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Tripoli dans l’attente (Information Clearing House)

Tripoli, 19 août 2011 - A vrai dire, certains observateurs étrangers, et très certainement moi-même qui suis à Tripoli depuis huit semaines environ, ne prennent pas très au sérieux les prédictions occasionnelles des médias selon qui Tripoli pourrait bientôt être envahie par les «  rebelles de l’OTAN » - mais pas par les forces des pays membres de l’OTAN elles-mêmes.

Parmi les raisons, le fait que la population libyenne exprime de plus en plus sa colère à propos des morts parmi les membres de leurs familles et tribus, tués par l’OTAN qui affirme agir pour «  protéger les civils ».

Nombreux ici disent que des dizaines de milliers sont prêts à repousser les envahisseurs qui tenteront d’entrer dans Tripoli. Le soutien au Colonel Kadhafi semble bien correspondre aux sondages comme celui publié par le quotidien The Guardian de Londres qui montre que la popularité du Colonel Kadhafi a peut-être doublé depuis le début du conflit. Le sondage Rasmussen de ce matin indique que le soutien à l’intervention de l’OTAN et des Etats-Unis a dégringolé à 20 pour cent chez les Américains, notamment à cause des civils tues par l’OTAN. Le soutien est encore plus faible dans plusieurs autres pays de l’OTAN.

Jusqu’à très récemment, la vie paraissait plutôt normale ici à l’exception de certaines pénuries comme le carburant et certains aliments de luxe et aussi quelques produits de base comme la lotion pour bébés, certains médicaments et le service de téléphone qui est défaillant. Avant, les ordures ménagères s’entassaient à certains coins de rues depuis le mois de mars lorsque 400.000 travailleurs étrangers ont pris la fuite vers la Tunisie et l’Egypte, mais depuis deux semaines elles sont à nouveau ramassées, depuis que la mairie de Tripoli a réorganisé ses services qui avaient perdu d’un seul coup une grande partie de sa main d’oeuvre.

A part la récente intensification des bombardements de l’OTAN sur Tripoli, la ville a été jusqu’à présent un endroit assez agréable à vivre.

Le 17 août, les choses ont brusquement changé et personne ne sait exactement ce qui va se passer. Juste avant midi, une partie sinon la totalité de Tripoli s’est retrouvée sans électricité. Dans mon hôtel, l’un de deux seuls à offrir en ce moment une connexion ne serait-ce que sporadique à Internet (certains quartiers de Tripoli peuvent connaître des coupures soudaines qui peuvent durer des heures ou même des journées entières, à la manière de sud Beyrouth au Liban) les services se sont brutalement interrompus aussi bien pour le personnel que pour les clients. Certains clients se sont retrouvés coincés dans les ascenseurs et quelques-uns ont commencé à paniquer. Dans nos chambres, où les fenêtres ne s’ouvrent pas pour des raisons de sécurité, la température a commencé à grimper, les batteries des ordinateurs portables ont rapidement lâché, l’internet a disparu et moi, comme tout le monde, je me suis retrouvé à monter et descendre les 18 étages par les escaliers. Deux amis Libyens qui travaillent dans un des restaurants de l’hôtel m’ont proposé de monter un déjeuner à ma chambre. Très touché par une telle attention qui paraît être habituelle chez des Libyens, je leur ai rappelé que je respectais le jeûne du Ramadan et que je ne pouvais accepter leur offre. Peu après, le générateur de l’hôtel s’est mis en marche et les ascenseurs ont fonctionné mais il n’y avait pas d’électricité ailleurs dans l’hôtel.

Sur la Place Verte toute proche, des foules ont commencé à se rassembler vers 14 h pour manifester contre les «  rebelles de l’OTAN » et on m’a dit que des milliers de Libyens étaient prêts à se rendre aux confins de la ville, aux points de contrôle, pour prêter main forte aux unités de l’armée et repousser toute tentative d’incursion d’Al Zawieh vers l’Ouest, Gheryan et plusieurs villages du Sud ou Brega ou des villages de l’est.

