@ cunégonde godot
Bonjour,
je vais essayer d’éviter le ping-pong et de répondre point par point à ce qui me semble confus dans votre vision.
Les gouvernements qui se sont succédé depuis une quarantaine d’années en France n’étaient pas réactionnaires [...] Il n’a jamais été question d’un retour en arrière (le sens du mot réactionnaire), mais d’ "aller de l’avant" en détruisant systématiquement tout ce qui existait dans le passé et encore dans le présent de progressiste, comme les services publics, le système de protection sociale, etc.
Donc c’est bien un retour en arrière, à l’époque ou les services publics, le système de protection sociale, etc. n’existaient pas, et où les chefs d’industrie ne payaient aux travailleurs que le salaire leur permettant de survivre et de continuer à aller se faire exploiter. L’intervention de l’Etat dans les rapports socio-économiques était quasi inexistante. C’étaient les débuts du capitalisme, la première phase de l’industrialisation (seconde moitié du XVIIIe siècle en Angleterre, milieu du XIXe dans le reste de l’Europe. On appelait çà le "laisser-faire" (l’Etat laissait la "main invisible du marché" -la loi de la jungle en vérité- réguler les rapports entre les acteurs économiques).
J’ajoute qu’en lui-même le terme "progressiste" que vous employez renvoie à un "progrès" par rapport à une situation passée à laquelle les réactionnaires souhaitent revenir (en tout cas en ce qui concerne le partage du gâteau entre travail et capital).
Comme des amalgames aussi ridicules et trompeurs que ceux qui consistent à mettre M. Chevènement sur le même plan que MM. Pasqua, Debré, Moch, Lacoste, Jospin, Valls et Hollande.
Il me semble que ce ne sont pas les personnes qui sont amalgamées dans l’article, mais bien certaines de leurs actions répressives envers le peuple, qui révèlent leur servitude à l’égard du grand capital, et, partant, l’abus de langage que constituent des termes comme "gauche" ou "socialiste" pour qualifier un parti politique qui depuis longtemps (sa création ? la mort de Jaurès et l’Union Sacrée ? le congrès de Tours ? 1945 ?) est clairement du côté du manche.
admettre une fois pour toutes que la révolution en France a déjà eu lieu, qu’elle est d’abord à protége, à conserver (conservation n’est pas réaction) et à défendre avant de pouvoir l’améliorer
Si vous parlez bien de 1789, je ne peux qu’abonder dans le sens de {}Autrement {} : si le peuple a eu sa chance dans les premières années de la Révolution, c’est bien la bourgeoisie qui, tirant une bonne partie des ficelles depuis la phase pré-révolutionnaire, a fini par prendre le pouvoir et imposer ses institutions.
Par contre si vous parlez de la révolution de 1943-1948, qui a permis d’arracher au grand patronat tout ce qu’il essaie aujourd’hui de nous reprendre, je suis bien d’accord : il faut conserver ses acquis. Je me permets tout de même d’insister : le capitalisme et ses porte-parole ne font à cet égard rien de nouveau, rien de révolutionnaire en voulant démanteler cet héritage, mais tentent au contraire de revenir à une situation préexistant au CNR, aux accord Matignon, à la loi Waldeck-Rousseau etc. (précisons au passage que cette loi de 1884 autorisant les formations syndicales, abroge la loi Le Chapelier qui les interdisait et qui fut adoptée...en 1791 par les "révolutionnaires"...)
Ensuite, je ne comprends pas le rapport entre le passage que vous citez dans votre commentaire (06/01/2016 à 17:43) et la réponse que vous y apportez...
Et sur ladite réponse :
Ce sont ceux qui se sont couchés depuis des décennies devant l’européo-mondialisme impérialiste, au nom de... l’ "antifascisme"(!) qui crient (et surtout pleurnichent) le plus fort aujourd’hui à la révolution.
Ah bon ? Moi je ne les vois pas crier à la révolution ceux-là. Certes il y a des "repentis" qui ouvrent les yeux sur leurs erreurs passées (mon père par exemple avait dit "oui" avec beaucoup d’entrain au traité de Maastricht et a depuis bien compris la supercherie), mais globalement les révolutionnaires d’aujourd’hui sont aussi ceux d’hier et les "européo-mondialistes" d’hier sont désormais au mieux les critiques modérés de l’UE et des "effets pervers de la mondialisation" capitaliste.
Pour finir, sur votre dernier commentaire, je suis d’accord : il y a avec le niveau de mondialisation actuel un développement inédit du capitalisme et un changement d’échelle dans les rapports de domination. Cependant le fond de ces rapports reste le même, l’objectif de chacun reste le même : se faire le plus possible de place (ou de fric en simplifiant à peine) dans un système qui autorise celui qui en est capable à s’en faire de façon illimitée.
Et surtout, la mondialisation est consubstantielle du capitalisme. Il y a parmi les historiens plusieurs visions :
– celle d’une première mondialisation avec énooormément de guillemets déclenchée par les grands voyages de "découverte". Ses tenants parlent souvent de "capitalisme marchand" pour désigner le capitalisme pré industriel qui accompagna cette "mondialisation", avec notamment l’accumulation de capitaux liée au commerce triangulaire
– celle de l’"englobalization", première vraie mondialisation liée à la domination industrielle (donc capitaliste) et coloniale de l’Angleterre durant les deux premiers tiers du XIXe siècle
– celle d’une mondialisation prenant réellement son essor après la Seconde Guerre mondiale par l’abandon du repli nationaliste de la première partie du siècle, puis l’invention du conteneur, d’internet, la fin de la guerre froide et l’intégration de nouveaux territoires à l’espace économique mondial, la financiarisation de l’économie etc. sans oublier la diffusion planétaire de la culture étasunienne.
En aucun cas on ne peut parler d’une
mondialisation commencée à la préhistoire dès lors que l’Homme a commencé de s’éloigner de sa caverne
En effet, les espaces d’échanges sont longtemps restés très limités, même si, périodiquement et sur un nombre et une quantité de produits très limités, ils ont pu s’étendre (Méditerranée, route de la soie, des épices, traite négrière médiévale, échanges dans les empires inca, aztèque etc.) mais toujours à une échelle régionale.
De la même façon, le capitalisme, comme le dit Franck Lepage avec la légèreté de ton qui le caractérise, n’est pas né lorsque deux mammouths ont commencé à échanger des coquillages.
Mondialisation et capitalisme sont des phénomènes extrêmement récents à l’échelle du temps historique.
Le gouvernement mondial par les firmes industrielles et commerciales (UE, TIPP), sans que le "peuple" sous quelque forme politique, juridique et sociale existante ou ayant existé n’ait d’autre chose à faire que consommer et seulement éventuellement fabriquer ne s’est jamais produit dans l’Histoire.
Désolé d’insister mais c’était le cas au début de l’industrialisation, avec certes des différences quantitatives (davantage de petits industriels au tout début, une consommation beaucoup moins massive, beaucoup moins de moyens de contrôle des masses), mais les maîtres n’ont pas changé depuis et leur pouvoir, parfois remis en cause provisoirement par le réveil populaire est aujourd’hui à l’image de ce qu’il était à l’époque : tout aussi absolu, et presque aussi global puisque le monde était alors dominé par les puissances industrielles européennes.
Donc l’adjectif "réactionnaire" me paraît approprié pour qualifier nos maîtres et leurs porte-parole de tous poils à travers l’espace et le temps.
Voilà, j’espère avoir fait avancer le débat...
@LGS : désolé c’était très long, mais je me donne bonne conscience en me disant que je commente très rarement donc au final je ne vous donne pas trop de boulot !