RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Résignez-vous !

tableau : Krasnal Bansky intitulé "Greetings from Benefis Supervisor Sleeping by Lucien Freud / Hmm... what can we do for 33,6 mln dollars ? (part 2)". 2008.

Les tenants de la Droite extrême qui gouverne la France aujourd’hui et la grande majorité des intellectuels qu’il nous reste après la disparition au cours de la dernière décennie de plusieurs figures remarquables du discours critique susurrent quotidiennement aux oreilles du citoyen souvent déjà assoupi la même petite musique lancinante. C’est l’air de la résignation que tous nous fredonnent à l’unisson. Le choeur de la Gauche que l’on ne peut même plus nommer réformiste et les solos opportunément promus par la médiacratie ronronnante accompagnent harmonieusement l’orchestre. Ce bel ensemble se trompe cependant quant à son audience réelle : si une partie du peuple semble attentive, bercée qu’elle est par les langueurs sirupeuses de la symphonie jouée par la « révolution conservatrice », l’autre partie du peuple est tristement engluée dans son désarroi duquel lui parviennent quelques sonorités généralement agaçantes. On a donc grand tort de prendre pour une écoute soutenue ce qui est un sentiment d’impuissance partagée par nombre de spectateurs désarçonnés par l’oeuvre - de destruction massive - que les musiciens chevronnés prétendent donner pour le bien de tous.

A en croire les compositeurs et mélomanes du temps, nous serions condamnés à accepter certaines évolutions fatales et à les accélérer pour espérer résoudre les multiples crises qui frappent nos sociétés. Pour résoudre la crise écologique, il faut laisser les Multinationales grossir encore et s’emparer du développement durable dont le sort passe inéluctablement par le Marché totalisant. Pour résoudre la crise financière, faisons confiance au sens moral des banquiers renfloués par l’argent public pour qu’ils produisent enfin un capitalisme vertueux. Pour résoudre la crise sociale, comptons sur la générosité des nantis grâce ( !) à laquelle ils sauront inventer les formes modernes de la bienfaisance à usage des démunis. Pour résoudre la crise politique, renforçons le maillage des réseaux de la communication décérébrante et panoptique faisant ainsi vivre enfin pleinement l’idée que la politique n’est plus qu’une affaire d’image. Pour résoudre la crise identitaire, il suffit de ne plus laisser entrer « chez nous » tous ceux qui n’y sont pas officiellement invités et d’expulser ceux qui, tous comptes faits, n’étaient que tolérés à condition de se tenir bien.

Un dogme gouverne la volonté d’imposer à tous la résignation : le Dieu capitalisme est indépassable et pour durer il doit croître toujours. Une fois épuisées les réserves de pétrole conventionnel, Il va dévorer d’autres entrailles de la Terre afin d’en extraire de quoi alimenter ses exigeants foyers. C’est le prix à payer pour Sa survie. La malbouffe industrielle et l’agriculture chimique provoquent l’explosion du nombre de cancers dans les pays riches et inversent déjà la courbe de l’espérance de vie aux États-Unis. C’est le prix à payer pour Sa survie. Chez l’oncle Sam les 20% des habitants les plus riches possèdent 84% de la richesse tandis que les 40% les plus pauvres n’en possèdent que… 0,5%. Et l’Europe est sur ses traces. C’est le prix à payer pour Sa survie. Pour que l’Hôpital et l’École deviennent rentables, ces lieux jusqu’ici protégés ne doivent plus être respectivement l’affaire des soignants et des professeurs mais celle des commerçants. C’est le prix à payer pour sa survie. Tous ces dégâts collatéraux sont criminels, le résultat d’une fuite en avant mortifère, probablement consciente désormais. C’est le prix obligé du Progrès, nous serine-t-on.

Las ! Décrétons que tout cela est parfaitement idiot, d’une idiotie crasse même. Qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Humanité de poursuivre sa route sur ce chemin somme toute si fragile. Que nous voulons une économie du partage en lieu et place de l’économie de la confiscation qui chaque jour gagne du terrain. Osons proclamer partout comme le faisait « l’homme qui rit » de Victor Hugo que « c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ». Ne nous laissons pas intimider par les laudateurs de la Croissance comme unique moyen de notre salut. Raillons ceux qui voient dans la surconsommation le maintien d’une identité digne que la destruction du lien social ne permet plus. Réclamons moins de biens mais plus de liens. Les défenseurs du vieux monde ont des armes ? Oui, et ils s’en serviront quand ils ne s’en servent pas déjà . Nous en avons d’autres, et autrement plus convaincantes à bien y réfléchir. Appelons encore La Boétie à notre rescousse : ils sont grands car nous sommes à genoux. Oui, indignons-nous ! Et marchons.

Yann Fiévet

URL de cet article 12563
  

Même Thème
L’Histoire m’acquittera
Fidel CASTRO, Jacques-François BONALDI
L’Histoire m’acquittera (en espagnol : La Historia me absolvera) est un manifeste d’auto-défense écrit par Fidel Castro en octobre 1953, à la veille de son procès (il est jugé pour avoir attaqué la caserne de Moncada le 26 juillet 1953, en réaction au coup d’état de Batista). Fidel Castro est diplômé en droit, il manie la plaidoirie, exercice qu’il connaît bien, avec aisance : il y explique ses actes et son implication dans le soulèvement contre Batista mais surtout, il y développe ses différentes thèses (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Lorsqu’ils n’arrivèrent pas à s’en prendre à nos arguments, ils s’en sont pris à moi.

Julian Assange

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.