des projets progressistes. Qu’impliquent les transformations de ces franges intermédiaires lorsqu’elles favorisent une ascension rapide, comme en Chine, ou au contraire un déclassement brutal, comme en Espagne ? »

Selon Dominique Pinsolle, ces classes moyennes se situent entre soumission et rébellion : « A l’heure où les Français sont appelés aux urnes, l’existence d’une alliance entre classes populaires et classes moyennes semble une évidence pour une large partie de la gauche, adepte d’un « front » qui se voudrait, selon les sensibilités, « antisarkozyste », « antilibéral » ou tout simplement « de gauche ». Mais l’absence de réflexion tactique approfondie occulte un fait historique : ce type de coalition s’est le plus souvent soldé par l’abandon des projets de transformation sociale les plus avancés au profit de réformes qui, si elles permettaient des progrès, demeuraient d’une portée limitée. D’où la nécessité de revenir sur un certain nombre d’expériences politiques afin de déterminer à quelles conditions une telle alliance pourrait aujourd’hui être envisagée. »

Alain Gresh revisite la situation de ces classes dans le tiers-monde : « Au sein du monde colonisé de l’avant-première guerre mondiale, le débat sur les alliances entre la classe ouvrière et les « couches moyennes » ne suit pas les mêmes logiques que dans l’Europe du XIXe siècle. La classe ouvrière y est pratiquement inexistante, le socialisme embryonnaire et les mouvements de résistance à l’occupation étrangère sont plutôt dirigés par des cadres religieux ou traditionnels. Lesquels sont souvent dénoncés en Europe - y compris par les socialistes - comme des « féodaux » ou des « réactionnaires » hostiles au progrès et à la « civilisation ».

Gilbert Achcar revient sur l’évolution des classes moyennes dans le contexte du printemps arabes : « Qui sont les moteurs des révoltes arabes ? Des ouvriers aux membres des professions libérales, chacun a joué un rôle, mais bien différent selon le pays. La révolte arabe, déclenchée par la protestation qui éclata dans la ville tunisienne de Sidi Bouzid après le suicide du jeune Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, confirme largement cette idée : lors d’un mouvement populaire de grande ampleur, uni autour de l’opposition à un régime despotique et de la revendication d’un changement démocratique, il est fréquent de voir s’associer la majorité des couches moyennes et les catégories les plus démunies de la société. »

En Chine, selon Jean-Louis Rocca, on trouve des « petits prospères » peu soucieux de démocratie : « Le droit de vote ? Les couches moyennes - celles qui ont accédé à la « petite prospérité », selon l’expression en usage à Pékin - finiront par l’imposer, nous dit-on. Mais les expériences de la Corée du Sud ou de Taïwan contredisent ce pronostic. »

Alexander Bikbov perçoit une étiquette commode pour les opposants russes : « Des chômeurs et des cadres supérieurs, des vendeurs et des instituteurs : les manifestants contre M. Vladimir Poutine ne peuvent être enfermés dans une seule catégorie. »

De Londres à Santiago, Raphaël Kempf décrit la révolte des déclassés : « Plus instruites que leur aînées, les jeunes générations voient leurs aspirations contrariées par la précarité qui les frappe. Au point parfois de déclencher une colère contagieuse. »

Le portable serait-il à la conquête des pauvres, demande Laurence Allard ? « Après le coup d’Etat au Mali, le directeur de Microsoft pour l’Afrique, M. Cheick Modibo Diarra, a été nommé Premier ministre. Google, dont certains employés se sont illustrés dans le « printemps arabe », recrute des militants des droits humains, et la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton soutient des projets humanitaires mêlant affaires et technologie : voici venue l’ère de la diplomatie numérique. »

Edouard Waintrop rappelle qu’autrefois Hollywood cultivait sa fibre sociale : « Dans l’entre-deux-guerres, certains acteurs et réalisateurs américains très populaires mêlaient à leur attachement aux valeurs traditionnelles une nette sensibilité sociale. Le parcours du cinéaste John Ford en témoigne. »

Une analyse vigoureuse de Pierre Rimbert pour qui les médias oeuvrent contre l’égalité : « Cette campagne électorale sentait la poudre. Ce n’était ni l’« insurrection civique » chère à M. Jean-Luc Mélenchon, ni l’exaspération de la « majorité silencieuse » invoquée par M. Nicolas Sarkozy. Plutôt une fronde d’aristocrates contre l’égalité d’accès aux médias audiovisuels garantie à tous les candidats à l’élection présidentielle. Sur France Inter (3 janvier), Patrick Cohen se cabre au souvenir de l’« interminable brouhaha démocratique » qui avait entaché le scrutin de 2007. Et l’intervieweur vedette de RTL et de Canal Plus, Jean-Michel Aphatie, prend des airs de Ravachol (LCI, 20 janvier) : « Moi, je voudrais qu’il y ait une révolte, des manifestations de journalistes, qu’on aille devant le siège du Conseil constitutionnel, que deux ou trois confrères courageux fassent la grève de la faim - pas moi, hein ! »

Bernard GENSANE

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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