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Arte : d’indécrottables préjugés !

Spectateur régulier de la chaîne ARTE, j’espérais beaucoup du documentaire diffusé le 27 novembre, ainsi présenté dans la presse quotidienne : « À l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le réalisateur Claus Kleber, par ailleurs présentateur vedette de la ZDF, procède à un inventaire et dresse un état des lieux soulevant des questions complexes. Car si ce texte, rédigé en 1948 suite aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale, ambitionnait de s’appliquer à tous les citoyens du monde, il reflète néanmoins une vision occidentale. Ainsi, les valeurs de la culture islamique ou encore les normes sociales asiatiques constituent aussi des clés nécessaires pour appréhender nombre de crises et conflits actuels. Comment, dès lors, concilier des conceptions des droits humains parfois très éloignées, selon les cultures, des principes que les Occidentaux souhaitaient universels ? »

Une telle annonce laissait entrevoir un documentaire passionnant. La déception a été grande chez les téléspectateurs qui ont eu le courage de regarder jusqu’au bout cette émission d’une heure et demie, brouillonne et bavarde, ne répondant que très partiellement au programme annoncé (1).

Si l’on peut comprendre que, dans le contexte actuel d’islamophobie, « les valeurs de la culture islamique » aient été passées au bleu, en revanche on était en droit d’attendre une mise en perspective de la Déclaration de 1948 et notamment le rappel que ce texte fondamental ne concernait pas seulement les droits individuels (liberté d’expression, d’association, de religion), mais également les droits sociaux (nourriture, santé, éducation).

Seules allusions à ces droits sociaux : un professeur de Shanghai revendiquant comme priorité l’éradication de la pauvreté et le rappel de la sortie de la misère de 600 millions de Chinois ; une infirmière kényane parcourant les villages pour inculquer les principes du contrôle des naissances ; un village guatémaltèque luttant contre l’expropriation sanglante opérée par une multinationale minière ; une initiative environnementale en Indonésie.

Hormis ces passages, pas un seul mot sur les ravages massifs provoqués par les interventions impérialistes notamment étasuniennes, par la cupidité du néocolonialisme occidental et par la mainmise d’une minorité sur l’économie mondiale, bref sur la négation monstrueuse des droits sociaux, ce que Emmanuel Mounier a appelé le « désordre établi ».

Le montage se braque sur les violations, un peu partout dans le monde, des seuls droits individuels, que ce soit dans la Hongrie d’Orban, la Turquie d’Erdogan ou ... les États-Unis de Trump, qui font l’objet d’une attaque vigoureuse de la part de Madeleine Albright, celle-là même qui, à propos des 500 000 enfants irakiens décédés en raison de l’embargo, avait déclaré que « le prix en valait la peine » (mais, bien sûr, ARTE reste muet sur ce rappel).

Suivant sa bonne tradition (2), ARTE va réserver l’essentiel de ses critiques à la Chine. Dès le début, le ton est donné avec une longue séquence consacrée à un dissident chinois aveugle exilé à New York. Puis le reportage s’appesantit sur la « révolte des parapluies » à Hong Kong en 2014 avec un rappel obligé des émeutes de Tiananmen en 1989 et, pour faire bonne mesure, la dénonciation de la politique chinoise actuelle d’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins sécuritaires ... comme si les menaces sur la vie privée ne concernaient que l’Empire du Milieu. Comme il fallait s’y attendre, cette succession d’imprécations antichinoises est ponctuée par de beaux travellings sur ... la statue de la liberté. Le comble est atteint par Kenneth Roth, le Président de « Human Rights Watch », occupant trois étages de l’Empire State Building, qui déclare textuellement : « la Chine est aujourd’hui le principal obstacle à la protection des Rohingyas en Birmanie » !?! (3) C’est proprement hallucinant.

Alors qu’il aurait dû être question dans le reportage de « concilier des conceptions des droits humains parfois très éloignées », Claus Kleber se montre incapable de se départir d’ « une vision occidentale » bien-pensante. À propos des robots humanoïdes qui, à l’avenir, prendront certaines décisions à notre place, le présentateur vedette de la ZDF s’interroge : « en fonction de quelles valeurs éthiques seront-ils programmés, celles de Kant ou de Confucius ? » (4), Kant étant évidemment l’idéal occidental à suivre et Confucius le repoussoir à détester ! Comment tolérer une telle goujaterie à l’égard de la Chine, dont la civilisation prestigieuse est imprégnée de confucianisme depuis deux mille cinq cents ans ?

André LACROIX

(1) https://www.arte.tv/.../les-70-ans-de-la-declaration-universelle-des-droits-de-l-homme/. Auteurs : Claus Kleber et Angela Andersen. Durée : 89 minutes
(2) voir http://tibetdoc.org/index.php/politique/mediatisation/405-tibet-les-enjeux-d-un-conflit
(3) Documentaire, 22e minute, 1e seconde
(4) Documentaire, 59e minute, 15e - 16e secondes

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COMMENTAIRES  

01/12/2018 15:37 par Delarue

En 1948 , le poids des religions dans le monde était fort. Il n’est pas étonnant que les religieux de tout bord aient voulu défendre les droits des religions dans ce texte, y compris sur ce qui permet de faire passer in fine les contenus réactionnaires !
D’autant que ces religions avaient quasiment toutes de forts contenus réactionnaires . Mais les choses ont changé avec les féminismes et les mouvements pro-licité : aujourd’hui avec un fort mouvement de sécularisation nous sommes moins enclin à laisser passer ce qui apparait comme de l’intégrisme religieux !

01/12/2018 19:22 par Geb.

En général j’évite à tout prix le petit écran et ses ondes malsaines..

Par hasard je suis tombé sur le "reportage" en question, et au début, en entendant les témoignages des Chinois in situ je me suis demandé si on ne venait pas de faire la Révolution pour de bon chez ARTE...

Puis ça a mal viré. Dés la présentation de "HRW" et de son siège de New-York j’ai compris qu’ils venaient de nous refiler l’asticot pour mieux nous amorcer. C’était quand même assez lourdingue mais ils auront quand même essayé...

Quatre ou cinq phrase de Kenneth Roth après je suis retourné prendre sur mon PC des nouvelles des événements en cours chez nous.

Par exemple, savoir si Jupiter allait "faire tirer sur son propre peuple", (Sic), ou s’il allait attendre un peu...

Pour le cas où on aurait eu besoin de "Human Right Watch" et de ses larbins de chez ARTE. :-)))

06/12/2018 08:21 par François de Marseille

Arte et Marx.... Tres bien Marx, très bien.. pendant 50 minutes.
5 dernière minutes : oui mais... il y a la réalité, les gens !
Conclusion : très bien en theorie mais vous voyez bien que c’est inapplicable en pratique !
On sent bien que ça leur brûlait la langue depuis le début.
C’était sans doute le discours des maîtres à leur esclaves quand ils évoquaient la liberté.
Ces émissions sont beaucoup plus toxiques que la télé poubelle/réalité.
Il leur faut démonter une à une toutes les pistes pour sortir de ce système pourris.

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