Les prix dans le «  medina » local (marché couvert) à côté de mon hôtel ont encore grimpé selon deux soeurs avec qui j’ai lié amitié et qui font leurs courses avec leur mère tous les matins pour préparer le repas après la tombée de la nuit. Au cours des six derniers mois, les prix des denrées de base sont généralement restés stables grâce au gouvernement qui a averti les commerçants que ces derniers n’avaient vraiment pas intérêt à tenter de profiter de la situation pour faire valser les étiquettes.

Certains quittent Tripoli, mais il est difficile d’estimer leur nombre. La plupart à qui j’ai posé la question me disent qu’ils ont l’intention de rester et qu’ils ne pensent pas que les «  rebelles de l’OTAN » pourront pénétrer cette ville bien armée et apparemment bien organisée qui contient encore 1,5 millions d’habitants.

Une commission d’enquête de l’ONU, dirigée par une palestinienne de Nazareth en territoire palestinien occupé, et appelée «  Juliette », a finalement réussi à se poser après que l’ONU ait demandé à l’OTAN d’autoriser son avion à atterrir à l’aéroport de Tripoli. Le groupe de l’ONU, qui séjourne dans notre hôtel, est bloqué sur la route principale entre Tripoli et la Tunisie. Depuis le matin du 18 août, la route entre Tripoli et la Tunisie est coupée.

Des étudiants Libyens à l’Université Al Fatah de Tripoli et même certains officiels du gouvernement m’ont dit qu’ils se sont jurés de résister et de livrer une défense «  comme à Stalingrad » contre les «  rebelles de l’OTAN ». Les quartiers sont à l’évidence lourdement armés.

Certains, y compris moi-même, n’ont pas le coeur à leur rappeler qu’à Stalingrad, les habitants ont tenu dans l’attente de l’arrivée de l’Armée Rouge qui a effectivement réussi à sauver pas mal de gens. Mais qu’ici on ne voyait pas d’où surgirait une Armée Rouge pour briser un siège de la ville. Mais peut-être les habitants de Tripoli n’en auront-ils pas besoin.

Cette semaine, un étudiant en droit qui participe depuis des semaines au point de contrôle du comité de défense du quartier sur la route qui mène à l’aéroport, m’a laissé cette note :

Franklin, tu m’as demandé comment nous allions défendre la capitale si l’OTAN trace à coups de bombes un chemin pour les forces rebelles. Nous en discutons souvent entre nous, la nuit. Voici ce que nous tenons à te dire.

Ce n’est pas un secret que notre défense sera organisée autour de chaque bâtiment, chaque rue, chaque place et chaque rond-point. Nous tiendrons et nous tenterons de tenir aussi longtemps que possible chaque mètre que les forces de l’OTAN tenteront de nous prendre. Chaque immeuble, chaque usine, entrepôt, coin de rue, carrefour, bureau ou habitation est prêt et équipé en armes diverses, lance-roquettes et mortiers. Des tireurs d’élite et des unités spécialement entraînés de 5-6 hommes sont prêts. Nous nous battrons maison par maison, étage par étage. Nous nous battrons dans les égouts et dans les caves. Si l’OTAN défonce la porte d’entrée, nous nous battrons pièce par pièce et derrière chaque tas de gravats.

Cher ami, les Libyens sont un peuple bon et fier. Nous avons déjà parlé d’Omar Muktar et de notre défaite face aux Italiens où plus d’un tiers des nôtres sont tombés au combat. Pendant les siècles de colonisation par l’empire Ottoman, sais-tu quel était le seul pays arabe ou musulman à se soulever ? La Libye. Uniquement la Libye et ses tribus. Nous avons tenu tête aux Turcs et nous leur avons livré deux guerres de 20 ans. L’OTAN et Obama pensent-ils pouvoir nous vaincre ?

Ton ami, Mohammad.

Frank Lamb, à Tripoli

http://www.informationclearinghouse.info/article28881.htm

Traduction «  pensez ce que vous voulez, mais je commence vraiment à les admirer ces Libyens. Ceux-là , pas les autres » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles.

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