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Taxe GAFA : la FNAC choisira-t-elle le bon camp ?

Malgré son modèle et ses bénéfices, la FNAC sera dispensée de taxe GAFA. Se sentira-t-elle pour autant concernée par la question des emplois français et de la pérennité de nos entreprises, au cœur des préoccupations nationales ? Il est permis d’en douter. En pratique, le groupe que préside Enrique Martinez, pourtant emblématique de notre pays, privilégie les critères économiques.

La taxe dite GAFA est un projet de loi fiscale propre aux géants du Net, essentiellement américains. Ces derniers pratiquent l’optimisation fiscale à grande échelle et privilégient l’installation de leurs filiales dans des pays où leur taux d’imposition est plus léger (1), pénalisant les entreprises plus éthiques. Faute d’accord européen, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a proposé une taxe GAFA nationale. Les entreprises devront cumuler deux conditions pour être concernées : « proposer des services numériques représentant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France » (2). Mais cette taxe pourrait pénaliser des champions français, dont la plupart sont jusqu’alors restés muets sur la question (3). En fin de compte, le 3 mars 2019, le ministre de l’Économie rendait sa décision : une trentaine de groupes, principalement étrangers, seront concernés. Ils sont européens (allemands, espagnols, britanniques), américains ou chinois. Une société française, Criteo, est touchée, ainsi que d’autres d’origine française mais rachetées par des groupes étrangers.

FNAC-Darty échappera à cette taxe GAFA. Au regard des propos de Bruno Le Maire, cela tient davantage à Darty qu’à son acquéreur la FNAC, car ce sont d’abord « les plateformes qui touchent une commission pour mettre en relation, des clients et des entreprises. Précisons qu’une entreprise qui met en vente sur son site Internet ses propres marchandises n’aura pas à s’en acquitter » (4). Or, dans L’heure H, le directeur de la FNAC, Enrique Martinez, précisait fin février que l’enseigne ne visait pas à imiter Darty en commercialisant des produits sous sa marque propre (5). Somme toute, la démarche gouvernementale est habile, et constitue une opportunité pour la FNAC. Néanmoins, le groupe saura-t-il en profiter pour privilégier les intérêts français ? Dans l’émission précitée, Martinez critiquait les groupes qui profitent des avantages fiscaux et ne respectent pas les lois du pays où ils se trouvent. Pour autant, le directeur déclarait proposer le choix de produits le plus large sans chercher à privilégier le Made in France. Avec la dispense de taxe GAFA dont son groupe va bénéficier, s’alignera-t-il en retour sur les intérêts français en soutenant nos entreprises ?

La FNAC et la France, du discours aux pratiques

La question semble rhétorique. La France est absente du discours d’Enrique Martinez. Le 15 mai 2018, le directeur de FNAC-Darty tweetait sur son alliance avec l’allemand MediaMarktSaturn, dont la maison-mère est le premier actionnaire du Français (6). Le tweet portait sur « l’ambition » de l’alliance : devenir la plateforme “ omnicanal ” – c’est-à-dire physique et numérique – de référence en Europe, nouer des partenariats « créateurs de valeur » et « proposer la meilleure offre et le meilleur service aux clients » (7). Pourtant, lors de l’événement annuel Le Top, Martinez représente la FNAC. Il y côtoie une quarantaine de patrons de grandes entreprises « impliqués et engagés dans le développement du tissu économique du territoire » (8). La rencontre, un speed-dating avec 400 dirigeants de PME et ETI françaises, a pour objectif que ces dernières nouent des partenariats avec les grands groupes afin de se développer. On peut donc s’attendre à des actes conséquents et à des prises de parole médiatiques d’Enrique Martinez en faveur des entrepreneurs français. La FNAC est un acteur de poids, son influence et ses actions en faveur des emplois dans notre pays pourraient donc pousser d’autres groupes à s’inscrire dans son sillage, amorçant une dynamique positive. Ce n’est pas le cas. Martinez est de fait plus prolixe sur l’approfondissement des relations avec l’un des GAFA, Google, notamment en promouvant Google Assistant et le Google Home (9) au travers d’espaces dédiés et d’aménagements en magasins. Ce, pour répondre à l’Alexa d’Amazon et au HomePod d’Apple. Dit autrement, pour augmenter ses bénéfices, la FNAC soutient un GAFA face à deux autres. La critique des entreprises « qui profitent des déséquilibres du système, des avantages fiscaux », paraît bien loin, en paroles comme en pratique.

