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Le nouveau statut de membre de la Palestine : une perspective latinoaméricaine.

Lors de la dernière session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, celle-ci a adopté le 29 novembre 2012 le projet de résolution A/67/l.28 portant sur le nouveau statut de la Palestine au sein des Nations Unies, présenté par 60 Etats (parmi lesquels aucun Etat membre de l’Union Européenne, tandis que l’Amérique Latine y participait avec l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, Cuba, l’Equateur, le Nicaragua, le Pérou, l’Uruguay et le Venezuela).

Des votes successifs aux Nations Unies

Le résultat du vote (138 votes pour, 9 contre et 41 abstentions) doit être comparé à la première tentative menée en 1989 para la Palestine auprès d’une institution spécialisée des Nations Unies : à l’époque la demande d’admission auprès de l’OMS fut rejetée par 83 votes contre, 47 pour et 20 abstentions. Une seconde demande d’admission présentée la même année auprès de l’UNESCO cette fois (voir texte de la demande d’admission) fut remise à plus tard en raison de la menace des Etats-Unis de ne pas se réintégrer à l’UNESCO au cas où la Palestine obtiendrait gain de cause. Il aura fallu attendre 22 ans (octobre 2011) pour que la Palestine obtienne le statut de membre à l’UNESCO avec 107 votes pour, 14 contre et 52 abstentions. Une note récente parue dans l’édition du 29 novembre 2012 du Washington Post indique les changements de positions des Etats de l’Union Européenne à l’occasion des deux derniers votes : la Suède (votant contre l’admission de la Palestine á l’UNESCO mais en faveur de nouveau statut auprès des Nations Unies) ou encore l’Ukraine ayant recours dans les deux cas au «  no-show », entre autres. On y fait aussi référence à une proposition de la diplomatie britannique aux autorités palestiniennes : le Royaume-Uni aurrait été prêt à voter en faveur du texte en échange d’assurances de la Palestine de ne pas recourir à la Cour Pénale Internationale (CPI).

Le cas de l’Amérique latine

Le détail du vote survenu le 29 novembre 2012 indique que le Panama est le seul pays de l’Amérique Latine à suivre les Etats-Unis et Israël avec 6 autres Etats pour voter contre le texte (Canada, Iles Marshall, Micronésie, Nauru, Palau et République tchèque). Parmi les 41 abstentions, on y trouve la Colombie et le Guatemala (ce qui n’est pas une surprise) tout comme Haïti et le Paraguay, ce qui constitue une véritable nouveauté (Note 1).

Il convient de relever que l’année dernière, lors de l’annonce d’une éventuelle demande d’admission de la Palestine en tant que membre de plein droit des Nations Unies, les chefs d’Etats d’Amérique Latine appuyèrent depuis la tribune onusienne en septembre 2011 cette initiative, à l’exception de la Colombie, du Guatemala et du Panama.

Le cas du Costa Rica

Le Costa Rica constitue à bien des égards un cas à part en Amérique Latine. Traditionnellement lié aux intérêts des Etats-Unis et à ceux d’Israël, ses votes aux Nations Unies témoignent de son alignement depuis de longues décennies sur les positions de Washington concernant la question du conflit au Moyen Orient. En 2006, les autorités du Costa Rica redéfinissent leur position vis-à -vis du monde arabe et tout particulièrement à l’endroit de la Palestine. En février 2008, le Costa Rica décidait de reconnaître la Palestine comme entité étatique et d’établir des relations diplomatiques avec ses autorités.

Le communiqué officiel du Costa Rica en date du 5 février 2008 se lit comme suit : "Le Costa Rica a reconnu l’Etat de Palestine le 5 février 2008, honorant ainsi une dette historique, en particulier celle d’avoir été l’un des 33 Etats ayant avoir voté en faveur du plan de partition de la Palestine. En ce sens, le Costa Rica est d’avis que la communauté internationale doit contribuer de façon active à la solution du conflit palestino-israélien, en généralisant cette reconnaissance"

L’établissement de relations officielles avec la Palestine par le Costa Rica constitue le point de départ d’une reconnaissance récente de l’Etat palestinien. Après févier 2008, on assiste à une cascade de reconnaissances en Amérique dans l’ordre qui suit : Venezuela (avril 2009), République Dominicaine (juillet 2009), Bolivie, Brésil, Equateur et Paraguay (décembre 2010), Pérou et Chili (janvier 2011), Argentine (février 2011), Uruguay (mars 2011), El Salvador et Honduras (août 2011), auxquelles il faut ajouter les reconnaissances de Cuba (1988) et du Nicaragua (1988).. On notera au passage que les Etats anglophones de l’hémisphère américain s’incluent dans le mouvement : le Guyana (janvier 2011), Suriname (février 2011), Saint Vincent-et-les-Grenadines (août 2011), Belize et la Dominique (septembre 2011).

