RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Il faut sauver le symbole Assange

Deux mille trois cent cinquante-deux jours sans goûter à l’air libre. Depuis bientôt six ans et demi, l’activiste australien Julian Assange vit reclus dans l’ambassade équatorienne à Londres, soumis à des conditions de vie inhumaines. Confiné dans une petite chambre sans lumière du jour, privé de communications externes et de visites pendant six mois, M. Assange a vu sa santé décliner. Sans accès aux soins adéquats : la moindre sortie signifierait pour lui arrestation (1) et extradition vers les Etats-Unis.

Il aura fallu l’intervention, fin octobre, de deux rapporteurs spéciaux de l’ONU pour rompre le blocus imposé par Quito à son hôte et autoriser à nouveau ce à quoi n’importe quel détenu de droit commun a droit. Sauf pour le droit à la parole qui lui est toujours dénié.

Pour ses soutiens, dont l’ex-président Rafael Correa qui lui avait accordé asile et nationalité, il ne fait pas de doute que le nouveau pouvoir équatorien, plus proche de Washington, veut se débarrasser de l’encombrant réfugié, si possible sans perdre la face. D’où la volonté de faire craquer M. Assange.

Mais pour ses détracteurs, le reclus l’est sur une base volontaire : qu’il affronte la justice comme n’importe quel justiciable ! Or c’est oublier que le cofondateur de Wikileaks n’est plus menacé par une plainte pour viol – aujourd’hui classée par la justice suédoise – mais bien pour avoir divulgué les secrets inavouables de nombreux Etats, notamment les pratiques illégales et liberticides du plus puissant d’entre eux. Le crime de M. Assange et consorts est d’avoir alerté sur le pouvoir insensé des maîtres des technologies de la communication mais aussi d’avoir imaginé un contrepouvoir numérique.

Début novembre, une fuite involontaire du Département d’Etat prouvait ce que tout le monde savait déjà : Julian Assange a été secrètement inculpé aux Etats-Unis. Mis sur liste noire depuis 2010 – Washington incite tous ses alliés à l’inculper ou à l’extrader –, l’Australien sait ce qu’il risque à se retrouver dans la patrie de Guantanamo.

Le plus pathétique dans cette affaire est sans doute son lâchage spectaculaire par le milieu qui aurait dû le soutenir avec le plus de vigueur. Car si la chasse à Edward Snowden et à Chelsea Manning vise à intimider les potentiels lanceurs d’alerte, la persécution d’Assange est un message adressé aux médias. L’émergence de Wikileaks a bouleversé la pratique du journalisme et fait rentrer le droit à l’information dans le XXIe siècle. Toutes les « leaks » dont se nourrissent aujourd’hui les médias – comme hier ils faisaient leurs choux gras des révélations relayées par Wikileaks – sont filles de Julian Assange et de ses camarades. Or même l’ONU – qui a qualifié dès 2015 sa réclusion de « détention arbitraire » – montre aujourd’hui plus de courage à défendre le médiactiviste face à la raison d’Etat que les propres organes de presse. Terrible constat.

Benito Perez

»» https://lecourrier.ch/2018/11/27/il-faut-sauver-le-symbole-assange/
URL de cet article 34160
  

Même Thème
L’affaire WikiLeaks - Médias indépendants, censure et crime d’État
Stefania MAURIZI
Dès 2008, deux ans après le lancement de la plateforme WikiLeaks, Stefania Maurizi commence à s’intéresser au travail de l’équipe qui entoure Julian Assange. Elle a passé plus d’une décennie à enquêter les crimes d’État, sur la répression journalistique, sur les bavures militaires, et sur la destruction méthodique d’une organisation qui se bat pour la transparence et la liberté de l’information. Une liberté mise à mal après la diffusion de centaines de milliers de documents classifiés. Les "Wars logs", ces (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d’y penser.

Blaise PASCAL

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.