Dans les magasins FNAC en effet, on croise quelques marques françaises, comme le créateur de drones Parrot, l’ingénieur acousticien Devialet, ou le groupe d’électroménager et d’informatique Thomson, qui a conservé son siège social en France. Mais elles sont en concurrence directe avec des entreprises étrangères : GoPro, Dji, Sony, Philips, Logitech, et autres représentants de leurs secteurs respectifs. Si la plupart disposent d’un siège social en France, ce n’est néanmoins pas le cas pour toutes. Plusieurs pratiquent cette optimisation fiscale critiquée par Enrique Martinez, mais que son entreprise met pourtant en valeur. Américaine, Fitbit surveille l’activité physique et propose des objets connectés. Pour les résidents de l’Espace économique européen, sa société est Fitbit International Limited, domiciliée en Irlande (10), où l’impôt sur les sociétés n’est que de 12,5%. C’est aussi le cas de Smartbox, entreprise de coffrets-cadeaux. Créée en France en 2007, elle s’est domiciliée dès novembre 2008 à Dublin en y créant et implantant Smartbox Group Limited (11), se soustrayant ainsi à l’impôt français et supprimant au passage des dizaines d’emplois. Le constructeur japonais d’électronique domestique JVC déclare que « JVC Kenwood Europe B. V. Succursale France est une société de droit néerlandais domiciliée aux Pays-Bas », un pays également plus généreux fiscalement que la France (12). Malgré une SAS implantée en France, l’éditeur du site français du fabricant électronique américain Bose est Bose Products B. V., dont le siège est lui aussi aux Pays-Bas (13). Le siège social du Britannique Marshall (Headphones), fabricant d’amplificateurs, se situe quant à lui en Suède (14). Liste non exhaustive.

Multipliables, ces exemples interrogent sur le décalage entre le discours public d’Enrique Martinez et de la FNAC, et les pratiques réelles du groupe. La pérennité économique d’une société est bien entendu vitale. Mais peut-être Martinez saura-t-il profiter de l’exonération de la taxe GAFA dont son entreprise va bénéficier pour contribuer à défendre les emplois et les entreprises français, et plus particulièrement celles qui ne « profitent [pas] des déséquilibres du système » (15).

Henri Bertrand

(1) https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-taxe-gafa.html
(2) https://www.lejdd.fr/Politique/bruno-le-maire-comment-nous-allons-taxe...
(3) https://www.capital.fr/entreprises-marches/cdiscount-fnac-darty-lebonc...
(4) https://bfmbusiness.bfmtv.com/hightech/taxe-gafacriteo-touche-pas-fnac...
(5) https://player.fm/series/12h-lheure-h-linvit/bfm-2702-12h-lheure-h-lin...
(6) https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/03016764...
(7) https://twitter.com/EnriqMrtz/status/996420738495205377
(8) https://www.letop.io/participants/
(9) https://www.challenges.fr/entreprise/apres-alexandre-bompard-enrique-m...
(10) https://www.fitbit.com/fr/legal/terms-of-service
(11) https://www.smartbox.com/fr/mentions-legales/
(12) http://www.kenwood-electronics.fr/mentions/
(13) https://www.bose.fr/fr_fr/legal/legal_disclaimer.html
(14) https://www.marshallheadphones.com/mh_fr_en/support/contact
(15) https://player.fm/series/12h-lheure-h-linvit/bfm-2702-12h-lheure-h-lin...

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