Les indiscrétions des câbles Wikileaks sont sans ambigüités à propos de la perception des responsables politiques à l’ambassade des Etats-Unis à San José : «  a well-reasoned rationale for recognizing "State" of Palestine, taking into account Costa Rica’s yes vote on UN Resolution 181 and the GOCR (Government of Costa Rica) desire to give a strong show of support to Abbas, in the face of Hamas" , source citée par l’ancien ministre des relations extérieures du Costa Rica (2006-2010), Bruno Stagno, lors de son intervention à un colloque célébré par les Nations Unies à Montevideo fin mars 2011 portant sur l’Amérique Latine et le processus de paix israélo-palestinien . Son intervention permet de mieux comprendre la ferme volonté des autorités de l’époque de marquer la différence. On y lit notamment que. "Je crois que nous avons tous eu l’occasion d’écouter un quatuor et que nous pouvons tous faire la différence entre des maîtres et des amateurs de musique de chambre. Le Quartet pour le Moyen Orient est le seul quatuor dans lequel trois de ses musiciens jouent chacun une partition musicale différente pendant que le quatrième cherche désespérément la sienne » (voir texte de Bruno Stagno en espagnol).

Perspectives pour la Palestine

Précisément, dans un article récent publié dans La República (Costa Rica), le même Bruno Stagno écrit : « Au delà de l’importance de cette décision en ce qui concerne l’autodétermination de la Palestine, elle a aussi des effets juridiques et politiques sur les éventuelles négociations de paix au Moyen Orient. Pour la première fois dans son histoire, la Palestine pourra adhérer à des traités internationaux, y compris le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale ». (Note 2). On lira et relira sûrement après le 29 novembre la lettre ouverte signée par d’éminent spécialistes du droit international concernant «  Les effets de la reconnaissance para la Palestine de la compétence de la CPI », datée du mois de mai 2010 (voir document) :A ce sujet on se doit de rappeler que le professeur David Ruzié avait signalé, avant les élections françaises de 2012 que les choses pourraient changer pour les autorités israéliennes : «  En revanche, la menace de voir Israël mis en cause devant la CPI serait grande si la France reprenait l’idée émise par le président (actuellement) candidat Nicolas Sarkozy, lors de son discours devant l’Assemblée générale en septembre dernier, visant à accorder à la «  Palestine » le statut d’ «  Etat non membre », analogue à celui reconnu à la Suisse avant son admission dans l’Organisation. Certes, la «  Palestine » ne serait pas «  Etat membre », mais sa qualité d’Etat non-membre » impliquerait celle d’ «  Etat » avec toutes les conséquences qui en découleraient au regard de la CPI » (voir son article «  La CPI et la « Palestine » », d’avril 2012).

La résolution adoptée le 29 novembre 2012 à New York permet désormais (que cela plaise ou non aux Etats-Unis et à Israël ainsi qu’à leur sept alliés de circonstance) à la Palestine de se rapprocher un peu plus, en tant qu’Etat, du système des Nations Unies, et notamment des traités relatifs aux droits de l’homme et de ceux relatif à la justice pénale internationale.

Nicolas Boeglin

Professeur de droit international public, Faculté de Droit, Universidad de Costa Rica.

Note 1 : Dans le cas du Paraguay, son vote semble lié, selon un article de presse paraguayenne, à un contrat de viande bovine avec les autorités israéliennes signé un mois auparavant. Voir note de presse de E’A

Note 2 : Article de Bruno Stagno : Palestina y la CPI, La República, (Costa Rica) du 3/12/2012. Reproduit (texte en espagnol) à la fin de cette note.

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