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Le Sarkophage n° 19

Dans cette livraison du Sarkophage n° 19 (ou tous les articles sont passionnants), Paul Ariès, dans son éditorial, évoque la « démocratie des incompétents ». « La démocratie quantitative […] certes indispensable et à améliorer sans cesse, […] a fonctionné ces dernières décennies comme une machine à exclure les milieux populaires. […] l’abstention, l’indifférence ne sont en rien naturelles. Le peuple a désappris à parler. Ce mutisme lui a été imposé, c’est-à -dire inculqué. […] Marx disait que la vraie démocratie, c’est le pouvoir aux cuisinières ! »

Baptiste Mylondo revient sur une question qui tourne depuis un certain temps : peut-on « payer les gens à ne rien faire ? » L’objection comptable « ne pose aucun problème technique ! Il conviendrait simplement de prélever à la source la moitié de la valeur économique créée - donc de tous les revenus perçus - et de répartir ces nouvelles recettes fiscales à part égale entre tous les citoyens. » Souvenons-nous, souligne l’auteur, que la passage aux 35 heures a entraîné une nette augmentation de la productivité des Français.

Yvon Quiniou pense que « la gauche a incontestablement besoin de réancrer son projet de transformation sociale dans une visée clairement morale, face à une droite qui n’hésite pas à assumer énergiquement ses valeurs rétrogrades, comme face à un système capitaliste qui est en train de révéler son immoralité profonde à travers les dégâts humains et écologiques qu’il produit désormais partout. » Quiniou règle son sort à la société du care de Martine Aubry : « Le soin d’autrui ne saurait remplacer une politique d’État imposant la justice et la solidarité et s’en prenant à l’exploitation sous toutes ses formes, donc à l’inégalité de la propriété économique et des richesses. »

Céline Blais s’en prend aux avatars de l’écologie et dénonce l’idéologie du film de Cameron qui « montre comment s’intégrer à la nature en fusionnant avec elle. Mais la vision spiritualiste de la nature qu’il met en place est peut-être loin d’être écologiste. »

Camille Sardon explique la double peine pour les retraités : « La droite considère que tout est une charge pour le capital : les salaires comme l’ensemble du fonctionnement issu du salariat et de la lutte des classes. La gauche, quand elle se rappelle que ce ne sont pas des charges sociales mais du salaire différé (voir également " Le coin des sophistes " de Laurent Paillard), n’en tient pas moins un discours très semblable à celui de la droite. »

Le Sarkophage s’entretient avec Jean-Luc Porquet (journaliste au Canard Enchaîné) à propos de cette droite qui veut en finir "avec les jours heureux" en remisant aux oubliettes le programme du Conseil national de la Résistance, cette « utopie réaliste », qui a été largement réalisée.

Comment ne pas partager l’analyse de Plinio Prado pour qui « l’Université vend son âme » ? « La mission première de l’Université, sa responsabilité primordiale, est de veiller au devenir des individus, en procurant à chacun les ressources, les moyens et les chances d’élaborer ce qu’il doit être. Ce qui rend l’Université irréductible à tout système ne dispensant que de pures et simples compétences opératoires. »

Philippe Godard s’en prend au catastrophisme, une stratégie de communication qui met au même niveau le climatique et le financier, le nucléaire et le social. Pendant qu’on regarde les films d’Arthus Bertrand, 30000 personnes meurent de faim chaque jour. Une catastrophe dont on s’accommode.

Très fine analyse de Stephen Kerckhove sur « Sarkozy, ou l’état d’urgence permanent ! » Quand présidentialisme et présentialisme ne font qu’un, quand savoir-faire se résume à faire savoir, à survaloriser l’instant « pour mieux faire oublier l’heure du bilan. »

Pour Bernard Legros, la classe dominante est passée « du déni des problèmes écologiques au greenwashing dont la déclinaison pédagogique - l’éducation au développement durable - va dans le même sens : celui du profit et de la bonne conscience citoyenne, évacuant tout contenu politique de la question écologique. »

Victime de tortures sous la dictature argentine, viré de France Culture (pas par Val ou Hees), Miguel Benasayag s’entretient avec Paul Ariès sur l’engagement joyeux dans un monde sacrificiel.

Raphaël Granvaud explique pourquoi la Françafrique, le pré carré sont toujours bien présents.

Florence Leray nous livre une leçon de démocratie en direct du Chiapas. Zapatisme pas mort.

Louis Mazuy se demande comment gagner les milieux populaires : « notre volonté de lier nos mots obtus (anticapitalisme, objection de croissance) à des mots chantiers (ralentissement, relocalisation, planification démocratique, sobriété joyeuse, gratuité, coopération) est une façon de rendre la parole au peuple et de donner du grain à moudre à la vraie démocratie. »

Faut-il brûler Bourdieu (à tout le moins, ses cendres) ? Pierre Verdrager salue le sociologue de combat, mais estime que sa clairvoyance « ne fut pas suffisante au point d’entrevoir que sa conception de la sociologie pouvait être elle-même à l’origine d’une nouvelle forme de domination dont il convient de s’émanciper. »

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Une fois que vous avez vu certaines choses, vous ne pouvez pas les -voir. Et ne rien voir est autant un acte politique que de voir quelque chose.

Arundhati Roy

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